Le PDG d’Airbus a répété hier que le programme A380 était promis à un « brillant avenir » même s’il faut encore lui trouver de nouveaux clients. La compagnie aérienne low cost Skymark Airlines n’en fait elle plus partie, et sera même poursuivie en justice par l’avionneur pour rupture de contrat. La livraison le 22 décembre 2014 du premier A350 du constructeur européen a été l’occasion pour le PDG Fabrice Brégier de revenir sur un autre programme long-courrier, celui de l’A380. Sans doute histoire de mettre fin aux questions déclenchées par la sortie du directeur financier Harald Wilhelm, qui estimait que l’arrêt du programme faisait partie des scénarios envisagés (voir notre article), le PDG a déclaré hier qu’il était « dingue » de penser à arrêter la production du superjumbo « alors qu’après tous ces efforts nous sommes sur le point d’arriver à l’équilibre financier ». Le programme A380 continuera, a-t-il asséné, les 148 exemplaires en service sur 318 commandés fermes laissant presque six ans de production à Airbus au rythme de 30 appareils par an. « En 2015, 2016 et 2017, notre carnet de commandes est largement rempli et les réservations sont quasiment complètes » pour une production à ce rythme, a-t-il souligné. M. Brégier reconnait cependant que « le défi est de trouver plus de clients», alors qu’au lancement de l’A380 en 2000 Airbus tablait sur 1200 ventes (le Japon et la Chine en particulier n’ont pas été franchement séduits). L’année 2014 pourrait en effet être la première à se terminer sans la moindre commande d’une compagnie aérienne, aucun des 20 exemplaires achetés par la société de leasing Amadeo n’ayant officiellement trouvé preneur. Mais le PDG est convaincu que le marché « va vers des appareils plus gros», avec un trafic mondial qui devrait doubler tous les dix à quinze ans ; le programme va donc continuer, et un jour « nous étudierons des améliorations de l'avion », la version A380neo (remotorisée) étant « envisageable » ainsi qu’une version A380-900 plus grande « mais à très long terme ». La plupart des analystes estiment qu’une décision devra être prise dès l’année prochaine, même si Airbus doit déjà gérer la montée en cadence de production de l’A350 et le lancement des familles A320neo et A330neo. air-journal_Skymark_A380_take_off_maiden_flightSi l’A380 n’a pas séduit en 2014, un client existant a dû déclarer forfait : les six avions destinés à la low cost japonaise Skymark Airlines (dont deux presque prêts) ont été annulés pour cause de difficultés financières, un exemple qui pourrait être suivi par Air Austral, Virgin Atlantic ou Hong Kong Airlines (Air France devrait remplacer les deux derniers commandés par des avions plus petits). La low cost a confirmé hier faire l’objet en Grande-Bretagne d’une procédure judiciaire portant sur les pénalités à payer en cas de non-respect du contrat. « Les discussions avec Airbus en vue de résoudre ce problème sont en cours et se poursuivront », a déclaré un porte-parole de la compagnie. Rappelons qu’Airbus avait annulé cette commande en juillet dernier en raison de la situation financière de la compagnie aérienne ; un mois plus tôt, Skymark Airlines avait repoussé de six mois la première livraison prévue d’ici la fin de l’année (l'A380 avait effectué son vol inaugural en avril), officiellement pour un problème de configuration de cabine, son PDG souhaitant repousser également la seconde livraison et reporter sine die les quatre autres. C’est peut-être en pensant aux deux A380 déjà prêts de Skymark Airlines, configurés pour accueillir 114 passagers en classe Affaires et 280 en Premium (loin donc des 500 places et plus recommandés, et nécessitant un réaménagement complet s'ils doivent être revendus) que le vice-président d’Airbus Chris Buckley avouait le 10 décembre une « erreur de marketing », en laissant les clients customiser entièrement l’aménagement intérieur de l’A380 plutôt que d’insister sur les capacités – une route désormais empruntée par l’avionneur.