Trois questions à Fabrice Dariot, patron du site Bourse des vols, un des pionniers du I-Tourisme français, en ligne depuis 1997, et qui a fait voyager plus d'un million de passagers : "Le secteur de l'aérien français est en danger au même titre que l'ensemble des secteurs économiques traditionnels de notre pays". -Quel est l'état du secteur de l'aérien français ? La situation est-elle si désespérée, Air France va-t-elle disparaître dans 20 ans ? On fête les 100 ans de l'aviation commerciale cette année. Je lisais il y a peu "Quand le ciel était français", un livre de référence au titre cruel écrit par Henri Poydenot. Les chemins de fer sont une invention anglaise, l'aviation est une invention française... mais ce passé glorieux ne nous est pas d'un grand secours. Le pavillon français souffre de maux divers, il s'en est même infligés certains. Il est vrai que l'absence de normalisation fiscale et sociale en Europe est un désavantage pour toutes les entreprises de notre pays. A service égal, on paie plus de charges et de taxes. On demande aux entreprises françaises de gagner le 100m en courant en Pataugas. Quant aux compagnies extra-européennes, elles fonctionnent sur des bases économiques qui nous échappent parfois. Le monopole de droit, puis de fait dispendieux de la compagnie historique a été un faux ami. Elle a mal préparé Air France à affronter l'inéluctable, la confrontation avec une véritable concurrence. Ce refus d'obstacle et de réforme des coûts internes de fonctionnement l'a conduit a prendre une seconde décision encore plus dommageable: rompre le lien commercial, voire affectif qui la liait à la distribution. Une agence de voyages traditionnelle ou internet n'a aucun intérêt financier ou commercial à vendre une compagnie française plutôt qu'étrangère. Certaines compagnies françaises caressent l'espoir de pouvoir se passer de la distribution même si elles ne les rémunèrent plus. Pour économiser les frais de GDS entre autres. Je dirais même que notre valeur ajoutée réside dans le fait de conseiller à notre clientèle de passer par Helsinki pour aller en Asie ou par Casablanca pour aller en Afrique si elle veut réaliser des économies. Les intérêts du pavillon français et de la distribution françaises divergent souvent. Paradoxe ou pas? -Il y a des compagnies françaises qui se portent bien ? Apparemment, les compagnies françaises qui se portent bien sont celles qui exploitent une niche sans hub. Axes forts, densité de trafic élevée avec un mélange tourisme/affaires/ethnique équilibré. -Les acteurs de l'aérien sont favorables à l'ouverture du ciel et en même temps ils demandent une intervention de l'Etat pour aider le secteur. N'est-ce pas paradoxal ? Si Pan Am la reine du ciel a disparu, n'importe quelle compagnie au monde peut subir le même sort. D'ailleurs le gouvernement français pour vendre des avions à l'étranger doit ouvrir son ciel à ceux qui les achètent et augmenter la pression exercée sur les compagnies françaises. Pour le plus grand bénéfice du consommateur, voire de la distribution au demeurant. Je reprendrais à mon compte la formule qu'emploient les belges doués pour l'auto-dérision : la situation est désespérée mais pas grave. Les taxes inflationnistes, les redevances folkloriques, les blocages syndico-corporatistes, l'illisibilité de la politique économique d'un gouvernement mobilisé sur les combats idéologiques sont clairement des freins puissants au développement du pavillon français. Le niveau élevé de parafiscalité aéroportuaire est une autre tarte à la crème française. Beaucoup de taxes et si peu de service. Au début du XXème siècle, l'aviation française faisait rêver le monde. Entre les 35h et la Taxe Chirac, nous sommes devenus un pays qui amuse les autres. O Tempora O Mores!