En dépit de la survenue d’accidents particulièrement médiatisés, 2015 a été l’une des années les plus sûres – sinon la plus sûre – de l’histoire du transport aérien moderne selon la DGAC. Dans son compte-rendu publié le 18 avril 2016, la Direction Générale de l’Aviation Civile recense en service régulier dans les avions de plus de 2,25 tonnes – activité qui représente plus de 90% du trafic aérien mondial – cinq accidents ayant entraîné la mort de passagers, l’un des chiffres les plus bas jamais enregistrés. Le nombre total de passagers tués dans ces circonstances a été de 243, un chiffre proche du plus bas historique (en 2014, il avait été dénombré 6 accidents mortels en transport régulier, qui avaient entraîné la mort de 582 passagers). Pour 2015, on aboutit aux ratios préliminaires suivants, la DGAC précisant que ces indicateurs très globaux ne donnent qu’une « vision partielle de la réalité » (ils négligent notamment les accidents mortels en services non réguliers, soit moins de 10% de l’activité aérienne mondiale, et les accidents mortels survenus en transport régulier sans conséquences fatales parmi les éventuels passagers): - 0,15 accident mortel de passagers par million de vols ; - 0,11 accident mortel de passagers par milliard de km parcourus. - 0,04 passager tué par milliard de PKT. air-journal_crash Germanwings 4U9525 ops@DICOMLa DGAC rappelle que s’ils « ont été particulièrement peu nombreux », les quelques accidents mortels survenus l’an dernier en transport aérien régulier ont mis en évidence, « s’il le fallait encore », l’importance des facteurs humains dans les activités aériennes, notamment dans le cas atypique de l’accident du vol Germanwings (suicide du copilote). L’année 2015 a également rappelé, à travers la destruction en vol de l’Airbus A321 de Metrojet, que le transport aérien reste une cible privilégiée d’actes terroristes (action revendiquée par ses auteurs et classée comme attentat par les autorités russes et, plus récemment, par les autorités égyptiennes, cet événement n’a donc pas été considéré comme un accident dans le cadre de ce rapport). Parmi les accidents recensés en 2015 en transport régulier, trois sont notables, pour les circonstances de leur survenue. Il s’agit de :
  • L’impact au sol, survenu le 24 mars dans les Alpes, de l’Airbus A320 exploité par la compagnie allemande Germanwings, qui assurait une liaison entre Barcelone (Espagne) et Düsseldorf (Allemagne). Cet accident a résulté d’un acte délibéré du copilote qui, après s’être enfermé – seul – dans le cockpit, a mis l’avion en descente continue vers le sol depuis le niveau de vol 380, où il croisait. Aucune des 150 personnes qui se trouvaient à bord de l’appareil n’a survécu à l’impact, qui a été particulièrement violent. Cet accident a soulevé la problématique du suivi médical des pilotes de l’aviation commerciale dans un contexte de protection du secret médical.
  • L’accident de l’ATR-72 de la compagnie taïwanaise TransAsia Airways, survenu le 4 février, alors que l’appareil venait de décoller de l’aéroport de Taipei pour un vol intérieur à destination de Kinmen. Une alarme « extinction du moteur droit » s’est activée peu après le décollage suivie, quelques dizaines de secondes plus tard, de l’extinction du moteur gauche. L’avion a alors commencé à perdre de l’altitude et décroché ; l’extrémité de son aile gauche a percuté une voiture et la rambarde du pont sur lequel celle-ci circulait ; l’appareil s’est ensuite écrasé dans une rivière : 15 des 58 personnes qui se trouvaient à bord ont survécu.
  • La collision en vol, le 5 septembre, dans l’espace aérien sénégalais, entre un Boeing 737-800 de la compagnie sénégalaise Ceiba International (qui assurait un service régulier international entre Dakar, Cotonou et Malabo) et un BAe-125 de Sénégal Air (qui assurait une évacuation sanitaire entre Ouagadougou et Dakar). Suite à la collision, le BAe-125 s’est écrasé en mer, à une centaine de kilomètres au large de Dakar, tandis que le 737 a poursuivi sa route jusqu’à sa destination finale de Malabo, où il a atterri sans encombre malgré les dommages subis (non précisés). Les sept personnes qui se trouvaient à bord du vol sanitaire ont péri lors de l’impact en mer
Le pavillon français a selon la DGAC consolidé en 2015 les progrès qu’il réalise depuis plusieurs années en matière de sécurité : aucun avion, hélicoptère ou ballon n’a enregistré d’accident mortel en transport aérien public durant l’année. Cette situation est reflétée par l’indicateur de niveau de sécurité qui rapporte à l’activité le nombre d’accidents mortels d’avions de plus de 19 sièges survenus en transport public moyenné sur les cinq dernières années : il place, cette année encore, la France au meilleur niveau, notamment comparé à la moyenne des Etats de l’AESA ou aux résultats d’autres Etats européens dotés d’un secteur aérien de maturité comparable. Les efforts des acteurs du secteur aérien sont notamment guidés par le plan d’action stratégique d’amélioration de la sécurité « Horizon 2018 », établi et mis en œuvre dans le cadre du PSE depuis 2014. Ce document, qui dresse un tableau des principaux points faibles de l’aviation civile française et définit des axes d’action pour y remédier, continuera d’orienter la DGAC dans sa démarche en matière de sécurité. La situation du secteur de l’aviation générale de loisir reste, quant à elle, préoccupante. Avec 42 accidents mortels d’aéronefs immatriculés en France, qui ont provoqué la mort de 60 personnes, les résultats de 2015 marquent une forte augmentation du nombre de sinistres et de victimes. L’activité ULM a particulièrement contribué à cette recrudescence. Les pertes de contrôle en vol sont restées la principale cause des accidents mortels recensés, toutes activités confondues, suivies des incendies post-impact. Il faut leur ajouter les quelque 195 accidents non mortels survenus dans l’année dont le BEA a eu connaissance et dont une part importante est liée à un contact anormal avec la piste ou le sol, ou une sortie de piste. Par ailleurs, 35 accidents ayant concerné des aéronefs immatriculés à l’étranger se sont produits en France : 6 ont été mortels et ont provoqué la mort de 7 personnes au total, des chiffres en baisse par rapport à ceux de 2014. L’analyse typologique des accidents survenus met en lumière des lacunes portant sur le comportement des pilotes et les fondamentaux du pilotage. Une campagne de sensibilisation et de rappel sur ces fondamentaux, ciblant l’ensemble des pilotes de l’aviation de loisir, a été lancée en 2015 en coopération étroite avec les fédérations. air-journal_Trigana Air Service crash boite noire@BasarnasL’IATA a elle aussi dressé son bilan 2015 : pour l’association internationale de transport aériens, qui regroupe plus de 240 compagnies aériennes du monde entier, 2015 aura été « une autre année de contrastes sur le plan de la sécurité de l’aviation », l’année ayant été « extraordinairement sûre » si on prend pour indicateur le nombre d’accidents mortels recensés alors même que les acteurs du transport aérien mondial se disent dans le même temps « choqués et horrifiés » par les actes délibérés survenus durant la période, à savoir la destruction volontaire des avions exploités par Germanwings et par Metrojet. Ces deux événements n’ont pas été pris en compte dans le bilan dressé par l’IATA pour l’année écoulée, l’association motivant ce choix par le fait que « ces événements sont classés comme des actes délibérés d’intervention illicite ». Il faut ici rappeler que la DGAC a considéré que l’impact au sol du vol Germanwings devait être pris en compte, l’événement résultant d’une cause interne au système du transport aérien. En 2015, l’IATA a donc répertorié 4 accidents en aviation commerciale ayant entrainé des décès parmi les passagers, tous ces accidents, précise l’association, impliquant des aéronefs à turbopropulseurs. En 2014, elle avait dénombré 12 accidents mortels au plan mondial pour l’aviation commerciale. Les 4 accidents de 2015 retenus par l’association ont entraîné la mort de 136 passagers, contre 641 un an plus tôt.