Un rapport d’information du Sénat dénonce la situation du contrôle aérien en France, qui entre obsolescence des systèmes, manque de personnel et grèves entraine trop de retards et entraine un décrochage par rapport au reste de l’Europe.

Entre 2004 et 2016, la France a comptabilisé 254 jours de grève chez les contrôleurs aériens, loin devant la Grèce (46 jours), l’Italie (37), le Portugal (10) ou l’Allemagne (4). Le rapport d’information du sénateur Vincent Capo-Canellas (Union Centriste – Seine-Saint-Denis), rendu public le 18 juin 2018, dénonce la situation du contrôle aérien français et formule des recommandations sur sa modernisation. Selon lui, « la situation actuelle du contrôle aérien français est inquiétante de par l’obsolescence de ses systèmes qui, si elle ne pose pas de problème de sécurité, crée de nombreux retards et conduit la France à être pointée comme un élément bloquant du Ciel unique européen ». Les minutes de retard, provoquées par le contrôle aérien français, représentent à elles seules 33% des retards européens pour 20% du trafic contrôlé. Et « tout laisse à penser » que la situation va se dégrader dans les années à venir. Des solutions fortes doivent donc être mises en place dès à présent pour redresser la barre.

Les différents retards accumulés (en nombre de minutes comme s’agissant de la modernisation des systèmes) conduisent à « un véritable décrochage par rapport à nos partenaires européens, avec qui nous bâtissons un Ciel unique européen », ajoute le sénateur. Il rappelle que le trafic aérien contrôlé par les services de la navigation aérienne français augmente de 4% par an, et la question du « mur de capacité » se pose : ni les équipements et logiciels ni l’organisation des ressources humaines ne sont adaptés à ce défi. En outre, la France « peine à faire aboutir » les grands projets technologiques que porte la DSNA depuis parfois le début des années 2000, et dont le coût total est désormais estimé à 2,1 milliards d’euros. « Les délais sont sans cesse repoussés et les coûts de maintenance du système actuel explosent » ; alors que les équipements des contrôleurs aériens français sont aujourd’hui « largement obsolètes », des systèmes plus capacitifs permettraient d’augmenter considérablement leur productivité ; tous les grands pays européens y parviennent.

L’autre enjeu majeur pour faire passer plus de trafic concerne les ressources humaines. Les tours de service des contrôleurs aériens « doivent être beaucoup plus flexibles et adaptés à la saisonnalité du trafic et à sa concentration sur des périodes de pointe », estime Vincent Capo-Canellas. Reprenant l’argumentaire développé la semaine dernière par la compagnie aérienne low cost Ryanair,  il estime « indispensable de limiter l’impact des grèves des contrôleurs aériens français » sur l’organisation du trafic aérien européen. Ces grèves ont représenté de 2004 à 2016 « rien de moins que 67% des jours de grève des contrôleurs aériens en Europe », la France étant « montrée du doigt dans toutes les instances internationales ». Le système actuel de réquisition de 50% du personnel conduit selon le sénateur à « de fortes réductions préalables du nombre de vols alors que les contrôleurs sont in fine peu nombreux à être grévistes ». Il suggère donc que la loi Diard, qui oblige les personnels à se déclarer soit grévistes soit non-grévistes, soit transposée aux contrôleurs aériens « moyennant des adaptations ». D’autant que selon lui une partie de ces grèves n’a rien à voir avec le contrôle aérien mais sont « des grèves de solidarité avec le reste de la fonction publique, une particularité française ».

Au terme de ce contrôle, le sénateur Vincent Capo-Canellas se dit « convaincu que la DSNA est en mesure de redresser la barre grâce à la qualité de ses équipes et de retrouver l’ambition qui doit être celle des services de la navigation aérienne de la deuxième puissance aéronautique mondiale ». Mais cela impliquera de tirer les leçons des erreurs passées et de « consentir des efforts très significatifs » pour accompagner avec une efficacité renouvelée un trafic aérien en plein essor.

Interrogé sur Public Sénat, Nobert Bolis, secrétaire national de l’USAC-CGT (premier syndicat de la DGAC) a souligné que « sortir les chiffres à partir de 2004, ce n’est pas neutre » : les termes du rapport « sont trop forts et laissent penser que la situation est dramatique alors que nous garantissons la sécurité du trafic aérien ». S’il ne veut pas minimiser les problèmes de gestion « un peu chaotique » du projet de modernisation, il rappelle aussi que le contrôle aérien « n’est pas la première cause des retards », loin derrière les aléas météorologiques « et autres contretemps ». Le syndicaliste souligne aussi la baisse des effectifs de la fonction publique, dont les contrôleurs aériens font partie : depuis 2008, la diminution des effectifs serait « de 12 à 15% des personnels affectés à la DGAC », et ce malgré l’augmentation constante du trafic aérien.

Le rapport complet est consultable sur le site du Sénat.

Contrôle aérien : le Sénat français d’accord avec Ryanair 1 Air Journal