La présentation hier par le groupe Air France-KLM de son nouveau projet stratégique Trust Together a été suivie par une explication de texte du PDG Jean-Marc Janaillac, en particulier sur la création en France d’une nouvelle compagnie aérienne long-courrier à bas tarifs pour la fin de l’année prochaine ou le début 2018. Les syndicats d’hôtesses de l’air et stewards d’Air France ont mal pris ces annonces, déplorant un plan de réduction des coûts touchant seulement les PNC, tandis que chez les pilotes le SNPL se réjouit – avec des réserves – d’avoir trouvé un patron ayant des ambitions. Le projet Boost de nouvelle compagnie aérienne dans l’hexagone (son nom n’a pas encore été finalisé mais inclura AF ou Air France) ne sera pas une low cost, insiste le PDG d’Air France-KLM Jean-Marc Janaillac après la présentation détaillée de Trust Together le 3 novembre 2016 : la future filiale proposera en long-courrier deux classes de voyage, Affaires et Economie, « à peu près équivalentes » à celles de la compagnie nationale française. Les voyageurs d’affaires ne devraient en revanche pas bénéficier d’un accès direct au couloir, à l’instar de l’aménagement des avions de KLM et contrairement aux nouvelles cabines BEST d’Air France. En Economie, la cabine sera densifiée. Côté flotte, soit une dizaine d’avions en 2020, la nouvelle compagnie sera à terme entièrement équipée d’Airbus A350-900 ; mais en attendant leur livraison à partir de 2019 le dirigeant ne précise pas quels appareils seront utilisés. Les derniers A340 d’Air France, qui seront mis à la retraite en 2019 justement, ont été évoqués sans doute en comparaison avec l’offre long-courrier CityLine mise en place par Lufthansa (dont seule Eurowings est une vraie low cost long-courrier). En ce qui concerne le réseau, la future compagnie devrait rouvrir des destinations fermées mais aussi créer de nouvelles liaisons, et s’installer sur des lignes existantes menacées par la concurrence des compagnies du Golfe ou asiatiques (en gros 70% de son activité pour ce dernier cas). Elle représentera à terme 10% de l’activité long-courrier d’Air France. Mais ce projet Boost se veut aussi un laboratoire d’idées, insiste Jean-Marc Janaillac, citant par exemple sur Europe 1 la possibilité d’avoir « des couchettes dans les soutes » pour les passagers de classe Eco. « Ce sont des idées nouvelles et des innovations à tester », explique le PDG tout en reconnaissant qu’un certain nombre d’autorisations de la DGAC et des régulateurs internationaux seront nécessaires. Il évoque aussi une « flotte 100% connectée » ou de nouvelles distractions à bord. La croissance d'Air France sur le long-courrier sera donc « en grande partie » générée par la nouvelle compagnie, concède Jean-Marc Janaillac dans Les Echos, avant de préciser que l’objectif affiché hier d’un passage de 102 à 110 bi-couloirs d’ici 2020 dans la flotte d’Air France (Boost comprise) représentera « l'équivalent de 115 appareils au rythme d'utilisation actuel » ; en bref, ces avions voleront plus souvent, alors qu’actuellement ils sont à un rythme inférieur de 15% à celui de KLM. air-journal_air france klm transaviaTrust Together réserve également à la nouvelle compagnie un rôle sur le moyen-courrier : dès l’hiver 2017, elle sera positionnée à l’aéroport de Paris-CDG : « les vols moyen-courriers d'Air France à Roissy sont à 50% du trafic de point à point, ce qui les rend beaucoup plus vulnérables à la concurrence low cost », précise le dirigeant interrogé par Les Echos. Le projet Boost utilisera les A320 d’Air France mais avec des PNC spécifiques, et représentera à terme « environ 20% de l'offre moyen-courrier d'Air France ». Avec évidemment des conséquences pour la low cost Transavia, selon lui « pas adaptée à l'alimentation du hub de Roissy-CDG ». En plus de son réseau européen, Transavia France « pourra notamment se lancer sur les lignes intérieures Paris-province et province-province pour lutter contre le TGV et les low cost » depuis Orly, tandis que ses sœurs à Amsterdam et Munich continueront à être développées « sur leurs marchés nationaux respectifs ». En France, les deux aéroports parisiens auront une vocation spécifique : seulement Air France et la nouvelle compagnie à Roissy, et seulement HOP! et Transavia à Orly. Les syndicats PNC furieux Toutes ces nouveautés vont devoir faire l’objet de négociations avec les syndicats, a reconnu hier le PDG d’Air France-KLM qui va devoir négocier de nouveaux accords de productivité permettant de maintenir les coûts tout en augmentant l’offre (Trust Together prévoit une réduction des coûts unitaires de 1,5% par an d'ici à 2020). Ces syndicats, qui avaient accepté de suspendre tout mouvement de grève d’ici février, n’ont pas tardé à réagir : c'est « la mort annoncée » de la compagnie nationale, affirme la présidente de l'UNAC Flore Arrighi. Le SNPNC-FO et l’UNSA-PNC, réunis en Intersyndicale PNC chez Air France, parlent de « nouvelle compagnie à coups bas ». Ils expliquent dans un communiqué avoir pris connaissance du plan stratégique « en même temps que des très bons résultats du groupe pour le troisième trimestre : 737 millions d’euros de résultat d’exploitation (une fois déduits les investissements à hauteur de 1,457 milliards d’euros), et une dette en baisse de 144 millions d’euros ». Ils déplorent que Trust Together, présenté comme un ambitieux projet de croissance pour l’avenir du groupe, « n’accouche que d’un plan de réduction des coûts touchant le seul PNC ». Après « le fiasco des Bases Province pourtant mis en place avec une réduction significative des conditions de travail et de rémunération du PNC, après l’échec de Transavia Europe », les deux syndicats « s’interrogent sur l’opportunité de créer une structure dont le caractère low-cost ne repose que sur une baisse des salaires du PNC à l’embauche, sur une densification de ses cadences et de son nombre à bord, aux dépens de sa fonction en matière de sécurité ». L’intersyndicale rappelle que cette création « traduit en réalité une volonté d’attrition de la compagnie Air France et des perspectives de carrière de son PNC, qui se voit injustement ciblé » : la nouvelle structure « qui ne générera que des emplois PNC low-cost va détruire plus de 1000 emplois de PNC à Air France dans un premier temps ». Le SNPNC-FO rappelle en outre que la compétitivité du transport aérien français en général et du Groupe Air France en particulier « passe avant tout par une réduction des taxes et redevances qui les frappent, et non par une précarisation de son Personnel ». Le message de Jean-Marc Janaillac, qui a précisé que les PNC seront recrutés à l’extérieur Le PDG avait également évoqué les pilotes d’Air France, qui devront se porter volontaires pour travailler dans la nouvelle compagnie « selon des règles adaptées, en contrepartie de possibilités de progression de carrières » comme ce fut le cas pour Transavia. Le syndicat SNPL s’est réjoui hier d’avoir trouvé en lui « quelqu’un avec une stratégie » reposant sur « des idées plutôt ambitieuses », Véronique Damon mettant toutefois le groupe en garde contre la création d’un « nouveau groupe de pilotes » et lui demandant de « veiller à ne pas exclure » certaines catégories du personnel. Chez le SPAF en revanche, on se dit déçu puisque la croissance devrait se faire « par l'intermédiaire d'Air France, et non pas à travers une énième compagnie sortie du chapeau ». On retiendra par ailleurs chez KLM l’annonce de la décision du Conseil d’administration du groupe d’attribuer aux pilotes des actions à hauteur de 26,7 millions d’euros, au nom de la convention collective signée en 2015. Elles seront versées à une fondation que doit créer le syndicat de pilotes VNV.