L’accident du vol charter 7K-9268 de la compagnie aérienne Metrojet samedi dans le Sinaï, qui a fait 224 morts, n’a toujours pas d’explication convaincante, entre la « cause extérieure » invoquée par un responsable du transporteur qui n’a pas payé ses employés depuis plusieurs mois et l’affirmation du chef du renseignement américain selon qui aucun signe d’acte terroriste n’a été découvert – pour l’instant. L’identification a débuté pour les premiers corps rapatriés des 217 passagers et sept membres d’équipage, tous russes sauf trois Ukrainiens, tués le 31 octobre 2015 quand leur Airbus A321 s’est écrasé lors d’un vol entre Sharm-el-Sheikh et Saint Petersburg. Pendant ce temps au Caire, l’analyse des enregistreurs de vol a elle aussi commencé, leur bon état général devant permettre de livrer des informations initiales assez rapidement. Dans la péninsule égyptienne du Sinaï, les recherches se poursuivaient lundi pour récupérer les derniers débris de l’avion, éparpillés sur une zone d’environ 20 km² qui semble indiquer que l’appareil s’est disloqué en plein vol. Le ministère russe des situations d’urgence a déclaré que cette zone a été étendue dans l’espoir de localiser d’autres corps. L’enquête est dirigée par la Commission d’Enquête sur les Accidents égyptienne, avec l’aide d’enquêteurs du BEA français, du BFU allemand (les deux pays produisant l’A321) et du MAK russe, et de représentants de l’Irlande où l’avion était loué. En l’absence d’autres éléments, le directeur de l’enquête a déclaré que les « données préliminaires pointaient vers un problème technique ». A Saint Petersburg, un responsable de Metrojet a rejeté catégoriquement hier la possibilité que la catastrophe a pu être causée par un problème technique ou une erreur de pilotage : seule une « cause extérieure » peut être responsable de l’accident, a affirmé le directeur général adjoint Alexander Smirnov, sans préciser ce qu’il entendait par là. « L'avion était incontrôlable, il ne volait pas mais tombait, et le passage d'une situation de vol à une situation de chute s'explique apparemment par le fait que l'avion a subi un dégât conséquent de sa structure », a-t-il déclaré. C’est bien sûr oublier qu’un précédent existe : le crash d’un Boeing 747 de Japan Airlines en 1985, quand une décompression explosive avait entrainé son écrasement dans les montagnes, faisant 520 morts. L’accident avait été causé par une mauvaise réparation suite à un tail strike (quand la queue de l’avion heurte la piste) survenu sept ans plus tôt. Or plusieurs médias rappellent que l’A321 de Metrojet avait lui aussi connu un incident similaire au Caire en 2001 (il volait alors sous les couleurs de Middle East Airlines). Il avait depuis passé plusieurs visites de maintenance sans problème particulier. La piste terroriste semble pour l’instant rejetée par les services de renseignements américains, russes ou égyptiens, la revendication de l’EI en représailles aux frappes russes en Syrie ayant été présentée comme un faux. Tout en soulignant que rien ne peut être exclu, le directeur national du renseignement américain (DNI) James Clapper juge qu’il n’y a « pas de signe pour l'instant » qu'un acte terroriste était à l'origine du crash ; la probabilité que les djihadistes présents dans le Sinaï disposent de missiles sol-air suffisamment puissant pour abattre un avion à haute altitude serait minime. Elizabeth Trudeau, porte-parole du Département d’Etat américain, a déclaré n’avoir vu « aucun rapport qui soutienne la revendication de l’EI ». En Russie, le Kremlin a refusé de commenter les spéculations sur le crash de Metrojet tant que les enquêteurs n’auront pas livré d’information précise. La sécurité à l’aéroport de Sharm el Sheikh est considérée en général comme très serrée. La presse russe a d’autre part annoncé hier que Kogalymavia, la maison-mère de Metrojet, devait plus de 98 000 euros à ses employés en salaires non payés ; le copilote du vol 7K-9268 Sergei Trykhachyov n’aurait selon sa famille pas été payé depuis son salaire de juillet. Mais ces arriérés n’auraient rien à voir avec la sécurité des vols, affirme la compagnie.