Les passagers de la compagnie aérienne Air France font de nouveau face demain à 48 heures de grève, après en avoir subi 11 journées depuis février. Mais plus de vols devraient être assurés en raison d’une nette baisse de la mobilisation des pilotes, et dans une moindre mesure du sol et des PNC. Pendant ce temps, KLM a signé hier un accord avec son propre syndicat de pilotes, le VNV.

La compagnie nationale française publiera ce 2 mai 2018 ses prévisions de trafic pour la journée de jeudi, douzième jour d’une grève lancée par une intersyndicale représentant tous les corps de métiers et qui aurait déjà coûté 300 millions d’euros à Air France. Avec un impact moyen de 25% à 30% de vols annulés, qui pourrait cependant être moins important demain : selon La Tribune, le taux de participation des pilotes le 3 mai « s’élève seulement à 19%, contre 27,2% pour la dernière journée de grève le 24 avril. Par rapport au 11 avril, la baisse est même de 17 points ». Parmi les raisons possibles à cet « effondrement », le site économique mentionne « l’incompréhension (voire l’exaspération) de voir la grève continuer » pendant la consultation de neuf jours de l’ensemble des 46.700 employés, « la lassitude de ne pas avoir obtenu ce qu’ils souhaitaient initialement (+6%) » après des arrêts de travail ayant grevé leurs salaires deux mois de suite, mais aussi « l’agacement de voir le bureau du SNPL rester dans une logique intersyndicale alors que la direction propose de négocier en parallèle des hausses de rémunérations supplémentaires spécifiques pour les pilotes, en échange de mesures apportant de la valeur à la compagnie (sans demander de hausse de productivité) ».

La réunion de lundi entre direction et représentants des pilotes n’a pas duré longtemps, les syndicats SNPL et SPAF refusant de négocier leurs revendications spécifiques (+4,7% supplémentaires) tant que l’augmentation générale de 5,1% pour tous n’est pas acquise. Fin avril, ils expliquaient que leurs demandes « trouvent leur justification dans les efforts consentis à travers l’accord Trust Together et plus globalement dans l’équilibrage de nos règles de rémunération avec ce qui se fait ailleurs en Europe ». Ils reconnaissaient qu’au cours de réunions précédentes plusieurs revendications ont été évoquées, « des mesures concernant des populations de pilotes spécifiques (CDB MC, LC…) », mais d’autres « sont encore purement et simplement ignorées » : aucune avancée par exemple sur « les augmentations de grille pour tous, le forfait étape ou la révolution numérique », des mesures qui concernent tous les pilotes. La fin du seuil de 40 avions pour la flotte de la low cost Transavia fait partie des points d’achoppement, tout comme selon La Tribune « la hausse de prime de commandement pour les commandants de bord d’A320 » ou la gestion de l’arrivée des Airbus A350-900 : entre l’été 2019 et l’été 2021, la direction propose « sur la base du volontariat, aux pilotes d’A330, d’A340 ou d’A350 qui peuvent postuler à un passage sur Boeing 777 (sur lequel la prime de vol est supérieure) de rester sur leur type d’avions en alignant la prime de vol sur celle du 777 ». 

La Tribune souligne que les autres employés grévistes d’Air France seraient eux aussi moins mobilisés, mais la baisse serait faible chez les hôtesses de l’air et stewards-0,9 point par rapport aux 19% du 24 avril »), comme dans le personnel au sol (pas de détail par rapport aux 15,9% du 24 avril).

La proposition d’accord d’Air France porte sur une augmentation générale de 2% en 2018, assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois, et une autre de 5% pour 2019, 2020 et 2021 (1,65% par an), assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. Les salaires seraient selon la direction augmentés de 12,5% en moyenne sur la période, (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT) ; mais ce « pacte de croissance » prévoit d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif. En face, l’intersyndicale réclame une augmentation générale de 5,1%, avec +3,8% au 1er avril (rattrapage d’inflation 2012-2017) et +1,3% en octobre (inflation prévisionnelle de 2018).

En plus des onze jours de grèves déjà menés, les quatre prévus en mai (3 et 4 puis 7 et 8) battront le « record » de septembre 2014, quand le SNPL Air France avait mené quatorze jours de grève, avec un impact de 425 millions d’euros sur les résultats annuels du groupe de l’alliance SkyTeam. Air France-KLM avait alors enregistré une perte nette de 198 millions d’euros alors qu’elle était de 1,827 milliard l’année précédente. Rappelons que ces grèves ne concernent que les vols opérés par des avions d’Air France ou de Joon, pas ceux de la filiale régionale HOP! ni ceux assurés en partage de codes par des partenaires telles que KLM, Delta Air Lines etc.

KLM Royal Dutch Airlines justement a annoncé mardi la signature d’un accord avec le syndicat de pilotes VNV sur une nouvelle convention collective, dont les détails seront connus ces prochains jours. Le VNV, représentant 98% des pilotes de la compagnie nationale néerlandaise, avait menacé d’organiser une grève en février dernier, étant « particulièrement insatisfait » de la façon dont la direction de KLM a tenu compte des promesses faites précédemment. Et il avait en outre organisé une grève chez les pilotes de la filiale low cost Transavia aux Pays-Bas. Cet accord trouvé entre direction et syndicat risque d’envenimer un peu plus les réactions entre les deux filiales d’Air France-KLM ; la semaine dernière, le CEO Pieter Elbers évoquait dans le quotidien Telegraaf un impact de la grève hexagonale « désastreux » pour le groupe, les arrêts de travail étant aussi mauvais « pour les finances et la réputation d’Air France que pour la cohésion du pacte » liant les compagnies française et néerlandaise.

Air France: des grévistes moins mobilisés jeudi ? 1 Air Journal