La compagnie aérienne Lufthansa aurait connu une chute brutale de ses réservations depuis début septembre, date d’entrée en vigueur de sa taxe de 16 euros par réservation sur tous les vols européens réservés via les GDS, et non via son site internet, son centre d’appel ou ses guichets d'agences. Selon un article le 24 septembre 2015 du site Tnozz, qui s’appuie sur des « données hautement confidentielles » du GDS Sabre, la compagnie nationale allemande commencerait déjà à ressentir les conséquences de sa décision, qui s’applique également aux autres membres du group (Austrian Airlines, Brussels Airlines et Swiss). En comparant les deux premières semaines de septembre à la même période en 2014, Sabre a découvert que les réservations en Europe du groupe Lufthansa via les GDS (ou SMD, système mondial de distribution) Sabre, Travelport et Amadeus ont enregistré une chute de 16,1%, alors qu’elles étaient stables depuis le début de l’année. Le document cité estime que les bénéficiaires de ce recul sont Air France, British Airways, SAS Scandinavian Airlines, Alitalia et United Airlines « qui toutes enregistrent une nette hausse de leurs réservations via GDS ». De plus, dans les régions où Lufthansa a des parts de marché entre 30% et 60%, ces parts ont reculé de 30% pendant la première semaine de septembre, au bénéfice de British Airways, Air France et Air Berlin. Au niveau national, les plus forts reculs de réservation de vols Lufthansa via Sabre sont enregistrés en Suède (-47,1%), en Suisse (-41,6%) et en Grèce (-33,8%). En Allemagne, Sabre a connu une baisse de 19,9%, toujours pendant les deux premières semaines de septembre, tandis qu’aux Etats-Unis ce recul atteint -24,8%. Enfin Sabre déclare avoir vu une baisse de 15,6% du montant des factures envoyées au groupe Lufthansa pendant les deux premières semaines de septembre, contre une hausse de 10,5% pendant les huit premiers mois de l’année. Tnooz précise ne pas disposer de données concernant l’usage ou pas du portail en ligne www.LHGroup-agent.com, destiné spécifiquement aux agences de voyage afin qu’elles puissent éviter de faire payer la taxe aux passagers. Sabre ne représente que moins de 20% des ventes sur GDS en Europe, mais les  ténors du marché – Amadeus et Travelport – n’ont pas voulu commenter l’article de Tnooz. Lufthansa de son côté a carrément réfuté ses chiffres, une porte-parole affirmant qu’il y a bien eu un recul des ventes – mais c’était la faute à une grève de pilotes : « il n'y a pas de changement significatif à l’heure actuelle sur les volumes de réservation globale au sein du groupe Lufthansa », a déclaré Claudia Lange. « Nous n'avons pas constasté de baisse de ventes malgré la surcharge », a souligné également Steffen Weinstock, patron de Lufthansa France et Benelux, lors d'un point de presse à Paris cette semaine. « On a de la chance, a-t-il reconnu, on est dans une période de forte demande qui contribue aux ventes ». Selon la direction de Lufthansa, le volume des ventes du troisième trimestre 2015 ne change pas par rapport aux ventes des deux premiers trimestres de l'année. En imposant cette surcharge, Lufthansa veut « contrôler la distribution » selon les mots de Steffen Weinstock, en favorisant son réseau (son site internet, son centre d’appel et ses guichets) au détriment des agences de voyage traditionnelles ou en ligne qui effectuent les réservations via GDS. Le groupe allemand justifie la surcharge du fait que les systèmes GDS ne lui permettent pas de proposer tous les produits supplémentaires (bagages supplémentaires, différents niveaux de tarifs selon les services, etc.) contrairement à son réseau. « On est entrain de lancer de nouveaux produits et on veut être l'arbitre de la distribution », a rappellé Steffen Weinstock. Mais difficile pour les agences de voyage d'accepter une énième surcharge aux billets qu'elles proposent aux consommateurs. L’ECTAA (European Travel Agents and Tour Operators Associations) a déposé une plainte auprès de la Commission européenne contre Lufthansa. « L 'Allemagne et ses entreprises font la Une des médias européens, font la Une de l'actualité en ce moment. Rarement au bénéfice des leurs partenaires européens hélas... », dénonce Fabrice Dariot, patron de l'agence de voyage en ligne Bourse des vols.com . Selon lui, « les GDS sont tout à fait aptes à traiter toutes les subtilités tarifaires présentes et à venir... La preuve en est que Lufhtansa a confié à Amadeus la majeure partie de son informatique de gestion et de développement commercial. En vérité, l'enjeu, c'est la défense du consommateur. Et l'ECTAA comme le SNAV l'ont bien compris. Les GDS, sous contrainte éthique européenne, garantissent la transparence tarifaire et la loyauté des affichages ». En cherchant à contrôler la distribution, le groupe allemand fomenterait « un projet funeste contre le pouvoir d'achat des consommateurs européens ».