Les états membres de l’OACI ont signé à Montréal un accord visant à contrôler les émissions de CO2 dans le transport aérien international, qui devient le premier secteur à se doter au niveau mondial d’un dispositif pour lutter contre le changement climatique depuis l’adoption de l’Accord de Paris. La 39e Assemblée générale de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) a accouché le 6 octobre 2016 d’un accord historique portant sur la lutte contre les émissions de gaz à effets de serre (il est responsable de 2% des émissions sur la planète) et sur une feuille de route « pour un futur soutenable dans l’aviation internationale ». Un mécanisme basé sur le marché mondial est créé pour réduire les émissions de CO2 provenant des avions, avec pour objectif une carbone-neutralité à partir de 2020, puis de réduire de moitié les émissions nettes du secteur d’ici 2050 (le tout calculé par rapport aux niveaux d’émissions de 2005). Quelque 65 pays représentant plus de 83% du trafic aérien international, dont la France, la Chine et les Etats-Unis, vont adhérer au Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) de façon volontaire dès son lancement en 2021 et jusqu’à 2026, et y participer jusqu’à ce qu’il devienne obligatoire ; certains petits états ont été exemptés, qui craignaient pour l’avenir de leur lignes aériennes internationales. Selon le directeur général de l’OACI Fang Liu, le programme « équilibré et pragmatique » sera « un outil important » pour complémenter les progrès déjà réalisés par l’aviation, au travers d’une série de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effets de serre via « l’innovation technologique, la modernisation des procédures et l’utilisation grandissante de biocarburants ». air-journal_Alaska Airlines 737-800 BiocarburantLes félicitations sont venues en particulier de l’IATA (Association Internationale du Transport Aérien), selon qui « la signification historique de cet accord ne peut être surestimée ». Avec le CORSIA, premier instrument mondial touchant un secteur industriel tout entier, « l’aviation demeure à l’avant-garde des industries qui combattent les changements climatiques », a déclaré dans un communiqué Alexandre de Juniac, directeur général et chef de la direction de l’IATA. L’accord « a transformé le travail de plusieurs années de préparation en une solution efficace » permettant aux compagnies aériennes de gérer leur empreinte carbone, précise-t-il, avant de souligner que le CORSIA « en soi » ne conduira pas à l’avenir durable de l’aviation. En plus de cette mesure mondiale fondée sur le marché, l’industrie « poursuivra ses efforts dans le cadre de sa stratégie à quatre paliers sur les changements climatiques, qui prévoit l’amélioration des technologies, des opérations et des infrastructures » : les compagnies aériennes vont poursuivre leurs investissements dans les nouvelles technologies, en particulier les nouveaux aéronefs et les carburants de remplacement durables, afin d’améliorer leur bilan environnemental. Et l’IATA va continuer de demander aux gouvernements de participer à l’effort, en investissant dans la modernisation de la gestion du trafic aérien et en adoptant des politiques susceptibles de favoriser la commercialisation des carburants de remplacement durables pour l’aviation. M. de Juniac conclut sur le besoin de s’assurer que le CORSIA sera équitable et n’entraînera pas de distorsion du marché : le mécanisme « comportera des modalités permettant de tenir compte des situations spéciales comme celles des compagnies aériennes en rapide croissance et des compagnies ayant déjà fait des efforts considérables pour améliorer leurs résultats environnementaux ». Boeing s’est joint au concert, vantant les gains d’au moins 20% sur les émissions de gaz à effets de serre de ces 787 Dreamliner et 737 MAX, tandis que le PDG d’Airbus Fabrice Brégier assurait de « l’engagement total » du constructeur pour faire face aux défis environnementaux. Si le WWF a salué cet engagement du secteur aérien, qui répond à la principale lacune de la COP21 (la prise en compte des émissions de l’aviation civile internationale), il en souligne néanmoins quelques faiblesses : Lou Leonard, sous-directeur de l'équipe internationale climat et énergie, regrette que les pays aient retiré de l’accord « des éléments clefs sur la connexion avec les objectifs de limitation de la température moyenne mondiale inscrits dans l’Accord de Paris » : les membres de l’OACI n’ont selon lui « pas suffisamment démontré qu’ils comptaient aligner l’ambition de l’aviation internationale avec les objectifs clefs de l’Accord de Paris visant à limiter la hausse de la température moyenne mondiale à 2°C voire 1,5°C ». Il estime qu’au rythme actuel, les émissions de l’aviation internationale consommeront trop du budget carbone planétaire restant « pour avoir une chance de tenir les engagements de l’Accord de Paris » ; et souhaite que les pays mettent en place de nouvelles politiques « afin que l'aviation assume sa juste part ».