La compagnie aérienne Air France n’a toujours pas mis en service son sixième Boeing 787-9 Dreamliner, en raison du conflit avec le SNPL sur les pilotes instructeurs. Le coût du leasing de l’avion devrait être compensé par une sous-location à un autre transporteur, qui pourrait être Air Austral, tandis qu’un report de livraison du septième 787, attendu en fin d’année, est envisagé.

Le “problème Dreamliner” de la compagnie nationale française était apparu fin avril, le syndicat majoritaire chez les pilotes refusant de reconduire l’accord signé en 2016 sur le transfert des pilotes-instructeurs sur 777 vers les 787, le temps de permettre l’arrivée progressive d’instructeurs 787 – une réduction qui dépend en fait d’autres négociations sans rapport avec le sujet. Selon les informations publiées hier par La Tribune, Air France a ouvert des discussions pour sous-louer un des six Dreamliner pendant trois mois, histoire de compenser un coût de leasing estimé à un million de dollars par mois. Et « notamment avec Air Austral » dont l’un des deux 787-9 pourrait être concerné par les problèmes de moteurs Rolls Royce sur le dernier correctif des Trent 1000. L’appareil sera inspecté le 6 juin, a confirmé la compagnie réunionnaise au site économique, confirmant « étudier toutes les possibilités d’affrètement au cas où l’un de ses deux appareils devait être immobilisé » – sans citer Air France. Les Dreamliner de cette dernière sont équipés de moteurs General Electric GEnx.

La poursuite des opérations en 787 de la compagnie de l’alliance SkyTeam est conditionnée « par la prolongation, par le SNPL, de l’accord relatif à la mise en ligne du 787 signé en juillet 2016 », expliquaient le mois dernier les deux commandants de bord responsables respectivement du projet et de la formation 787, Thierry Bellot et Serge Vito, dans un courrier adressé aux pilotes d’Air France. Ils précisaient alors que le SNPL « a accompagné le lancement du 787 depuis l’origine du projet. Cet accord permet l’utilisation d’instructeurs issus du 777, assurant majoritairement les actes d’instruction et de contrôle, le temps de permettre l’arrivée progressive d’instructeurs 787 appelés à terme à les remplacer ». Mais l’accord a pris fin le 30 avril, sans signature du syndicat qui le conditionne à une autre revendication : il veut que la décision du « caractère acceptable ou pas d’un retour d’expérience sécurité des vols se fasse de manière paritaire entre la direction et le syndicat », selon le directeur général d’Air France Franck Terner pour qui cela pose un « problème de réglementation et d’exercice des responsabilités pour la direction ».

La Tribune croit savoir que la compagnie a décidé de geler les certifications de type jusqu’en septembre ; de toute façon, même si un accord avec le SNPL est trouvé, il faudrait « deux à trois mois » pour remettre le tout-dernier Dreamliner en ligne, « le temps de le repositionner sur les réseaux et d’enclencher à nouveau les formations des pilotes ».

Rappelons que ce conflit particulier entre pilotes et direction a déjà eu des conséquences sur les opérations : selon Le Parisien, les rotations d’Air France entre Paris-CDG et l’aéroport de Guangzhou-Baiyun sont passées en mai 2018 de cinq à trois par semaine, soit 40% de vols en moins, le remplacement du Dreamliner par un 777 limitant la diminution du nombre de places à 17%. Air France partage ses codes sur cette ligne avec China Southern Airlines, qui propose de son côté une rotation quotidienne en Airbus A330-200. Les Dreamliner sont aujourd’hui également déployés vers Abidjan et Bamako, Bogota, Boston, Detroit, Montréal, Nairobi et Osaka ; un septième Dreamliner devrait intégrer la flotte d’Air France en novembre, mais si la paix n’est pas signée avec le SNPL, sa livraison pourrait être reportée. La Tribune souligne toutefois que la compagnie aurait suffisamment d’équipages pour faire voler les cinq autres 787-9 « jusqu’à la fin de l’année ».

La bisbille sur les Dreamliner intervient dans un contexte social tendu : quinze jours de grève menés depuis février dans tous les corps de métier d’Air France lui auraient déjà coûté 400 millions d’euros. L’intersyndicale, qui regroupe les trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF, Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC) et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC, réclame une augmentation générale des salaires de 5,1% dès 2018 (plus 4,7% supplémentaires pour les pilotes), avec +3,8% au 1er avril (rattrapage d’inflation 2012-2017) et +1,3% en octobre (inflation prévisionnelle de 2018). En face, Air France a revu à la hausse l’augmentation qui n’avait été signée que par deux syndicats (CFDT et CFE-CGT représentant 31,3% des voix du personnel) : sa proposition d’accord, rejetée lors de la consultation de tous les employés, portait sur une augmentation générale de 2% en 2018, assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois, et une autre de 5% pour 2019, 2020 et 2021 (1,65% par an), assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. Les salaires seraient selon la direction augmentés de 12,5% en moyenne sur la période (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT) ; mais ce « pacte de croissance » prévoit d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif.

Aucun nouveau préavis de grève n’a été déposé, le groupe Air France-KLM venant de nommer une direction de transition en attendant la nomination d’un remplaçant au PDG Jean-Marc Janaillac, qui a démissionné après l’échec de sa consultation. 

Un Dreamliner d’Air France loué à Air Austral ? 1 Air Journal