Douzième jour de grève des pilotes de la compagnie aérienne Air France, et toujours pas de sortie de conflit en vue malgré l’abandon du projet de filiale low cost Transavia Europe. C’est le sort de Transavia France qui justifie désormais la poursuite du mouvement. Pas de répit pour les passagers de la compagnie nationale : 52% des vols sont encore annulés ce 26 septembre 2014, après la suspension de négociations qui avaient repris dès l’annonce mercredi soir de l’arrêt du projet de low cost paneuropéenne, avant de s’interrompre au milieu de la nuit et puis recommencer jeudi après-midi – et se terminer sur un constat d’échec. Le Comité Central d'Entreprise (CCE) d’Air France a eu beau confirmer hier l’enterrement « définitif » de Transavia Europe, les syndicats n’entendent pas relâcher la pression sur leur autre cheval de bataille, le contrat unique dans toutes les compagnies du groupe pour les pilotes d’avions de plus de cent places – et donc ceux de Transavia France, pour laquelle la direction avait déjà proposé de limiter l’expansion de la flotte. Le syndicat de pilotes majoritaire SNPL Air France ALPA, pour qui le retrait du projet était une « condition nécessaire mais pas suffisante », déclarait hier avoir « fait des propositions raisonnables » mais non détaillées sur les conditions d’emplois, permettant de « trouver une issue rapide au conflit ». « Contrairement à la direction, nous ne sommes pas dogmatiques et sommes capables d’être force de propositions pour permettre le développement de Transavia France », ajoutait le syndicat avant d’affirmer que « la volonté première de la direction semble donc intacte : elle veut diviser les pilotes, saucissonner nos contrats de travail, pour pouvoir ensuite mieux les mettre en concurrence ». Et de répéter sa position : aucun pilote d’Air France n’acceptera de partir chez Transavia, quelles qu’en soient les conditions de travail, « si son contrat de travail avec Air France est suspendu et qu’on lui impose la conclusion d’un nouveau contrat de travail Transavia ». Le PDG du groupe Air France-KLM Alexandre de Juniac « le sait et c’est probablement son objectif », explique le SNPL qui appelle à la mobilisation jusqu’au 30 septembre « face à cette parodie de dialogue social et cette nouvelle provocation de la direction visant à diviser les pilotes ». On rappellera tout de même que lors de la présentation en août du projet de réorganisation du moyen-courrier, Air France affirmait qu’il n’y aurait aucun transfert de personnel, de contrats de travail ou d’avions… air-journal_Transavia_A320 Air FranceToujours opposée au principe du contrat unique, la direction d’Air France aurait en revanche proposé hier de maintenir les avantages de l’été dernier, quand des Airbus A320 avec équipage avaient été affectés à Transavia France : les pilotes partaient sur la base du volontariat en bénéficiant d’une prime pouvant atteindre 35 000 euros pour compenser la baisse de rémunération (5 équipages sont nécessaires par avion), et le SNPL serait chargé de gérer les évolutions de contrat. Le syndicat avait en mars accepté le principe pour un an, le temps d’étudier la mise en place et les conséquences du transfert des A320, expliquant alors qu’il fallait « construire la riposte d’Air France face aux low cost » étrangères, au premier rang desquelles Ryanair, easyJet ou Vueling. Le SPAF minoritaire avait refusé de signer, menaçant déjà d’une grève de ses adhérents. « La prise d’otages et le chantage, ça marche en France » : ce commentaire d’un passager désabusé - qui avait tout de même pu voyager sur un vol Air France - semble reflété par le point de vue des Français : d’après un sondage Tilder/LCI/OpinionWay, 69% des personnes interrogées considèrent que cette grève est injustifiée (30% pensant le contraire), et 53% des Français estiment que le gouvernement a raison d’intervenir dans le conflit. Ce dernier, qui possède 16% du capital de la compagnie, a de nouveau appelé hier à reprendre le travail et à éviter la surenchère, tandis qu’une syndicaliste de la CFDT se désolait dans les colonnes de L’Alsace : « plus la grève dure, plus la facture s’alourdit, et tous les salariés vont devoir la payer. On a fait deux ans d’efforts et tout est balayé en dix jours ». Quant à la CFE-CGC Air France, qui avait organisé une manifestation pour soutenir la direction, elle déclarait hier que la « motivation réelle des pilotes grévistes est la sanction de la Direction Générale pour son refus de cogérer l’entreprise avec le SNPL, syndicat majoritaire. Tous les autres sujets mis en avant par le SNPL et démontés par les tentatives d’ouverture de notre PDG, ne sont que des prétextes pour rendre leur mouvement populaire auprès de l’opinion publique ». Et de prédire que l’après-grève « va être horrible à gérer »…