La compagnie aérienne Air Berlin a déposé son bilan mardi, blâmant la fin du soutien financier de l’actionnaire Etihad Airways, mais ses vols et ceux de Niki ne sont pas affectés. Lufthansa s’est immédiatement déclarée intéressée, provoquant une plainte de Ryanair. La compagnie privée allemande a annoncé le 16 aout 2017 avoir déposé son bilan auprès d’un tribunal de Berlin « pour continuer le processus de restructuration déjà entamé ». Air Berlin précise dans son communiqué que « le gouvernement fédéral, Lufthansa et d’autres partenaires » la soutiennent dans ses efforts de redressement, un prêt-relais de 150 millions d’euros lui ayant été accordé par le gouvernement Merkel pour « maintenir ses opérations sur le long terme ». Tous ses vols, ainsi que ceux de sa filiale autrichienne Niki, sont maintenus comme prévus, ainsi que les possibilités de réservation. La compagnie de l’alliance Oneworld précise que des négociations « très avancées et hautement prometteuses » sont en cours avec Lufthansa et d’autres partenaires pour l’acquisition de certaines activités, avec une possible « finalisation imminente » (elle ne mentionne pas ses créneaux de vol dans les aéroports allemands, en particulier à Berlin-Tegel et Düsseldorf). Le CEO Thomas Winkelmann déclare travailler « sans relâche pour atteindre le meilleur résultat possible pour la compagnie, nos clients et nos employés, face à la situation actuelle ». Le gouvernement a de son côté annoncé que le prêt de 150 millions d’euros devrait être suffisant pour permettre la poursuite des activités pendant trois mois et le maintien de l’emploi, soit quelque 8600 personnes – et ce à un mois et demi des prochaines élections. Air Berlin explique sa décision par l’arrêt du soutien financier de l’actionnaire Etihad Airways, qui détient 29,2% de son capital depuis 2012. La deuxième compagnie allemande n’a quasiment jamais dégagé de bénéfices pendant les huit dernières années, avec une perte record de 782 millions d’euros en 2016 ; sa dette nette se monte à 1,2 milliard d’euros. Elle se retrouve donc dans la même situation qu’Alitalia, en vente depuis le printemps après la décision de la compagnie nationale des Emirats Arabes Unis d’arrêter les frais – les employés ayant rejeté par référendum une nouvelle cure d’austérité. Etihad Airways a immédiatement réagi hier, rappelant qu’elle avait déjà avancé 250 millions d’euros à Air Berlin en avril. Dans un courriel à Bloomberg, elle a expliqué que sa décision avait été prise suite à la détérioration « à un rythme sans précédent » des opérations de la compagnie allemande, ce qui « l'empêche de surmonter d'importantes difficultés et de mettre en œuvre des solutions stratégiques alternatives ». Elle continue à chercher des « solutions économiquement viables » pour Air Berlin, mais ses deux représentants au Conseil d’administration ont démissionné ; et en tant qu’actionnaire minoritaire, elle « ne peut offrir une aide financière qui l'exposerait encore davantage », après avoir subi elle-même une perte de 1,87 milliard de dollars l’année dernière. La présence officielle de Lufthansa dans les discussions n’est pas une surprise, celle-ci louant depuis décembre dernier à Air Berlin 38 monocouloirs avec leurs équipages pour renforcer les opérations moyen-courriers du groupe (33 pour la low cost Eurowings, 5 pour Austrian Airlines). Une opération qui avait d’ailleurs été annoncée en même temps qu’un partage de codes justement avec Etihad Airways (que cette dernière qualifie de toujours « important »). Lufthansa chercherait à récupérer les avoirs rentables de sa rivale, en particulier la filiale autrichienne Niki (qui n’est pas concernée par le dépôt de bilan, tout comme l'activité fret d’Air Berlin). Plusieurs sources expliquent que l’autre compagnie intéressée est la low cost easyJet, mais celle-ci n’a pas fait de commentaire ; aucun autre candidat ne se serait présenté. Ryanair en revanche a annoncé hier le dépôt de plaintes auprès de l’Autorité de la concurrence allemande et de la Commission européenne, face au « complot évident du gouvernement, de Lufthansa et d’Air Berlin de découper les acquis de cette dernière, excluant d’autres concurrents majeurs et ignorant les règles européennes sur la concurrence et sur les aides d’état ». La low cost irlandaise dénonce en particulier le gouvernement pour son « soutien à un monopole mené par Lufthansa qui va augmenter les prix sur les vols intérieurs déjà très hauts ». Le syndicat de pilotes Vereinigung Cockpit a de son côté dénoncé les erreurs de gestion d'Air Berlin, tout en se disant « dépité » face à la décision d’Etihad Airways. Pour son président Ilja Schultz, il est « scandaleux » que la compagnie émiratie « fuie ses responsabilités et laisse tomber les salariés d'Air Berlin ». Rappelons que les problèmes financiers d’Etihad Airways l’ont aussi conduite à revendre ses parts dans Darwin Airlines au propriétaire de la compagnie nationale de Slovénie Adria Airways.