Les PDG des cinq plus grandes compagnies aériennes européennes Air France-KLM, easyJet, le groupe IAG, le groupe Lufthansa et Ryanair ont accepté de travailler ensemble à la promotion d’un nouveau modèle stratégique européen pour le transport aérien, qui « soutiendra la croissance et créera des emplois dans toute l’Europe, renforcera le secteur et proposera aux passagers des tarifs plus avantageux et une offre plus diversifiée ». Pas un mot n’a été prononcé sur les compagnies du Golfe. Lors d’un forum organisé à Bruxelles le 17 juin 2015 suite à la consultation lancée par Violeta Bulc, Commissaire européenne aux transports, les dirigeants sont tombés d’accord pour élaborer ensemble un projet présenté comme « comparable à la révolution qu’a constituée la création du marché intérieur de l’aviation civile, qui a permis la libéralisation du transport aérien en Europe ». Alexandre de Juniac pour Air France KLM, Carolyn McCall pour la low cost easyJet, Willie Walsh pour IAG (British Airways, Iberia, Vueling), Carsten Spohr pour le groupe Lufthansa et Michael O'Leary pour Ryanair l’ont souligné : « c'est la première fois que nous mettons de côté nos luttes concurrentielles pour souligner l'importance d'une nouvelle stratégie européenne pour le transport aérien », et appeler à une réforme du modèle en place sur le vieux continent. Quatre mesures ont été mises en avant :
  • Développer une nouvelle stratégie européenne pour le transport aérien, avec un plan prévoyant un cadre réglementaire simple et efficace, qui devrait permettre aux compagnies aériennes européennes de gagner en compétitivité, soutenir la croissance et créer des emplois grâce à l’ innovation (ex. : Horizon 2020), défendre les intérêts des consommateurs et accroître l’efficacité pour réduire les coûts.
  • Réduire les coûts des aéroports de l’Union européenne en faisant en sorte que les aéroports en situation de monopole fassent l’objet d’une réglementation efficace, que les passagers bénéficient pleinement des recettes commerciales qu’ils génèrent dans les aéroports, et que les frais de sûreté soient utilisés efficacement. À cette fin, l’une des solutions serait de réformer la directive sur les redevances aéroportuaires.
  • Mettre en place un espace aérien fiable et efficace en réduisant les coûts des prestations de contrôle du trafic aérien, faire en sorte que les opérations de contrôle du trafic aérien n’entraînent pas de perturbations pour les vols en Europe, repenser la stratégie du Ciel unique européen en se concentrant sur l’utilisation des nouvelles technologies pour gagner en efficacité, et utiliser le programme de financement SESAR pour respecter le cadre réglementaire du Ciel unique.
  • Soutenir l’activité économique et la création d’emplois en mettant en place un cadre réglementaire adapté, en supprimant les redevances passagers et les taxes environnementales abusives.
aj_passagers_hall embarquement-roissy_CDGSelon le communiqué commun des cinq groupes, qui ont transporté quelques 420 millions de passagers l’année dernière soit « à la moitié des déplacements de voyageurs en Europe », les compagnies aériennes européennes « forment le secteur le plus compétitif de l’aviation civile, leur grande diversité soutenant la concurrence et offrant un grand choix aux consommateurs ». La libéralisation qu’a connue l’aviation civile en Europe dans les années 90, par la création d’un marché unique entièrement libéralisé doté d’un cadre réglementaire commun complet il y a 18 ans, a considérablement renforcé la concurrence sur le marché européen. Les consommateurs ont ainsi pu profiter de tarifs bien plus bas et d’un plus grand nombre de vols en Europe et dans le reste du monde. Dans le même temps, les compagnies aériennes de l’Union européenne ont conservé les mêmes normes de sécurité optimales. La diversité et la qualité des services proposés se sont accrues et les coûts des compagnies aériennes ont diminué de 1 à 2 % par an au cours des vingt dernières années. Les PDG souhaitent donc que « cette baisse s’accompagne à présent d’une réduction des coûts sur lesquels les compagnies aériennes elles-mêmes n’ont aucun contrôle. La Commissaire européenne aux transports prépare actuellement une nouvelle stratégie européenne pour le transport aérien ; il est important qu’elle œuvre en faveur d’une concurrence accrue et d’une plus grande efficacité et qu’elle nous aide à réduire les coûts des autres domaines de notre secteur (notamment les aéroports en situation de monopole et les prestataires de contrôle du trafic aérien) et à réduire les charges fiscales imposées aux usagers ». L’aviation civile est un moteur avéré de croissance économique et de création d’emplois ; les mesures proposées « permettraient de créer des centaines de milliers d’emplois (notamment pour les jeunes, à un moment où le chômage des jeunes est particulièrement élevé dans des pays comme l’Italie ou l’Espagne) et d’augmenter le PIB de l’Europe ». Les cinq soumettront ces mesures à mettre en place à la Commissaire européenne aux transports, Violeta Bulc. En outre, les dirigeants ont confirmé leur soutien à un certain nombre de mesures et de principes essentiels « qui devraient contribuer efficacement au développement de la politique aéronautique européenne ». Le plus important est l’engagement en faveur de la sécurité : garantir que les critères de sécurité sont déterminés sur la base d’une évaluation scientifique des risques. Ils ont réitéré leur soutien à une libéralisation de l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur aéronautique mais aussi à une politique concurrentielle et plus réglementée au sein de l’UE. Ils ont également confirmé, comme principe général, leur opposition à l’octroi d’aides publiques aux compagnies aériennes et aux aéroports. Ils ont convenu que les réglementations et politiques européennes comme nationales devaient soutenir la prestation efficace de services, qui nécessite notamment de prendre des mesures permettant de réduire efficacement l’impact environnemental de l’aviation civile. L’importance d’une approche équilibrée des droits des usagers a également été soulignée. Il revient aux politiques européennes et nationales de garantir que les droits des usagers soient respectés. Les PDG « ont accepté d’inciter ensemble la Commission et les États membres de l’UE à appliquer les mesures suggérées. Les cinq compagnies ont convenu que la manière dont les compagnies aériennes sont actuellement représentées à Bruxelles, avec six organisations représentatives des compagnies aériennes, n’est pas aussi efficace qu’elle devrait l’être » et ont accepté d’envisager d’autres formes de représentation à l’avenir. On notera que les compagnies du Golfe ne sont pas mentionnées par les cinq PDG, alors même que Qatar Airways a gagné de nouveaux droits de trafic vers la France (« cela n'a pas de lien avec le contrat été signé entre mon gouvernement et la France » selon le PDG Akbar al Baker; les horaires de ces vols vers Nice et Lyon ne sont toujours pas connus), et qu’Etihad Airways a fait des propositions à l’Europe tout en inaugurant une nouvelle liaison vers Amsterdam – où le gouvernement a juré de bloquer tout nouveau droit de trafic pour les compagnies du Golfe accusées d’avoir reçu des subventions d’état.