Les salariés de la compagnie aérienne Air France poursuivis pour les violences du CCE et mis à pied estiment qu’ils sont désignés « coupables avant d’être jugés ». Le Conseil d’administration d’Air France-KLM a de son côté annoncé que le Plan B de réduction de l’activité les deux prochaines années peut être évité si les négociations aboutissent rapidement. Quatre des cinq salariés de la compagnie nationale française qui seront jugés pour des faits de « violences en réunion ayant entraîné une incapacité temporaire de travail n’excédant pas huit jours » ont accordé le 15 octobre 2015 une interview à l’AFP en présence du dirigeant de la CGT Mehdi Kemoune. Aucun ne veut revenir sur la manifestation qui avait dégénéré lors du Comité Central d’Entreprise il y a dix jours, quand Air France avait annoncé la possibilité de supprimer 2900 emplis d’ici 2017, mais les deux qui s’expriment sont clairs : « on n’a rien fait », et la police « n’a pas de preuves ». « On est venu là pour nos emplois, pas pour casser », explique le premier pour qui les nouvelles suppressions de postes sont « une catastrophe sociale » qui sera suivie par « des divorces, des pertes de maison, de vie ». « Je ne regrette pas d'avoir participé à une manifestation pour sauver mon boulot », ajoute l’autre (leur identité réelle n’est pas divulguée). Ils reviennent bien sûr sur les conditions de leur interpellation lundi, l’un d’eux racontant : « j'avais l'impression d'être un terroriste », un des enfants demandant « il a disparu papa, qu'est-ce qu'il a fait? ». Pour l’autre, c’est la garde a vue qui l’a laissé « traumatisé » au point qu’il consulte un psychiatre. Un sentiment revient à plusieurs reprises dans l’entretien : l’impression d’être « coupables avant d'être jugés », par les médias comme par le Premier ministre qui les avait traités de voyous. Pour un des salariés, « on a été mis plus bas que terre ». Et le risque de licenciement ajouté à celui de la condamnation fait dire à l’autre : « on sert de bouc-émissaires, Air France a voulu faire un exemple en disant "si vous vous rebellez, vous aurez le même traitement" », alors qu’il ne demande qu’à continuer à travailler pour cette compagnie qu’il « aime ». Manuel Valls a déclaré de son côté au Sénat qu’il ne peut pas y avoir d’impunité « à l'égard d'actes qui méritent une sanction judiciaire et des sanctions dans l'entreprise ». Les cinq salariés, qui seront jugés le 2 décembre à Bobigny, ont été mis à pied sans solde à titre conservatoire. Le parquet a précisé que quatorze plaintes ont été déposées au total après les violences du CCE, neuf émanant de vigiles et cinq de cadres de l'entreprise. Air France-KLM a réuni hier un Conseil d’administration, à la fin duquel un communiqué a expliqué que « le plan de réduction de l'activité en 2017 peut encore être évité si la négociation aboutit rapidement ». Façon d’officialiser le message déjà fait passer par Air France lors des rencontres bilatérales avec les syndicats, qui commençaient d’ailleurs à mentionner la fin de l’année comme date butoir à ces négociations. Le PDG du groupe Alexandre de Juniac a « noté que, comme la direction, les organisations syndicales préfèrent un plan de croissance de l'activité dont la mise en œuvre est conditionnée à des économies de coûts négociées » plutôt « qu'un plan de restructuration aux conséquences sociales plus lourdes ». Le CA confirme aussi que « le retour au plan de croissance Perform 2020 reste possible », et encourage donc direction et syndicats d’Air France à « poursuivre les négociations dans cet esprit ». Reste à savoir si cette ouverture convaincra le syndicat de pilotes SNPL, dont l’échec à appliquer l’ensemble des accords signés pour Transform 2015 avait poussé Air France à lancer son Plan B, d’autant que le tribunal de Bobigny prononcera aujourd'hui son jugement sur la plainte d’Air France à ce sujet. La baisse d’activité dans le long-courrier « génèrera un sureffectif estimé à 2 900 personnes, dont environ 300 pilotes, 900 Personnel Navigants Commerciaux et 1 700 personnels au sol. Dans les secteurs où les concertations/négociations permettent d’atteindre les objectifs de Perform 2020, l’adaptation des effectifs se fera sous la forme de départs volontaires. Dans les autres secteurs, le recours aux départs contraints ne pourra être exclu ». Rappelons qu’une intersyndicale à appelé à manifester devant l’Assemblée nationale le 22 octobre, jour du prochain Comité Central d’Entreprise d’Air France.