L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a jugé illégales les aides reçues par Boeing de la part de l’Etat de Washington pour financer le programme 777X. Comme elle l’avait fait en septembre pour les aides perçues par Airbus. L’interminable guerre que se livrent les deux avionneurs depuis 2004 a connu le 28 novembre 2016 un nouvel épisode, l’OMC continuant à distribuer les condamnations de façon à peu près équitable entre les deux. Le rapport précise que des avantages fiscaux accordés à Boeing par l’Etat de Washington, pour environ de 5,7 milliards de dollars, sont illégaux. La prolongation de ces avantages jusqu’en 2040 avait été octroyée il y a trois ans, en échange du maintien à Everett de la chaine d’assemblage final du futur 777X et la construction d’une usine pour fabriquer les ailes de cette famille de gros-porteurs. L’Etat de Washington est censé récupérer cette somme ; selon ses propres calculs, ces exonérations de taxes et réductions d'impôts représenteraient pour Boeing une économie de 8,7 milliards de dollars entre 2024 et 2040. Sans surprise, Boeing a annoncé une « victoire complète » contre Airbus, déclarant que l’OMC avait rejeté « virtuellement toutes les accusations de l’Union européenne » contre les avantages fiscaux accordés par l’Etat où il est basé. Son interprétation du jugement : six des sept mesures d'incitation fiscale contestées ont été déclarées légales, et la septième « en partie ». Cette dernière, une réduction du taux d'imposition sur la taxe B&O (Business & Occupancy) qualifiée d’injustifiée, ne représenterait selon Boeing « que 50 millions de dollars par an à partir du début en 2020 de la fabrication du 777X » (soit un milliard de dollars jusqu’en 2040) ; et elle aurait été déclarée en partie légale car s’appliquant à des programmes existants (737, 747, 767, 777 et 787). L’avocat de Boeing J. Michael Luttig résume ainsi le sentiment américain : l’OMC a déclaré qu’Airbus « avait touché 22 milliards de dollars d’aides illégales, alors que son jugement de lundi prouve que Boeing n’en a pas touché un penny ». Et de comparer l’avionneur européen à « une créature des gouvernements » qui risque des « sanctions massives » si elle ne se met pas en règle avec les lois internationales… Le camp européen a eu exactement la même réaction, la Commissaire au commerce Cecilia Malmströmn évoquant une « victoire majeure » contre Boeing. Le CEO d'Airbus Group Tom Enders déclare que dans ce conflit « soulevé par les Etats-Unis et Boeing auprès de l'OMC », la décision rendue hier est « un nouveau coup porté à l'encontre de leur stratégie » ; les subventions illégales « doivent être annulées sans plus attendre, impliquant l'abandon par Boeing de ces subventions fiscales massives ». Fabrice Brégier, patron de la branche avions commerciaux du géant européen, estime pour sa part que le 777X « ne coûtera pas un dollar de développement à Boeing grâce aux contribuables de l'Etat de Washington ». Le préjudice pour Airbus et l'industrie aérospatiale européenne serait selon lui de « 50 milliards de dollars ». Pour résumer ce conflit qui ne semble servir que les politiciens des deux côtés de l’Atlantique et les avocats : depuis 2004, l’OMC a évalué à 26 milliards de dollars le montant des aides illégales perçues par Boeing, et à 22 milliards de dollars celle reçues par Airbus. Aucun n’a remboursé quoique ce soit – et aucun n’est prêt à lancer une guerre commerciale, vu les intérêts croisés sur le plan industriel de l'aéronautique américaine et européenne. Tom Enders a d’ailleurs appelé à une solution « négociée » sur les aides publiques, à l’instar de ce qui a été trouvé pour les émissions de gaz à effets de serre. air-journal_boeing-777-fal-everett