Les deux pilotes français condamnés à 20 ans de prison en République dominicaine après la découverte de 680 kilos de cocaïne à bord de leur Falcon 50, et rentrés en France ce weekend n’ont révélé rien de nouveau hier. La France a nié toute participation à leur « exfiltration », mais doit faire face à un mandat d’arrêt international à l’encontre des deux hommes. Reconnus coupables de trafic de drogue et condamnés par le tribunal de Saint-Domingue en aout dernier, le pilote Pascal Fauret et son copilote Bruno Odos étaient interviewés le 27 octobre 2015 en direct sur France 2. Comme leur avocat la veille, ils n’ont fourni aucun élément précis sur leur évasion de République Dominicaine, commentant à peine une photo les montrant dans un hors bord dont les autres occupants avaient le visage flouté afin de ne pas compromettre leurs sauveteurs. Ils ont en revanche de nouveau clamé leur innocence et dit leur soulagement, Pascal Fauret expliquant qu’il ne « pouvait pas rester et accepter l’inacceptable » après avoir passé deux ans et demi à regarder « le plafond de ma cellule puis celui de ma chambre ». A en croire BFM TV, l’évasion des deux hommes aurait débuté par une sortie en bateau de plaisance « sous prétexte d’excursion touristique », avant de monter dans un navire plus important qui les a emmenés en « plusieurs jours de mer » vers Saint Martin. Arrivées en Martinique et munis de nouveaux papiers, ils auraient pu prendre l’avion et finalement atteindre l’aéroport de Paris-CDG samedi après-midi, et rejoindre leurs familles dans la région lyonnaise. BFM TV affirme que la première partie de cette exfiltration s’est déroulée avec « un ancien marine et un politique français », puis avec « le reste du commando » dont deux anciens de la DGSE. Les deux pilotes ne se sont guère étendus sur le sort de leurs deux compatriotes condamnés aussi à 20 ans de prison mais restés en République Dominicaine. Pour Bruno Odos, « s'il se passe quelque chose de mal pour eux, ce sera la preuve que cet État n'en est pas un. On ne condamne pas les gens en vrac ». Compréhensible si l’on considère que l’homme d'affaires Alain Castany et le passager Nicolas Pisapia ont après tout apporté les 26 valises bourrées de drogue à bord du Falcon 50. Victime d’un accident de moto mais s’étant vu refuser un rapatriement sanitaire même s’il « risque d’être amputé », Alain Castany a condamné hier dans le Parisien la fuite des deux pilotes fuite du pilote et du copilote comme un acte « irresponsable et déloyal ». Un de ses avocats pousse le bouchon encore plus loin dans un communiqué : « de la part des deux pilotes imbus de leur statut, laisser un membre d'équipage dont on a la responsabilité, de surcroît blessé, s'apparente à un abandon pur et simple voire une mise en danger ». Quant à Nicolas Pisapia, il redoute que cette fuite freine les efforts de la diplomatie française et les progrès qui, selon lui, avaient été fait dans ce domaine au cours des derniers mois. Les deux passagers risquent d’une part la levée de leur liberté conditionnelle, et bien sûr une aggravation de leur peine. La République Dominicaine va d’ailleurs lancer un mandat d'arrêt international contre les deux pilotes, et a pris contact avec les autorités françaises afin de déterminer comment et par qui leur fuite a été organisée. Il faut aussi que les deux hommes « assument leur responsabilité dans le pays, indépendamment des autres affaires en cours en France », a déclaré le procureur général Francisco Dominguez Brito, tout en critiquant leur mise en liberté conditionnelle en attendant le procès en appel. « Personne qui se sait innocent n'essaie de fuir la justice », affirme-t-il. Philippe Heneman, pilote d'Air France et patron du comité de soutien de Bruno Odos et Pascal Fauret, estime de son côté que « ce n'est pas une fuite, ils sont sous contrôle judiciaire », tandis que le patron de la SNTHS qui employait les deux pilotes, Pierre-Marc Dreyfus (mis en examen dans le volet français de l'affaire, et libéré de prison après quelques mois passés aux Baumettes) juge que « nous allons enfin pouvoir nous défendre convenablement ». La France a de son côté nié toute participation à cette évasion rocambolesque, le ministère des Affaires Etrangères assurant que « leur décision est un acte individuel dans lequel l'État n'est nullement impliqué ». Mais le pays se prépare à un imbroglio diplomatique avec la République Dominicaine, qui pourrait avoir des répercussions un peu partout dans le monde : si la justice française accepte que des citoyens condamnés à l’étranger puissent s’enfuir sans conséquences, quel pays prendra le risque de ne pas emprisonner les Français pour éviter toute fuite quelle que soit l’importance de ce qui leur est reproché ? Le retour des deux pilotes à Punta Cana est donc fort possible… Rappelons qu’au cœur de cette histoire se trouvent 680 kilos de cocaïne, un trafic qui n’appelle guère à la sympathie. Même si les deux pilotes ont toujours clamé leur innocence, niant avoir eu connaissance de la nature de la cargaison de ce vol commercial ; le syndicat de pilotes SNPL France ALPA avait d’ailleurs fait campagne pour leur compte, allant jusqu’à organiser un boycott des vols vers la République Dominicaine. Quatre Dominicains ont également été condamnés à des peines entre cinq et dix ans de prison.