Françoise Breuil est la première femme commandant de bord sur ATR de la compagnie Hop ! Airlinair. Le métier de pilote fait toujours autant rêver, et pas que chez les hommes. Ainsi, les femmes pilotes représenteraient environ 10 % des effectifs personnel navigant technique (PNT). Chez Hop ! Airlinair, Françoise Breuil est même à ce jour la seule femme commandant de bord de cette compagnie qui a une flotte uniquement composée d’ATR. Hop ! Airlinair compte en revanche une dizaine de femmes co-pilotes. Question. Est-ce plus difficile d’être pilote quand on est une femme ?
« C’est une question qu’on me pose assez fréquemment, mais je n’ai jamais eu trop de soucis sur le fait d’être une femme. Je pense que j’ai eu des problèmes identiques à ceux de mes collègues hommes. Peut-être le style est-il différent parce que je suis une femme, mais je ne pense pas avoir moins ou plus de difficultés que les autres. » Air-journal-ATR Francoise Breuil2
« La filière autodidacte » Francoise Breuil a eu la révélation lorsqu’elle avait neuf ou dix ans. Cela s'est déclenché lors d’un baptême de l’air en monomoteur avec son oncle qui était pilote privé. C’est décidé, elle deviendra pilote. Pour cela, il existe deux filières. La voie royale est l’Ecole Nationale de l'Aviation Civile (ENAC) à Toulouse. C’est une filière gratuite avec de bons débouchés, notamment avec Air France, mais la sélection est âpre, beaucoup se préparant avec Maths Sup-Maths Spé avant de tenter le concours. L’autre filière est celle des écoles privées, agréées par la Direction Générale de l’aviation civile (DGAC).
« J’ai opté pour cette filière que j'appelle autodidacte, c'est-à-dire celle des écoles privées. Ce sont les mêmes examens que pour les élèves de l’ENAC. La différence, c’est que c’est nous qui le finançons. Cela veut dire que j’ai eu un parcours un peu plus long, six ans au total, le temps d’amasser l’argent nécessaire à ma formation.»
Parcours de combattant Il faut compter environ 80 000 euros pour financer une formation, selon elle. Devenir pilote est donc un rude parcours de combattant. Originaire de Montpellier où elle fait un passage en faculté de sciences, elle sera quelques mois pompier volontaire sauvetage en mer, ce qui lui permet de financer la partie théorique du CPL (Commercial Pilot Licence) qu’elle passe à l’université de Perpignan. Avantage : la moitié de la formation est prise en charge par la Région. Elle passe ensuite avec succès le CPL pratique dans une école privée de Montpellier, Méditerranée Air Training. Mais le chemin reste long. Surtout sans financement. Ses parents acceptent de se porter caution pour un prêt à la banque. En 1998, elle part à Houston au Texas pour accumuler des heures de vol, condition absolument nécessaire pour avoir une chance d’être embauchée comme pilote.
« Notre CV, c’est le nombre d’heures de vol. J’ai donc accumulé de l’expérience ». Air-journal-ATR Francoise Breuil4
L’heure de vol sur bimoteur était à l’époque bien moins cher aux Etats-Unis comparativement à la France, 900 francs (137 euros) contre 1 400- 1 500 francs (environ 220 €) dans l’hexagone. En trois mois, elle passe tous les examens du CPL IFR (Instrument Flight Rules) ou vol aux instruments. Elle allie l’utile à l’agréable en parcourant le sud des Etats-Unis (Floride, Texas, Louisiane, Virginie) sur un Beechcraft 55. « Ce n’était pas mon but de rester dans un aéroclub » De retour en France après trois mois intenses, elle est embauchée comme instructeur sur vol en simulateur dans une école privée de Montpellier. Mais Françoise Breuil ne souhaite pas stagner. Elle comprend que l’évolution de sa carrière comme pilote dans une véritable compagnie aérienne passera par l’acquisition d’une Qualification de Type (QT), une formation technique qui donne le droit à son titulaire de piloter un certain type d’appareil. Cette QT coûte entre 20 000 et 30 000 €, mais elle avoue « ne pas être à cela près, vu les sommes investies. »
« Ce n’était pas mon but de rester dans un aéroclub »
Pilote chez Hop ! Airlinair Nous sommes dans les années 2000. A cette époque, la compagnie aérienne régionale Air Littoral, basée à Montpellier et qui exploite des ATR, existe toujours. Une nouvelle compagnie Airlinair exploitant aussi des avions turbopropulsés, vient d’être créée un an plus tôt par Lionel Guérin. Elle opte donc pour une QT sur ATR dans le centre Icare de Morlaix plutôt que sur A320 ou B737. QT en poche deux mois plus tard, chômage, et retour en aéroclub. Elle envoie des CV à différentes compagnies aériennes ayant des ATR. Excepté une audition auprès de Crossair, compagnie suisse, elle reste sans réponse pendant 8 mois. Puis trois compagnies Airlinair, Air Littoral et Air Atlantic se montrent intéressées pour qu’elles passent des tests de sélection. La première tentative est la bonne, c’est Airlinair (aujourd’hui Hop ! Airlinair).
« C’était une compagnie déjà en plein essor. »Air-journal-ATR Francoise Breuil 1  
A partir de 2001, elle sera co-pilote sur ATR, puis instructeur SFI (Synthetic Flight Instructor) ou sur simulateur, ground instructor et en 2005, elle gagne des galons en devenant commandant de bord sur ATR-72-500. Elle est aussi devenue officier de sécurité des vols, c’est-à-dire qu’elle analyse tous les événements indésirables survenues dans cette compagnie, du plus petit dysfonctionnement à de plus importants comme un pneu qui éclate, voire des problèmes de moteurs ou une sortie de piste. L’ATR Ce type d’appareil fonctionne sur le même principe thermodynamique que les avions à réaction, mais le turbopropulseur réutilise l’énergie produite à la sortie des turbines pour, en plus, entraîner l’hélice. Concrètement, l’avion est tracté vers l’avant, et non plus simplement poussé par l’arrière. Il en résulte une moindre déperdition d’énergie, d’où un besoin réduit en carburant. Son coût de maintenance est aussi moins élevé. En revanche, au niveau performance, il a le désavantage d’être moins rapide qu’un avion à réaction, ce qui aura des conséquences sur les trajets qui lui sont dédiés. Air-journal_Hop_ATR 72 Un avion aux performances optimales sur 600 km
« L’ATR est un avion très économique en consommation carburant, environ deux fois moins gourmand qu’un avion à réaction. Ceci dit, il faut aussi mettre en avant que si on est très compétitif sur des parcours de l’ordre de 600 km. Ensuite, le jet a aussi l’avantage de faire gagner du temps de vol. C’est donc un compromis permanent entre le temps de vol pour le passager et le carburant. Tant qu’on reste autour de 600 km, soit une heure ou une heure et quart de vol, l’ATR est très bien positionné. Au delà, on laisse la place à nos collègues. C’est pour cela qu’il reste toujours intéressant d’avoir plusieurs types d’avions selon les trajets à effectuer. »
Depuis 2008, Françoise Breuil est en liste d’attente, suite à un concours réussi au sein d’Air France. Mais la période n’est pas propice au recrutement chez Air France, engagée dans une profonde phase de restructuration. Mais si jamais un jour, la compagnie re-décollait vers la croissance… la poursuite de son rêve de femme pilote serait de voler sur des long-courriers, pourquoi pas sur A380 ou B777. Air-journal-ATR Francoise Breuil6