L’intersyndicale des PNC de la compagnie aérienne Air France a écrit une lettre ouverte au PDG Jean-Marc Janaillac, répétant qu’aucun compromis ne sera possible tant que le projet Boost « représente une menace directe » sur le métier. L’augmentation de la rémunération des dirigeants Air France a fait l’objet d’un échange de chiffres peu banal, tandis qu’un collectif de pilotes propose de son côté une rénovation du dialogue social hors syndicats. Signée des présidents des syndicats d’hôtesses de l’air et stewards Françoise Redolfi (UNSA-SMAF PNC) et David Lanfranchi (SNPNC), la lettre ouverte au PDG d’Air France datée du 23 février 2017 revient sur l’impasse de la négociation sur l’accord collectif PNC, « provoquée par le projet BOOST qui semble rester la pierre angulaire de votre projet d’entreprise ». La création d’une nouvelle compagnie qui opèrerait pour le compte d’Air France « dans le cadre d’un affrètement de son Personnel Navigant Commercial ne peut s’inscrire dans une démarche de consensus en ce qui nous concerne ». Les deux syndicats rappellent avoir été « contraints à quitter la table des négociations » le 8 février, avant de détailler les rencontres qui ont suivi : le 10 février avec le directeur général Franck Terner et le DRH Gilles Gateau (« nous avons présenté des pistes alternatives, notamment la création d’un secteur Mixte LC/MC »), puis le 16 avec « l’ensemble des services responsables de la négociation sous l’égide de Messieurs Bandet et Daher, afin que nous puissions détailler plus précisément les modalités et les particularités du projet alternatif que nous portons et qui rend inutile la création de cette compagnie mortifère pour les PNC ». L’intersyndicale explique s’être parallèlement « engagée devant l’ensemble des salariés à accompagner cette piste alternative qui s’inscrit tout à fait dans la logique d’une baisse des coûts de l’outil de production PNC recherchée par votre direction ». Avant de déclarer que le projet Boost parait « tout à fait justifiable économiquement puisqu’il améliore notre rentabilité, puisqu’il s’inscrit dans la recherche de compétitivité de l’entreprise et qu’il a l’avantage d’être acceptable socialement ». Mais le SNPNC et l’UNSA constatent que la direction d’Air France n’a « pas infléchi » sa position, le cadre de la négociation n’ayant « pas évolué ». Et déplorent la persévérance du PDG « dans ce choix infondé et inique qui, à nos yeux, est voué à un échec certain. Aucun compromis ne sera possible entre la direction et nos deux syndicats représentatifs, tant que ce projet représente une menace directe sur notre métier ». Ils soulignent au passage vouloir par le biais de la lettre ouverte « sensibiliser » Jean-Marc Janaillac à « la situation cataclysmique à laquelle vous exposez notre entreprise, aggravée par le résultat de la consultation des pilotes organisée par le SNPL ». Pour les deux syndicats, il est de sa responsabilité de trouver rapidement une réponse « aux graves dissensions » créées dans le personnel navigant par le référendum (lancé par le syndicat majoritaire et auquel 58,1% des 3700 pilotes interrogés ont répondu oui).Le dirigeant ne peut « continuer à cautionner un tel climat de division au sein des équipages avec ce projet vécu très injustement par les PNC, en feignant d’en ignorer les conséquences prévisibles. L’ostracisation du Personnel de Cabine d’Air France compromet la sécurité des vols par le danger qu’elle induit ». En conclusion, l’intersyndicale affirme s’inscrire « dans votre souhait premier qui était de recréer de la confiance au sein de notre entreprise, mais la confiance ne peut s’obtenir dans la contrainte. C’est aujourd’hui que Votre projet TRUST TOGETHER doit prendre tout son sens. Le maintien du projet tel qu’il est actuellement décliné, ne nous laisse pas d’autre alternative que le conflit. Solution très certainement préjudiciable pour l’image de notre Entreprise, mais qui est à la hauteur de la menace que vous faites peser sur notre profession. Nous vous réitérons notre sincère volonté d’aboutir à un accord équitable pour tous, et comptons sur un arbitrage de votre part qui permette aux PNC de rester au cœur de l’entreprise ». L’UNSA PNC Air France a d’autre part accusé hier la direction d’Air France d’avoir augmenté de 41% l’enveloppe du COMEX (Comité Directeur Exécutif)  à « 4,8 millions d’euros pour 14 membres en 2016 », contre 3,4 millions d'euros pour 13 membres l’année précédente. Une « augmentation indécente » alors que le projet Boost « cherche à baisser les coûts des hôtesses et stewards de 40 à 45% », et sur laquelle la direction de la compagnie « a été contrainte de s'expliquer » lors de la session économique du CCE jeudi. Ce débat a du coup fait l’objet d’un communiqué d’Air France, expliquant que sa publication sur les réseaux sociaux « a conduit les équipes financières et Ressources Humaines à vérifier en détail ce chiffre à l'issue de la session ». L’examen aurait permis de « déceler une mauvaise imputation comptable en 2016 d'un montant de 0,8 million d'Euros ne concernant pas cette rubrique ». Cette mauvaise imputation « fausse la comparaison, conduisant aux chiffres d'augmentation qui ont ému les représentants du personnel et certainement beaucoup de salariés qui en ont pris connaissance » : le chiffre exact et officiel pour l'année 2016 est de 4 millions d'euros, soit une hausse de 17,6% justifié selon Air France par : - l'augmentation de la rémunération variable compte tenu des résultats redevenus positifs en 2015. Ces rémunérations variables avaient baissé en 2014 et 2013 ; - des modifications du nombre et de la composition du COMEX ; - le versement de soldes de congés payés à des membres du COMEX ayant quitté l'entreprise. La compagnie rappelle au passage que la rémunération de ses dirigeants, comme dans toutes les entreprises, « comporte une part variable significative fonction des résultats, qui joue à la baisse comme à la hausse » ; et que la rémunération brute globale du COMEX versée en 2016 est inférieure ou égale à celles versées en 2014 (4 millions d'euros), en 2013 (4,7 millions d'euros) et en 2012 (5,3 millions d'euros). Côté pilotes, le rejet du projet d’accord sur Boost par le SNPL mercredi a entrainé une réaction du Collectif des Pilotes Air France, créé en septembre 2015 et comportant 230 pilotes regroupés en association loi 1901. Selon eux, le résultat du référendum du SNPL engage un « nouveau round sur le ring du dialogue social » dans la compagnie ; ils proposent donc un changement de « paradigme en passant du rapport de force à l’intelligence collective ». Constatant que les pilotes ont voté oui alors que leurs syndicats militaient pour le non, le collectif en tire la conclusion tout d’abord qu’il y a un  problème « incontestable » de représentativité syndicale ; que la participation au référendum prouve que les pilotes « veulent être acteurs de leur avenir » ; et que vu « les premières réactions des bureaux syndicaux », il reste « du chemin à parcourir » afin de finaliser un accord sur le projet Boost, et qu’il sera « difficile de le faire évoluer » au fil des années dans un secteur aérien très concurrentiel et en constante évolution. Le collectif propose donc de rénover le dialogue social en mettant « le salarié au cœur du dialogue social afin d’écouter ses attentes, ses propositions et ainsi le rendre acteur de son avenir ». Le droit d’expression directe des salariés est prévu par le code du travail ; mais s’il était difficile à mettre en œuvre hier, il est maintenant « facilement accessible grâce aux outils digitaux », permettant de consulter les salariés « afin de nourrir les partenaires sociaux », dont il « renforce et légitime » les actions. En clair, outrepasser les syndicats quand ils semblent s’opposer au sentiment d’une majorité des salariés…