L’élévation au grade d’Officier de la Légion d’Honneur d’Akbar al Baker, PDG de la compagnie aérienne Qatar Airways, passe mal chez les syndicats : le SNPL dénonce la connivence avec des transporteurs qui veulent déferler sur la France, tandis que le SNPNC parle d’un encouragement aux comportements antisociaux. La cérémonie du 5 juin 2015 au Palais de l’Elysée a provoqué les réactions attendues chez les représentants des pilotes, hôtesses de l’air et stewards français. Dans un long communiqué intitulé « un mirage d’Etat à la française », le SNPL France ALPA déclare que par cette décoration « justifiée au nom de l’excellence des relations entre la France et l’Émirat, le Président Hollande renvoie sans doute l’ascenseur suite au récent contrat de plusieurs milliards de dollars pour la vente d’avions militaires Rafale au Qatar ». Le syndicat voit dans cette manœuvre l’ouverture par le Président d’un « boulevard de reconnaissance à celui qui ne cache pas, à la tête de Qatar Airways, ses intentions d’accéder plus largement aux aéroports français ». Évidemment, déclare le SNPL, il « ne peut s’agir de contreparties officielles au contrat militaire, contreparties interdites par les règles internationales » ; et il rappelle le rapport américain selon lequel Qatar Airways aurait reçu des subventions à hauteur de 17,5 milliards d’euros sur les dix dernières années. Selon le syndicat de pilotes, « personne ne peut ignorer, et surtout pas le Président de la République, que l’objectif de ces compagnies, dopées aux aides d’État, est maintenant de déferler sur l’Europe, et tout principalement sur la France qui protège encore ses droits de trafic par des accords bilatéraux ». Il dénonce donc « la connivence du Gouvernement avec les compagnies du Golfe et l’absence totale de stratégie de l’État Français en matière de défense du pavillon du transport aérien français. Le transport aérien français représente pourtant une question de souveraineté nationale et pose celle de la place de l’économie de la France dans le monde ». Selon son président Erick Derivry, « la concurrence est une excellente chose : elle dope le marché, elle baisse les prix, elle génère de la croissance et donc de l’emploi. Mais cette concurrence doit être loyale et se dérouler sur un terrain de jeu équitable. Ce n’est pas le cas dans la compétition qui s’est ouverte avec les compagnies du Golfe. Dès lors, le SNPL France ALPA s’insurge de voir le Président de la République participer au marketing des dirigeants de ces compagnies et à leur pénétration dans le ciel français et européen, au détriment de tous les autres acteurs de l’économie ». Chez le syndicat SNPNC-FO, représentant les hôtesses de l’air et stewards, la condamnation est la même : la section Air France déclare que « de l'aveu même du PDG, nous rappelons que le Président de Qatar Airways a tenu des propos tout à fait cyniques et infamants à l’égard des salariés de notre entreprise. Ce dernier a signifié à son homologue d'Air France s’agissant des 9 jours de grève des pilotes opposés en septembre 2014 à la délocalisation d'une partie de l’activité: M. De Juniac, chez nous ce n'est pas possible, on les auraient tous envoyés en prison ». Le communiqué se conclut ainsi : « honorer l’auteur de tel propos sulfureux, de la plus haute décoration de notre pays, revient à dévaloriser celle-ci et à encourager les comportements antisociaux ». Rappelons que selon le communiqué de Qatar Airways, M. Al Baker a été récompensé « pour son dynamisme et sa vision stratégique qui ont permis d’initier une collaboration sans pareil entre Airbus et Qatar Airways, une première dans l’industrie du transport aérien. En effet, le constructeur français et le transporteur qatari travaillent main dans la main depuis de nombreuses années, à un niveau de coordination encore jamais égalé. L’excellente qualité des produits et services délivrés sur l’ensemble des vols Qatar Airways a également été reconnue pour avoir permis de faire avancer les standards en termes d’hospitalité dans l’intérêt des passagers. Qatar Airways a aussi été félicité pour son efficacité, sa précision et son exemplarité en termes de ponctualité ».