Les cinq employés de la compagnie aérienne Air France renvoyés devant un tribunal pour les violences du CCE devraient être mis à pied sans solde. Le gouvernement semble changer de cheval au milieu du gué sous la pression politique, tandis qu’Aéroports de Paris refuse d’être le bouc émissaire de la compagnie. A en croire BFM TV, la compagnie nationale devrait mettre à pied sans solde ce 15 octobre 2015 les cinq salariés qui seront jugés à Bobigny le 2 décembre pour des faits de « violences en réunion ayant entraîné une incapacité temporaire de travail n’excédant pas huit jours ». Une sanction qui serait une première dans l’histoire d’Air France. Ces employés âgés de 35 à 48 ans et travaillant dans la branche Cargo et à Air France Industries, avaient été remis en liberté mardi à l’issue de 30 heures de garde à vue ; ils risquent jusqu'à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Air France a également déposé plainte pour dégradations et pour entrave au Comité Central d’Entreprise, avec des peines théoriques respectivement de 2 ans de prison et 3000 euros d’amende et de 75 000 euros d’amende – ces plaintes sont en cours d’instruction. Tout cela découle des incidents du 5 octobre lors du Comité Central d’Entreprise, quand des dirigeants et des vigiles avaient été agressés par des manifestants venus protester contre l’annonce du possible licenciement de 2900 employés d’ici deux ans. Alors que des discussions bilatérales ont repris entre la direction d’Air France et les divers syndicats catégoriels, le gouvernement semble céder sous la pression politique : après avoir fermement soutenu la direction, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré hier que « nous pensons que ce plan aujourd'hui peut être évité si le dialogue social s'approfondit ». La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a été plus loin encore, demandant la suspension du Plan B de Perform 2020 annoncé la semaine dernière : « rien ne justifie qu'on en vienne aux mains dans un dialogue social. Quand on en vient aux mains, les responsabilités ne sont pas toutes du même côté », a-t-elle affirmé. Un ton à peine tempéré par sa collègue au ministère du Travail Myriam El Khomri, qui parle sur Europe 1 de « confiance et de transparence sur la stratégie qu’entend mener Air France » même si elle estime que « pour retrouver un climat apaisé, il faut remettre les choses sur la table avec une vraie stratégie financière, en toute transparence »… La direction d’Air France n’a réagi ni aux informations de BFM TV, ni aux déclarations des ministres. On rappellera au passage les termes exacts du fameux Plan B : la baisse d’activité dans le long-courrier « génèrera un sureffectif estimé à 2 900 personnes, dont environ 300 pilotes, 900 Personnel Navigants Commerciaux et 1 700 personnels au sol. Dans les secteurs où les concertations/négociations permettent d’atteindre les objectifs de Perform 2020, l’adaptation des effectifs se fera sous la forme de départs volontaires. Dans les autres secteurs, le recours aux départs contraints ne pourra être exclu ». Aucune de ces mesures n’est prévue avant le début 2016, laissant trois mois aux syndicats et à la direction pour trouver un compromis. Un délai qui aurait dû éviter la surenchère des derniers jours… Selon Les Echos, un conseil d’administration du groupe Air France-KLM pourrait même annoncer ce jeudi la reprise officielle des négociations. Un autre acteur est intervenu dans le débat, Aéroports de Paris : lors de la présentation aux investisseurs son plan stratégique 2016-2020 intitulé « Connect 2020 », le PDG Augustin de Romanet de jouer le rôle du bouc émissaire pour les problèmes financiers d’Air France, qui représente environ la moitié de son trafic et un quart de ses recettes (elle a payé à ADP 625 millions d’euros en 2014). « Je suis déterminé à ne pas me laisser marcher sur les pieds. Vis-à-vis des collaborateurs à qui je demande des efforts énormes, je ne peux pas accepter qu'on nous traite comme les fauteurs de troubles », a-t-il déclaré. Rappelant que l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle est « deux fois moins cher que Londres-Heathrow et 20% moins cher que Francfort », il a souligné les actions qui devraient favoriser la compagnie nationale l’année prochaine : baisse de la taxe sur les passagers du long-courrier au 1er avril (et exemption pour les nouveaux passagers sur ce secteur pour aider les transporteurs en croissance), et baisse des charges de bagages via l’automatisation des enregistrements. Et rappelé que les redevances d’ADP « ne représentent que 2 % des coûts d’exploitation d’Air France ». En juillet dernier, ADP annonçait que le niveau des redevances payées par les compagnies aériennes sera gelé hors inflation l’année prochaine, mais qu’il pourra être relevé jusqu'à 1,25% par an de 2017 à 2020. Air France réclamait une baisse, citant le cas d’Amsterdam-Schiphol où elle a dépassé 7% cette année.