La compagnie aérienne low cost Ryanair comparait aujourd’hui devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, après avoir été condamnée en 2013 pour non-respect du code du travail français dans son ancienne base de Marseille. La spécialiste irlandaise du vol pas cher avait fait appel en octobre dernier de sa condamnation en correctionnelle à payer 200 000 euros d'amende et près de 9 millions de dommages et intérêts aux parties civiles, le procès s’ouvrant ce 23 juin 2014 dans la même ville. Elle avait été jugée coupable de travail dissimulé, entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, des délégués du personnel et du droit syndical, et emploi illicite de personnels navigants (non affiliés au régime complémentaire obligatoire de retraite), des faits remontant à la période 2007-2010 quand elle employait 127 salariés sous contrat irlandais à l’aéroport Marseille-Provence, où quatre avions étaient basés jusqu’à l’ouverture de l’information judiciaire en 2010. Le tribunal correctionnel avait notamment retenu le fait qu’en « refusant de se soumettre à la législation française en matière de cotisations sociales, la compagnie Ryanair a organisé un véritable dumping social lui permettant de réduire ses coûts d'exploitation et plus particulièrement ceux relatifs au personnel ». Il soulignait alors que les taux de charges sociales en France « sont de 40 à 45% pour l'employeur, contre 10,75% en Irlande », ce qui constitue une « concurrence déloyale vis-à-vis des autres compagnies aériennes respectant la législation nationale ». Ont déjà été condamnées sur les mêmes motifs EasyJet et Vueling (confirmé en Cassation) ainsi que CityJet, filiale d’Air France-KLM désormais revendue (confirmé en appel). Suivant sa ligne de défense habituelle, Ryanair avait à l’époque souligné « l’incohérence entre les lois actuelles sur l’emploi européen, sous lesquelles ces travailleurs irlandais ont payés leurs impôts et sécurité sociale en Irlande, et le décret français de 2006 qui cherche à exiger que les équipages opérant en Irlande payent des charges sociales et contributions de pension en France, malgré le fait qu’ils les ont déjà payés en Irlande ». Le décret en question, daté du 21 novembre 2006, soumet les personnels navigants des compagnies étrangères installées en France au droit français. Pour Ryanair, il a été « spécifiquement introduit par le gouvernement afin de protéger la compagnie déficitaire Air France et de limiter la concurrence entre cette compagnie aux tarifs élevés et les compagnies low-cost, incluant Ryanair, easyJet et Cityjet sur les lignes domestiques en France ». La directive sur les services de l’Union Européenne laisse aux entreprises une large marge de manœuvre pour poster des employés à l’étranger, même si certaines professions sont exclues. L’argument de Ryanair est connu : les équipages opérant les vols de et vers Marseille « travaillaient pour une compagnie ayant son siège social en Irlande et passant leur journée de travail dans des avions enregistrés en Irlande », ils devraient donc être considérés comme « travaillant principalement en Irlande et non en France ». « De manière correcte », les équipages « travaillaient sous contrats de travail irlandais en payant des cotisations sociales irlandaises en conformité avec le décret européen sur les règles d’emploi et de sécurité sociale européenne ». Elle ne voulait donc pas croire que le décret de 2006 s’applique « sur ses opérations marseillaises », ce que son avocat traduisait lors du procès par « ils volent dans des avions irlandais et sont à cheval sur plusieurs pays, ils ne travaillent pas plus en France qu'ailleurs »... L’accusation avait été tout aussi claire lors du procès en correctionnelle, rappelant que son « activité pérenne » à l’aéroport de Marseille-Provence ne faisait aucun doute : locaux avec casiers, cadres employés sur place, personnel navigant vivant dans la région… Le tribunal avait suivi, condamnant la low cost à payer non seulement 200 000 euros d'amende, et près de 9 millions de dommages et intérêts à l’URSAFF, les caisses de retraite, Pôle Emploi ou des syndicats de personnel navigant. Rappelons que Ryanair avait fermé sa base de Marseille début 2011 après l’ouverture d’une information judiciaire, sans pour autant arrêter de desservir la cité phocéenne. Elle y propose aujourd’hui 37 routes.