Plus de 45% des vols d’Air France devraient être assurés ce vendredi au cinquième jour de grève des pilotes sur fond de développement de la filiale low cost Transavia, alors que les dirigeants de la compagnie aérienne et du SNPL France ALPA s’expliquent – et qu’un syndicat traine l’entreprise devant les tribunaux pour détournement de la loi Diard. Si aucune fin de conflit n’est en vue, une légère amélioration de la situation devrait être de mise dans les aéroports ce 19 septembre 2014, avec 55% d’annulations de vols contre 58% la veille et 60% mercredi, à en croire la compagnie nationale française. Des chiffres qui sont de nouveau contestés par le syndicat de pilotes majoritaire SNPL France ALPA, dont les calculs indiquent par exemple pour la journée de mercredi un taux de vols annulés supérieur à 85% « dans le strict périmètre des pilotes Air France en grève ». Explication du syndicat : les chiffres officiels de la compagnie comprennent tous sous code AF, avec les vols en propre d’Air France, ceux opérés par HOP! (pas affectée par la grève), et ceux affrétés régulièrement (CityJet) ou pendant la grève (Corsair, XL Airways, Air Corsica…). La distinction importera peu aux passagers, mais permet au syndicat de dire que le mouvement « non seulement ne s’essouffle pas mais s’intensifie ». Et d’annoncer pour samedi les résultats d’un référendum chez les pilotes adhérents, appelés à se prononcer pour la poursuite de la grève au-delà du 22 septembre – le mouvement devenant alors illimité. Selon le président de la section Air France du SNPL Jean-Louis Barber, l’échec des négociations est imputable entièrement à la direction, qui « essaie de nous amener dans le mur pour avoir un prétexte pour ne pas développer Transavia France ». Interrogé par Le Monde, il affirme qu’Air France « prétend qu'elle discute, qu'elle est ouverte. Mais son objectif est de casser nos contrats Air France pour nous envoyer travailler chez Transavia avec des contrats Transavia. C'est un chantage que l'on n'acceptera », conclut-il, tout en ajoutant qu’il ne peut pas « avoir de vainqueur » dans ce conflit. Le SNPL indique aussi que les propositions de mercredi (pas de vols Transavia Europe vers certains aéroports français) « ne font qu’entériner les principales craintes des pilotes », à savoir la mise en concurrence des contrats de travail des pilotes entre Transavia France et Air France, et la création de Transavia Europe « visant à délocaliser l’emploi français et à piller le marché français depuis des bases européennes ». De son côté, le PDG du groupe Air France-KLM Alexandre de Juniac a réaffirmé hier son opposition à tout contrat commun pour les pilotes de la maison-mère et de sa filiale low cost, expliquant sur RMC que « ce qui se joue, c'est l'avenir d'Air France ». « On est en train de sortir la tête de l’eau » après un plan de restructuration Transform 2015 « très dur », mais cette grève (dont le coût est estimé entre 10 et 15 millions d’euros par jour) « compromet les fruits de notre redressement ». Et il souligne que toutes les propositions ont été rejetées par les syndicats grévistes (SNPL donc, SPAF et Alter), se demandant s’ils ont une « volonté d’aboutir dans les négociations en cours », qui auraient déjà duré 40 heures et se déroulent dans un contexte « d’élections syndicales dans quelques mois » (en avril dernier, le SNPL avait perdu son siège au conseil d’administration au profit du SPAF). Devant la presse économique, le PDG rappelle que pour contrer les easyJet, Ryanair et autres Vueling « qui ont choisi la France comme zone de développement », il veut faire passer le nombre d’avions de Transavia de 14 à 37, « créer 1.000 emplois en France dont 250 postes de pilotes ouverts à ceux d’Air France », puis « exporter ce modèle en Europe ». Et il rejette les accusations de délocalisation : « je me suis battu pour que les low cost respectent le droit français (…), et j’entends bien faire la même chose quand Air France va dans d’autres pays ». Une version rejetée par le SPAF (Syndicat des pilotes d’Air France, minoritaire) dans un communiqué, parlant de « désinformation comme seule stratégie d’Alexandre de Juniac » et de « chantage inacceptable à l'emploi adossé à une stratégie industrielle de délocalisation ». Le syndicat a assigné Air France en justice pour détournement de la loi Diard ce matin devant le tribunal de Bobigny, expliquant que la compagnie a « utilisé les déclarations des pilotes grévistes pour les remplacer par des pilotes non grévistes », afin de permettre à un maximum d’avions de voler pendant la grève. Son argument : la loi Diard a pour but d'anticiper et d'informer les passagers « mais n'autorise pas les réquisitions de personnels ».