La nouvelle stratégie commerciale du groupe Lufthansa inclut des moyens de réservation directs afin d’accroître les bénéfices sur chaque billet vendu, et le développement d’une nouvelle méthode de réservation afin de créer des liens directs avec les partenaires commerciaux. Pour les GDS, cela se traduira par une taxe de 16 euros sur les réservations de vols en Europe. Les compagnies aériennes Lufthansa, Brussels Airlines, Swiss et Austrian Airlines sont toutes concernées par la stratégie commerciale dévoilée le 2 juin 2015 par le groupe allemand, et qui sera mise en œuvre le 1er septembre prochain pour « soutenir le renforcement de la rentabilité de leur entreprise ». En effet, le groupe Lufthansa envisage de dégager cette année un niveau de bénéfice net avant intérêts et impôts ajusté supérieur à 1,5 milliard d’euros : la nouvelle stratégie commerciale « vise notamment à accroître le pourcentage des recettes générées directement par les vols, ces derniers correspondant au service réel pour les passagers ». Les transporteurs appliqueront des frais supplémentaires (appelés « frais de distribution ») d’un montant de 16 euros par réservation pour chaque billet émis via un GDS (ou SMD, système mondial de distribution). Ces frais ne s’appliquent pas aux billets achetés via des moyens de réservation n’impliquant aucun coût d’exploitation de GDS, précise le groupe dans son communiqué : c’est notamment le cas des réservations effectuées par le biais des sites Internet des compagnies aériennes, du centre d’appels ou des comptoirs dans les aéroports. Les agences de voyages pourront également réserver sans frais de distribution via le portail en ligne www.LHGroup-agent.com. De plus, la clientèle d’affaires aura la possibilité d’effectuer des réservations selon les conditions contractuelles négociées sans application des frais de distribution sur www.LH.com. La clientèle des lignes aériennes du groupe Lufthansa pourra ainsi « compter sur la transparence des tarifs à tout moment. Le tarif indiqué sur le ticket correspondra au tarif définitif ». A l'annonce de Lufthansa, le SNAV, le Syndicat des professionnels du voyage français, a tout de suite réagi contre « cette décision arbitraire [qui] est tout à fait contre-productive et préjudiciable aux agences, à leurs clients et in fine aux compagnies qui l’appliqueront. Pour les agences, la quasi obligation qui leur est faite de réserver par l’intermédiaire des sites propres aux compagnies entrainera une perte de productivité, des difficultés à comparer les offres, et des problèmes de gestion comptable. Si elles choisissent de continuer à effectuer leurs réservation par l’intermédiaire de leur GDS habituel, les agences se mettront hors marché vis-à-vis des ventes directes des compagnies ». «Il s'agit là d'une décision particulièrement hostile vis à vis des distributeurs qui représentent une large part des ventes sur le marché français. Cette mesure ne sera pas sans conséquences sur les relations commerciales des agences avec ces compagnies », a mis en garde Jean-Pierre Mas, président du SNAV. Comme leur syndicat, des voyagistes français s'opposent fermement à la nouvelle politique de vente de Lufthansa. Ainsi, Fabrice Dariot, patron du site de l'agence de voyage en ligne Bourse des vols, a déclaré : «Bourse Des Vols est très attachée à l'intérêt du consommateur. Nous craignons que la décision du groupe Lufthansa, imposée brutalement, ne constitue une distorsion des conditions de la concurrence sur la Toile. Bourse Des Vols reste à l'écoute de la réaction officielle du Snav face à ce Diktat. Nous n'hésiterons pas à faire valoir légalement nos droits le cas échéant, comme nous avons si souvent su le faire... face à Google en particulier ». Jens Bischof, membre du comité de direction de la compagnie de Star Alliance, et directeur commercial de Deutsche Lufthansa AG, a justifié la décision de sa compagnie aérienne: « jusqu’à présent, le pourcentage des recettes issues de la commercialisation de billets par nos compagnies aériennes enregistre une baisse continue. Alors que les autres services et systèmes partenaires intégrés à notre chaîne de valeur affichent des marges bénéficiaires et un rendement à la hausse, nos compagnies aériennes voient leurs recettes se détériorer alors qu’elles sont les véritables prestataires des services à bord. Nous souhaitons donc inverser cette tendance en réorientant notre stratégie commerciale ». La nouvelle stratégie de Lufthansa implique également une plus grande transparence quant à la différenciation des coûts en fonction des canaux commerciaux. Actuellement, les coûts d’exploitation des GDS « sont nettement supérieurs à ceux d’autres moyens de réservation » tels que le portail en ligne www.LH.com par exemple. Au total, ils représentent plusieurs centaines de millions d’euros par an pour le groupe Lufthansa. Pourtant, ajoute le groupe, « ce sont les différents partenaires qui ont majoritairement recours à ce type de services. Le paiement d’un grand nombre de services est assuré par les opérateurs du groupe Lufthansa, alors qu’ils ne les exploitent que partiellement ».

Une offre plus flexible et modulaire en Europe

Aussi, à l’avenir, les compagnies aériennes du groupe Lufthansa proposeront une offre plus flexible et modulaire avec des options tarifaires et des services supplémentaires personnalisés. Annoncée à l’échelle du groupe, la mise en place d’une grille tarifaire spécifique sur les vols européens avec les options Light, Classic et Flex en Economy Class permettra aux passagers d’opter pour des services adaptés à leurs besoins à compter de l’été 2015. Différentes options pourront ainsi être associées selon le principe du « tarif adapté à la demande ». L’offre intégrera des services personnalisés afin de répondre davantage aux attentes de la clientèle. Le groupe rappelle qu’outre les fonctions basiques de réservation, d’établissement et d’émission des billets, les GDS intègrent entre autres des plates-formes de réservation offrant de nombreux services supplémentaires. Ces systèmes « permettent, par exemple, de combiner différentes offres tarifaires, d’effectuer une réservation intégrée et d’établir des factures ». Mais Lufthansa estime que l’offre de services supplémentaires innovants et d’options tarifaires améliorées « exige l’utilisation de technologies commerciales adaptées ». Pour l’heure, le système technologique commercial existant n’est pas en mesure de distinguer les offres par produit. Les compagnies membres du groupe Lufthansa développent donc une nouvelle technique de réservation qui permettra à leurs partenaires commerciaux de se connecter directement à leurs services informatiques selon la nouvelle norme NDC (New Distribution Capability) de l’IATA. Swiss teste actuellement le premier projet pilote NDC. La mise en place officielle par Lufthansa devrait intervenir dans le courant de l’année. Selon Jens Bischof, « pour le moment, contrairement à d’autres secteurs, nos compagnies aériennes ne sont pas en mesure de proposer leurs services via l’ensemble des canaux commerciaux existants. En effet, les structures et modalités contractuelles ont auparavant empêché toute adaptation dans de nombreux domaines. Notre nouvelles stratégie commerciale a donc pour objectif de faire bouger les lignes et d’obtenir une plus grande marge de manœuvre dans le cadre de nos activités afin d’offrir à nos clients les services adaptés à leurs besoins au moment opportun ».