Les consignes aériennes de sécurité imposent aux passagers à mobilité réduite d’être accompagnés sous peine de refus d’embarquement notifié par la compagnie aérienne. Mais où se situe cette frontière de mobilité réduite entre un homme avec une jambe dans le plâtre, une personne obèse, un autre âgé de 90 ans, un sportif certes en fauteuil roulant mais participant régulièrement aux JO handicapés, un paraplégique… ou un groupe de sourds et malentendants ? C’est ce dont devront délibérer les magistrats du tribunal de Grande Instance de Marseille, d’ici le 4 juin prochain suite au procès qui s’est tenu le 16 avril dernier. Rappelons l’affaire. En septembre 2011, vingt-et-un touristes sourds et malentendants, accompagnés d’une personne entendante, se voient refuser depuis l’aéroport de Marseille-Provence l’accès à bord du vol d’Hermès, filiale grecque d’Air Méditerranée, pour la Turquie. Pourtant, toutes ces personnes avaient obtenu leur carte d’embarquement en bonne et due forme. Elles se sont senties « scandalisées et humiliées », a insisté leur avocat au tribunal. Ce dernier demande plus de 25 000 euros de dédommagement par personne lésée, plaidant le fait qu'ils n’en était pas à leur premier voyage en groupe, mais que c’était la première fois que pareille mésaventure leur arrivait. C’est la cause de leur plainte déposée pour discrimination. Les trois acteurs incriminés, la compagnie Air Méditerranée en premier lieu, l’agence de voyages marseillaise Castellane Voyages à qui les voyageurs ont acheté leur séjour, et Fram, à qui Castellane a acheté le forfait séjour, se sont tour à tour jeté la pierre lors de ce procès. Air Méditerranée invoque de strictes mesures de sécurité, soit deux personnels navigants au-delà de quinze personnes à mobilité réduite. Mais pour l’avocat des sourds et malentendants, il n’est pas question de considérer ses clients comme étant à mobilité réduite. Ce sont des gens « tout à fait mobiles et autonomes », des gens qui « lisent parfaitement sur les lèvres et les consignes de sécurité ». La question est très sensible. Rappelons que  le secrétaire d’Etat aux Transports, Dominique Bussereau, « consterné » devant le refus répété d’easyJet d’embarquer des handicapés en fauteuil roulant non accompagnés, avait demandé une enquête en 2011 à l’encontre de la low cost orange, avec à la clé d’éventuelles sanctions si la discrimination était avérée. La low cost s’était alors retranchée derrière les mêmes contraintes de sécurité aérienne. Elle plaidait malgré tout en décembre 2011 par la voix de son avocat Me Philippe Van der Meulen à l’issue d’un procès similaire pour discrimination, qu’elle embarquait annuellement « environ 350 000  personnes à mobilité réduite, qui sont accompagnées ou qui sont suffisamment autonomes pour embarquer seules et évacuer l’appareil rapidement en cas de problème ». Mais où se situe donc la frontière vue d’en haut ?