Les trois syndicats de pilotes de la compagnie aérienne Air France ont déposé un préavis de grève du 11 au 14 juin, en plein Euro de football. Et ils menacent d’organiser d’autres arrêts de travail. En revanche les trois jours de grève annoncés dans le contrôle aérien à partir d’aujourd’hui sont définitivement levés. La surenchère marche toujours : un syndicat minoritaire annonçait deux jours de grève pour le mois prochain, et le lendemain tous se sont mis d’accord pour doubler la durée de misère pour les passagers de la compagnie nationale française. Dans un communiqué du 2 juin 2016 intitulé « provoquer un avenir pour Air France », signé par le SNPL France ALPA, le SPAF et Alter expliquent que depuis de nombreuses années, l’ensemble des salariés « a consenti des efforts considérables ». En particulier, les pilotes « ont largement démontré leur implication en faisant évoluer drastiquement l’ensemble de leurs processus de travail. Alors qu’ils ont exprimé au cours de plusieurs longues sessions de négociations leur volonté de vouloir faire reprendre à la compagnie une trajectoire ascendante, il leur paraît inconcevable de poursuivre sur le chemin de la décroissance et de l’austérité sociale ». Selon les syndicats, « en quelques années, les effectifs de pilotes ont chuté de 3995 équivalents temps plein en 2011 à 3388 ETP ; considérant l’évidente corrélation entre les effectifs pilotes et le niveau d’activité, nous ne pouvons que constater l’importance de la contraction » subie par la compagnie. Rappelant que le groupe Air France-KLM « connaît d’excellents résultats et que le contexte économique du secteur aérien est plus que porteur », ils jugent que « poursuivre dans la voie de l’attrition et de la réduction d’effectifs à tout prix n’est pas une option ». Les trois syndicats de pilotes, déplorant un dialogue, une écoute et une confiance « totalement inexistants » depuis plusieurs mois avec la direction, se voient « dans l’obligation » de déposer un préavis de grève du 11 au 14 juin 2016. Et ils préviennent que d’autres « plages d’arrêts de travail » suivront quelques jours plus tard si nécessaire avant de faire la liste de leurs revendications « très simples » : le respect des accords en vigueur et le développement de l’emploi en France. Deux axes qui passeront « inévitablement » par le rééquilibrage de la production entre Air France et KLM selon les ratios établis lors de la fusion et sans préjudice pour KLM ; l’engagement d’un développement du court-courrier/moyen-courrier Air France en moyens propres ; la défense du périmètre Air France vis-à-vis de co-entreprises et joint-ventures ; l’évolution des conditions et du développement de Transavia ; l’amélioration des conditions de travail et de l’implication des pilotes dans les sujets métier ; et enfin le juste retour des efforts comprenant notamment un rattrapage de rémunération. aj_pilote_air-france2Air France a répondu à ces annonces par son propre communiqué, déplorant sans surprise l’appel à la grève  au début de l'Euro de Football « qu'accueille notre pays à compter du 10 juin ». Elle souligne qu’il est trop tôt pour connaître l'ampleur et les conséquences de ce mouvement, l'application de la loi Diard (qui oblige les salariés à se déclarer gréviste 48 heures à l’avance) devant lui permettre d'avoir une estimation plus précise la veille du début du conflit afin de prévenir ses clients à l'avance. Air France considère surtout qu'une grève des pilotes de 4 jours, au moment où la société redevient bénéficiaire après 8 années de pertes, « nuira à cette dynamique positive et risque de compromettre sérieusement les efforts qui ont été consentis par tous les salariés de la compagnie ». Sa situation « demeure fragile », rendant nécessaire « l'engagement de l'ensemble des catégories professionnelles pour la croissance de la compagnie et l'attention à ses clients ». Le dialogue social « doit rester la voie privilégiée pour trouver des solutions équilibrées de compromis », assure Air France pour qui « la voie du conflit et de la grève ne fera que fragiliser inutilement l'entreprise ». Et elle déclare que la direction prendra l'initiative de rencontrer les syndicats de pilotes pour rechercher « une issue à cette situation, dans la poursuite du dialogue social ». Si le PDG d’Air France Frédéric Gagey a repris ce message hier à Dublin lors du sommet de l’IATA, voulant convaincre les syndicats que la grève « n’est pas le meilleur moyen de favoriser la croissance future », le PDG sortant du groupe Alexandre de Juniac a répété son point de vue, parlant de sabotage (rappelons qu’il va prendre la tête de l’IATA, le PDG de KLM Pieter Elbers étant par ailleurs nommé au conseil des gouverneurs). On notera que le plan de restructuration Transform 2015 (à l’origine du conflit puisque les pilotes sont accusés de n’avoir rempli que 12% des 20% des gains de productivité auxquels ils s’étaient engagés, contrairement aux autres catégories de personnel) n’est pas cité dans le communiqué des syndicats, pas plus que les nouvelles mesures de baisse de rémunération des pilotes entrées en vigueur mercredi – grâce auxquelles Air France espère économiser entre 20 et 30 millions d’euros. A l’automne 2014, la grève des pilotes d’Air France pendant quinze jours avait coûté plus de 400 millions d’euros à la compagnie – repoussant d’un an son retour à la rentabilité. air-journal_aeroport roissy controle aérienSeule bonne nouvelle pour les passagers, la levée par tous les syndicats du contrôle aérien du préavis de grève de vendredi à dimanche : tous les vols devraient être opérés. Un accord signé mercredi soir prévoit entre autres qu'il n'y aura pas de baisse d'effectifs chez les contrôleurs aériens, alors que la DGAC prévoyait selon les syndicats de supprimer « de supprimer encore 116 emplois en 2016 puis 50 par an de 2017 à 2019, soit environ 255 suppressions d'emplois, tous postes confondus (aiguilleurs, administratifs, ouvriers...) ». L’engagement écrit de l’administration est « une grande victoire », a réagit dans Le Figaro Norbert Bolis, secrétaire national de l'USAC-CGT – syndicat dont la grève d’hier contre la loi Travail a eu plus d’impact que prévu, en particulier pour easyJet qui a finalement annulé 44 vols.