Les Etats-Unis ont officiellement ouvert une enquête jeudi sur les accusations d’aides illégales portées par Boeing contre Bombardier et en particulier sa famille CSeries. Le Canada menace de revoir les contrats de défense signés avec les Américains, y compris la commande annoncée 18 Super Hornet. Le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross a confirmé le 18 mai 2017 à Washington l’ouverture d’une enquête sur un potentiel viol des lois locales, après les allégations de Boeing selon qui Bombardier a bénéficié d'avantages illégaux qui lui permettent de vendre les CSeries « à des prix injustement bas ». Le responsable a expliqué dans un communiqué que si l’enquête sera « basée sur des faits », elle « soutiendra les compagnies américaines et leurs travailleurs ». L’annonce a été faite suite à une audience de Boeing et Bombardier devant la Commission du commerce international (USITC), qui mène sa propre enquête en parallèle. L’avionneur américain a souhaité l'imposition de droits compensatoires sur les CSeries, le rival canadien ayant profité de subventions gouvernementales lui procurant « un avantage indu à l'international ». Déjà le mois dernier, il accusait Bombardier de s’être lancé « dans une campagne agressive pour vendre ses avions CSeries sur le marché américain à des prix ridiculement bas, moins de 20 millions de dollars pour des engins qui coutent 33 millions de dollars à produire selon des informations publiquement disponibles ». Le CS100 coûte 79,5 millions de dollars et le CS300 89,5 millions de dollars au prix catalogue ; ce « dumping » n’aurait selon Boeing pas été possible sans les aides versées par le Canada, qui s’élèveraient désormais à plus de trois milliards de dollars.  Hier, le VP de Boeing Ray Conner a rappelé que la command ferme par Delta Air Lines de 75 Bombardier CS100 en avril 2016 (pour un montant de 5,6 milliards de dollars au prix catalogue) avait permis à Bombardier de « se donner un élan sur le marché ». Si l’avionneur canadien atteint son objectif affiché de prendre la moitié du marché des avions de 100 à 150 places, cela priverait Boeing de « ventes annuelles estimées à 330 millions de dollars » (soit 0,3% de ses ventes totales, 94,6 milliards de dollars l’année dernière). Rappelons que le prix catalogue n’est quasiment jamais payé puisque les clients obtiennent des rabais plus ou moins importants en fonction du montant de la commande, et ce quelque soit l’avionneur. Le président de Bombardier Alain Bellemare évoquait d’ailleurs à l’occasion de la commande de Delta un combat « extrêmement âpre » puisque les trois avionneurs étaient en lice (Airbus avait vendu le lendemain 37 A321 à la compagnie américaine). Soulignant de son côté que le CS100 n’a pas de concurrent chez Boeing (il est plus petit que le 737-700), l'avocat de Bombardier Peter Lichtenbaum a souligné que le rival américain n'a pas vu ses ventes s'effriter, et que son carnet de commandes reste « enviable ». « S'il s'agit d'un scénario qui oppose David à Goliath, Boeing a décroché le mauvais rôle », a-t-il déclaré. Une décision préliminaire est attendue le 12 juin, qui pourrait se traduire par l'imposition de droits compensatoires : Boeing réclame un droit compensatoire d'au moins 79,41 pour cent ainsi qu'un autre droit antidumping de 79,82 %. Côté politique, le gouvernement canadien a immédiatement évoqué des mesures de rétorsion sur le plan militaire : la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland annonce dans un communiqué que le Canada « examine ses approvisionnements militaires actuels liés Boeing », ce qui concernerait la commande en préparation de 18 Super Hornet construits par l’avionneur américain. « La pétition de Boeing vise clairement à bloquer l’avion canadien » sur le marché US, a-t-elle souligné. L’avionneur s’est empressé de rappeler que ses relations avec l’aéronautique canadienne remontent à 1919, et qu’il s’approvisionne auprès de sous-traitants canadiens dans toutes les régions du pays, tout en investissant « des sommes substantielles dans les secteurs commerciaux et militaires ». Bombardier emploie environ 7000 salariés aux Etats-Unis, « dans des dizaines d’installations » réparties dans 17 Etats ; ses achats se montent à environ 3 milliards de dollars chaque année chez des sous-traitants dans 48 Etats américains.