Les premiers jours de communication après un accident d’avion sont toujours compliqués, surtout si l’accident a fait un nombre important de victimes. Le crash de la low cost Germanwings mardi dernier dans les Alpes, qui a causé la mort de 150 personnes, ne fait pas exception. Quelques mots du procureur de Marseille Brice Robin pendant sa conférence de presse du 26 mars 2015 ont relancé le débat entre nécessité de précision, afin entre autres de tirer des leçons pour le futur de la sécurité aérienne, et exigences de l’information continue comme des familles de victimes : il a jugé que le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) lui a donné des informations « un peu trop tardivement à mon goût ». Une déclaration qui intervenait alors que le New York Times avait la nuit précédente publié une fuite sur le fait qu’un des deux pilotes était bloqué en dehors du cockpit, quand le BEA freinait toutes les spéculations mercredi après avoir récupéré l’enregistreur des conversations du cockpit (CVR) du vol 4U9525, très abîmé mais exploitable : il était « beaucoup trop tôt pour en tirer la moindre conclusion sur ce qu'il s'est passé » déclarait alors le directeur Rémi Jouty, avant de prévenir qu’il faudrait des jours voire des semaines pour avoir une idée claire. Hier, le procureur semblait avoir suffisamment d’informations tirées du CVR pour affirmer que le crash était intentionnel de la part du copilote Andreas Lubitz, allant jusqu’à citer le rythme de sa respiration. Si le BEA n’a fait aucun commentaire, les syndicats de pilotes s’en sont chargé, dénonçant une fuite qui est un « manquement sérieux » aux règles internationales d’enquête définies par l’ICAO (ECA) voire une « invasion inacceptable de la vie privée que l’on ne peut décrire que comme une recherche du sensationnalisme et un voyeurisme de la pire espèce » (IFALPA). François Pottecher du syndicat de pilotes SNPL Transavia juge lui aussi cette fuite « inacceptable » dans Libération, expliquant que les enquêteurs ne doivent rien divulguer « tant qu’on n’est pas certain ». Les plus récents accidents d’avions sont une bonne preuve de la difficulté de cette communication : lors de la disparition l’année dernière du vol MH370 de Malaysia Airlines (270 victimes), les autorités malaisiennes avaient été justement critiquées pour la lenteur et la confusion des informations rendues publiques – même si l’implication d’armées de plusieurs pays pour savoir où l’avion était passé ne rendait probablement pas les choses faciles. Le manque de clarté avait bien sûr déclenché les spéculations les plus variées – on ne sait toujours pas ce qui s’est passé. Leçon apparemment apprise en décembre par la low cost Indonesia Air Asia (crash du vol QZ8501, 155 morts) : le président du groupe Tony Fernandes a régulièrement communiqué, et (presqu’immédiatement) avoué qu’il y avait des « problèmes » sur les créneaux de vol. La théorie d’un crash dû au mauvais temps reste privilégié, mais les autorités indonésiennes ont refusé de rendre public le rapport intermédiaire destiné à l’ICAO – suite des fuites d’abord démenties avant d’être confirmées, et des prises de paroles des militaires comme des politiques. Lufthansa et Germanwings n’ont pas échappé aux critiques dès le lendemain de l’accident sur leur communication : refus de divulguer des détails sur les pilotes (24 heures après le crash, on savait seulement que le commandant de bord avait 10 ans d’expérience et 6000 heures de vol ; on n’a rien su du copilote avant jeudi), incapacité à fournir avant 48 heures une liste des nationalités représentées à bord, y compris en mentionnant le cas des possibles doubles nationalités (le nombre de victimes allemandes est passé cette nuit à 75)… Ce dernier problème est relativisé par le BEA, dont le règlement admet qu’il est « parfois difficile d'obtenir rapidement une liste fiable des passagers d'un aéronef » avant d’ajouter qu’il « est important de fixer un délai dans lequel la liste des passagers peut être exigée de la compagnie ». Sans oublier que la publication des noms ne peut se faire qu’avec l’assentiment des familles. Enquêteurs techniques et judiciaires doivent donc jouer les équilibristes entre les différentes attentes : mais le doute reste « une épreuve supplémentaire pour les familles », expliquait Stéphane Gicquel de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs. Communiquer au jour le jour peut permettre une impression de « transparence », précise dans Libération Jean-Christophe Alquier, spécialiste en communication de crise, alors qu’un « sentiment d’opacité peut éveiller des soupçons ». Mais si des informations médiatisées comme celles d’hier viennent à être contredites dans les jours ou mois suivants, ce sera retour à la case départ pour ces mêmes familles. air-journal_crash Germanwings the real pilot-color