Le « travailler plus pour gagner plus » a refait surface dans les négociations à la compagnie aérienne Air France, avec l’idée mise sur la table de trois contrats de travail différents selon les gains de productivité acceptés. Après avoir annoncé aux navigants qu’ils devraient travailler cent heures de plus par an sans augmentation de travail, au grand dam des syndicats, la compagnie nationale a dévoilé une autre proposition. Selon le Directeur des Ressources Humaines Xavier Brosetta interrogé par Le Parisien le 24 octobre 2015, Air France a mis sur le tapis trois contrats de travail différents : dans le premier, le salarié accepte les gains de productivité annoncés à salaire égal ; dans le deuxième, le salarié s’engage à aller plus loin que ces gains de productivité, avec salaire en hausse ; et dans le troisième, le salarié refuse ces gains de productivité et voit son salaire diminuer. « On a fait cette proposition aux pilotes, on peut l’étendre aux hôtesses de l’air et aux stewards. C’est sur la table », affirme M. Brosetta en ajoutant que la direction « ne veut pas l’imposer à tout le monde ». Les négociations avec le personnel au sol devraient débuter vendredi 6 novembre selon France Info, syndicats de pilotes et de PNC en étant pour l’instant au stade des « contacts réguliers ». L’objectif affiché reste le même : arriver à des accords d’ici la fin de l’année. Un porte-parole du SNPL, syndicat majoritaire des pilotes d’Air France, s’est étonné de voir cette proposition sortir dans la presse alors que direction et représentants du personnel s’étaient engagés à plus de discrétion. Il rappelle par ailleurs que le principe de contrats de travail différents était déjà « sur la table en septembre », dans le cadre des négociations sur Perform 2020 – avant que la compagnie ne mette en œuvre son Plan B, qui pourrait entrainer jusqu’à 2900 suppressions de postes d’ici 2017, dont 1200 chez les navigants. Sur Europe 1, le président du SNPL Air France Philippe Evain s’indigne de nouveau : « le dialogue social, ça n’est pas comme ça que ça doit fonctionner ». Xavier Brosetta a d’autre part salué les efforts consentis par le personnel lors du plan de restructuration Transform 2015, estimant qu’ils sont responsables de deux-tiers des « bons chiffres » qui devraient être annoncés pour le troisième trimestre (le dernier tiers est dû à la chute des prix du pétrole). « Ces efforts ont été très importants, mais on partait de très loin », déclare le DRH au Parisien avant de réaffirmer que la stratégie d’Air France « est la bonne ». Mais il rappelle aussi que si l’été a été bon, la recette unitaire « est repartie sur une baisse de 5% », et que la valeur en bourse de la compagnie atteint à peine deux milliards d’euros : le patron de la low cost Ryanair « Michael O’Leary peut se payer Air France comme il va acheter son paquet de cigarette ». Un bénéficie de 100 millions d’euros ne saurait donc être suffisant : « pour continuer à vivre dans cet univers de requins, il faut être aussi forts que nos concurrents. Aujourd'hui, toutes les compagnies du monde ont des coûts inférieurs aux nôtres. Si on n’est pas assez costaud, on va se faire manger », prévient-il. Soulignons que Xavier Brosetta quittera ce weekend son poste de DRH d’Air France ; il sera remplacé par Gilles Gateau, directeur de cabiner adjoint du Premier ministre Manuel Valls. L’Assemblée Nationale a d’autre part annoncé des auditions pour toutes les parties en présence le 4 novembre : la direction par la commission des Affaires économiques et la commission du Développement durable, et l’intersyndicale par la commission des Affaires économiques et la commission des Affaires sociales. Les vrais chiffres de la productivité des pilotes Air France ? Difficile de savoir qui gagne quoi et pour combien d’heures de travail dans le monde aérien tant les conditions sont différentes d’une compagnie à l’autre. Challenges a essayé de faire le ménage : Les pilotes sur long-courrier voleraient en moyenne 720 heures par an cette année, contre 750 chez British Airways et 840 chez Lufthansa (le magazine notre qu’une soixantaine de pilotes sur 777 auraient déjà atteint la limite légale de 850 heures par an). Un commandant de bord avec 25 ans d’ancienneté touche en moyenne 230.000 euros (et jusqu’à 260.000 sur A380), 267.000 chez British Airways, entre 218 et 267.000 chez Lufthansa – et 151.000 chez Iberia (après la restructuration et l’acquisition par le groupe IAG). Les écarts seraient plus variés sur le moyen-courrier : Challenges ne cite que les 620 heures de vol en moyenne atteints par les commandants de bord AF sur A320 (les comparant aux 550 heures en 2014; le Plan B leur demande un nouveau gain de productivité de 15%), mais souligne que selon les syndicats un copilote sur moyen-courrier avec 5 ans d’ancienneté touche 87.000 euros à Air France, 116.000 chez British Airways, 100.000 à Lufthansa et 40.000 chez Iberia. On notera toutefois que ces chiffres diffèrent de ceux publiés par Le Point la semaine dernière.