Cinq semaines après l'explosion en vol d'un réacteur sur un Airbus A380 de la compagnie aérienne Qantas, l'un des pilotes a livré le premier témoignage direct sur le déroulement des opérations. Interrogé par la Royal Aeronautical Society, David Evans a raconté la "journée extraordinaire" qu'il avait vécue le 4 novembre, pendant les trois heures qui ont suivi l'explosion d'un réacteur Trent 900 quatre minutes après le décollage de l'A380 de Singapour. Senior Check-Captain à bord du vol QF32 avec pour mission de former un collègue, David Evans a décrit comment une avalanche de messages d'erreurs, 43 dans la première minute et une dizaine ensuite, était tombée sur les écrans de contrôle du cockpit après l'explosion. Il aura fallu près de deux heures à l'équipage pour les étudier les uns après les autres et juger de leur impact sur leur capacité à poser l'avion. Selon Evans, la fuite de carburant sur l'aile endommagée et la crainte de problèmes sur les galeries de transfert ont d'abord conduit à la décision de ne pas transférer de fuel d'une aile à l'autre, ce qui a créé un déséquilibre de l'appareil, une des ailes comportant 10 tonnes de carburant de plus que l'autre. Ensuite la perte de circuits hydrauliques a entrainé des problèmes de freinage: plus d'antiblocage sur le train d'atterrissage sous l'aile endommagée et les aérofreins en position d'urgence, ce qui entrainait un risque de blocage des freins et d'explosion des pneus. Les messages d'erreurs trop nombreux, l'ordinateur de bord a été incapable de calculer une vitesse d'atterrissage précise, obligeant l'équipage à rejeter trois ou quatre alertes considérées comme mineures. L'ordinateur leur a alors indiqué qu'ils pouvaient se poser à 165 nœuds (35 de plus que la normale) avec une marge de 130 mètres de piste. Mais l'appareil enfin immobilisé sur la piste de l'aéroport Changi n'a pas mis fin au travail de l'équipage: il a fallu près de 50 minutes pour évacuer les 469 personnes à bord, alors que du carburant s'échappait de l'aile perforée et tombait sur des freins dont la température avait monté à 900 degrés pendant l'atterrissage, faisant craindre une explosion. Ce risque aurait même fait hésiter les services de pompiers à s'approcher de l'appareil. Evans décrit d'ailleurs ces 50 minutes comme les plus dangereuses pour les passagers comme pour l'équipage. Et s'il fallait une preuve de plus de la complexité à laquelle le commandant de bord Richard de Crespigny et ses collègues ont dû faire face, Evans explique que les techniciens de Qantas n'ont jamais réussi à recréer l'incident sur un simulateur…