Alors que la direction d’Air France doit annoncer vendredi 4 octobre prochain les mesures qu’elles compte mettre en oeuvre dans le plan 2 de Transform 2015, le Syndicat des pilotes d’Air France (SPAF), qui représente de 20 à 25 % des effectifs AF, durcit le ton avec la direction, la mettant en garde contre un éventuel passage en force. Air France ne prévoyant pas de retour de ses comptes à l’équilibre sur l’année 2013, la compagnie aérienne française a décidé d’ajouter des mesures additionnelles de réduction des coûts et surtout l’accélération du redressement du court et moyen-courrier.  Sur les 2 800 suppressions de postes du plan bis Transform 2015 qui sera annoncé en détail le 4 octobre, il devrait ainsi y en avoir 300 chez les pilotes ainsi qu’un glissement des effectifs vers la low cost d’Air France, transavia.com, qui verra sa flotte augmentée de 5 avions à l’été 2014 (soit 16 avions au total).
« Le sureffectif chez les pilotes s’élevait à 400  lors du premier plan Transform 2015, il y a un an et demi, sauf qu’il a été demandé une augmentation de la productivité aux pilotes, ce qui a eu pour effet de creuser encore le sureffectif de façon automatique », explique Julien Duboz, officier pilote de ligne et porte-parole du SPAF. Air-journal-Julien Dubos_Spaf
Le Spaf via son porte-parole dénonce ainsi des mesures de la direction Air France « totalement illogiques » comme cette rénovation des 747-400 d’ici 2015 « pour les revendre dans deux ans », une « vision à court-terme sans véritable stratégie industrielle et commerciale afin de contenter ses actionnaires et éponger sa dette considérable » (plus de 6 milliards) ainsi qu’un « management vieillissant ».
« Nous restons toujours avec cet encadrement vieillissant composé des mêmes personnes excepté Alexandre de Juniac et quelques autres. C’est toujours la même vision vieillissante et on ne voit aucune offensive réelle au niveau stratégie » Julien Duboz
Si le Spaf n’appelle pas officiellement à la grève (comme le Syndicat national des pilotes de ligne SNPL aujourd’hui), il reste prêt à la faire s’il ne s’avère pas entendu.
« Ce plan Transform 2015 était nécessaire oui, mais il ne va pas dans le bon sens. D’ailleurs, on voit bien qu’il n’a pas porté ses fruits. On s’entête avec un Transform 2015 bis »
Rappelons d’ailleurs que les syndicats de personnel navigant commercial SNPC et UNSA PNC ont appelé à la grève du 20 au 24 novembre prochain, ces derniers estimant qu’ils « avaient assez donné » lors du premier plan. Ils s’opposent donc « à toutes mesures d’économies supplémentaires touchant nos emplois, notre rémunération ou nos conditions de travail ». Montée en puissance de Transavia.com Sur les semaines qui viennent, direction et syndicats vont s’affronter sur le cas de la montée en puissance de Transavia (16 avions à l’été 2014). Ainsi, l’accord de 2006 à la création de Transavia stipule qu’au-delà de 14 avions, ce soient des avions Air France avec des équipages Air France qui doivent être utilisés. Détail important : Air France n’a pas de B737 contrairement à la flotte tout Boeing de Transavia.com. Il y aura donc renégociation avec des organisations syndicales dès cet automne pour trouver un accord au-delà du 14 è avion.
« Ce qu’on souhaite, c’est intégrer les actuels 100 pilotes de Transavia sous le même contrat de travail qu’Air France, et non l’inverse. Au Spaf, on se doute bien qu’on ne va pas en rester là. Si la direction veut passer en  force, à savoir continuer à transférer les pilotes Air France, volontaires dans un premier temps, avec un contrat sous Transavia (plus une prime de départ pour compenser la différence de salaire qui comme on le redoute va disparaître par la suite), alors on ira jusqu’à déposer un préavis de grève. » Air-journal_transavia B737-800
Un pilote chez transavia.com travaille 95 heures réelles contre 75 heures réelles chez Air France.
« Cela signifie globalement qu’on travaillera franchement beaucoup plus (de l’ordre de 20 %)  pour le même salaire. »
Un sureffectif non homogène Selon le porte-parole du Spaf, Air France a mal géré  le problème très sensible que sont aj_equipage_air-franceles sureffectifs au sein de la compagnie, que ce soit chez les pilotes ou chez le personnel d’escales dont il s’attend à ce qu’il y ait des « plans sociaux » demain. Chez les pilotes, le sureffectif est très disparate selon le type d’avions utilisés : en sous-effectif latent sur les B777, A330 et A340 « où des pilotes n’ont même pas pu prendre leur vacances cet été », en sureffectif flagrant sur A320 "estimé à 200 pilotes".
« La direction ne veut pas payer de qualification sur les avions qui coûtent de l’argent ou en tous les cas insuffisamment. Cela permettrait au contraire de niveler toutes les divisions entre elles. C’est une perte d’argent énorme puisque les pilotes volent 40 heures par mois sur A320 au lieu de 75 heures réglementaires et ils sont payés au minimum de leur salaire garanti, alors que les autres pilotes effectuant des heures supplémentaires, sont payés avec une majoration », explique Julien Duboz
Les escales Une réorganisation majeure des escales est aussi attendue dans ce plan bis, avec des mesures annoncées escale par escale. Ainsi si certains avancent que les bases de province sont un succès opérationnel, elle ne le seraient pas économiquement parlant avec toujours des pertes d’argent. Il faut donc s’attendre à une révision du réseau avec certainement des fermetures de lignes déficitaires et surtout un rapatriement de certains équipages, de Marseille notamment qui iraient vers Paris.
« Cela fait un moment qu’on tire la sonnette d’alarme sur les escales en France qui reste le nerf de la guerre aujourd’hui. Quand les bases province ont été créées, nous étions prêts à négocier à la marge avec des règles d’utilisation plus souples pour les pilotes mais sans toucher à leurs rémunérations. « On attend de voir, on reste méfiant mais  il y aura des plans sociaux. »
Le précédent plan de départs volontaires Il ne serait pas aussi bon qu’espéré. Certes, certains pilotes sont partis chez Transavia. Mais les départs volontaires se révèlent à ce jour en dessous des objectifs. Ainsi, 170 pilotes proches de la retraite sont partis ou vont partir d’ici la fin de l’année 2013 sur un objectif de 230 départs volontaires. Plusieurs explications peuvent expliquer cette désaffection selon le Spaf : des primes de départ au montant insuffisamment élevé et le déplafonnement en 2010 de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans, donnant le choix au pilote de poursuivre jusqu’à l’âge de 65 ans. Très peu de pilotes seraient de même partis à l’étranger. Cela se compte à peine « en dizaine », affirme Julien Duboz. La plupart auraient signé en Chine, Air France ayant signé un partenariat en ce sens avec plusieurs compagnies aériennes dont de l'alliance SkyTeam dont fait partie Air France ou encore Qinqdao Airlines qui vient de commander récemment 23 monocouloirs dont 18 A320neo. La sécurité des vols Le Syndicat des Pilotes d'Air France, fondé en 1993 par scission et après désaccord profond avec le Syndicat national des pilotes de lignes (majoritaire chez Air France, le Spaf représentant environ 25 % des 2 400 pilotes) met en priorité numéro 1 dans ces statuts la sécurité des vols.
« Nous sommes là pour le maintenir à un niveau optimal, et sommes très attentif à ce que les budgets restreints d’une compagnie en pleine phase de restructuration ne viennent gêner la problématique de la sécurité des vols ».
Et de citer un exemple :
« Nous sommes passés récemment de la documentation en français Air France à la réglementation constructeurs en anglais d’Airbus et Boeing avec une formation au rabais. Ce n’est pas avec un seul simu et en donnant un CD aux pilotes afin qu’il fasse de l’autoformation à la maison, qu’on va travailler correctement. C’est pourtant un changement de philosophie majeur. Nous avions demandé beaucoup plus, mais on nous a répondu qu’en raison des contraintes économiques, parce que la boîte allait mal, ce n’était pas possible. » aj_pilote_air-france2