L’annonce d’un crash apparemment volontaire du vol 4U9525 de la low cost Germanwings a entrainé l’adoption du principe de deux personnes tout le temps dans le cockpit par de nombreuses compagnies aériennes, parmi lesquelles Lufthansa, easyJet, Norwegian Air Shuttle, Icelandair, Air Canada ou Air Transat. La fédération allemande de l’aviation veut rendre le principe obligatoire, Air France n’a pas encore communiqué sur le sujet. Quant aux syndicats de pilotes, ils hésitent entre stupeur et colère. Une « dimension totalement inconcevable » selon la chancelière allemande, un jour « tout aussi dévastateur » que celui du crash selon Germanwings : la conférence de presse du procureur de Marseille le 27 mars 2015 a plongé le monde dans la stupéfaction, quand il a annoncé que le copilote Andreas Lubitz avait volontairement provoqué l’accident de mardi, qui a fait 150 morts lors d’un vol entre l’aéroport de Barcelone-El Prat et Düsseldorf. Cet isolement dans le cockpit a conduit plusieurs compagnies à adopter dès ce matin le principe déjà en vigueur aux Etats-Unis : si un des pilotes dois s’absenter, il doit être remplacé par un autre membre d’équipage. Lufthansa, maison-mère de Germanwings, et Air Berlin l’ont fait dès hier, la Fédération allemande de l’aviation réclamant une règlementation qui rende la pratique obligatoire. La low cost easyJet « confirme un changement de sa procédure qui sera effective à partir du 27 mars 2015. Désormais, deux membres de l'équipage seront présents en permanence dans le cockpit. Cette décision a été prise en consultation avec la Civil Aviation Authority (CAA). La sécurité des passagers et de ses équipages est la première priorité d'easyJet ». Norwegian Air Shuttle a pris la même décision, expliquant que l’on « discute de cela depuis longtemps, mais cet épisode a accéléré les choses », tout comme Icelandair, tandis que Finnair, Ryanair et Iberia rappelaient que c’est déjà le cas sur tous ses vols. Jeudi soir, le Canada a rendu obligatoire la présence de deux personnes en permanence dans le cockpit – ordre suivi immédiatement par Air Canada, Air Transat et WestJet. Ce vendredi matin, Air New Zealand a annoncé qu’elle suivra le mouvement. Air France n’a pas communiqué sur le sujet hier, mais d’après Le Figaro la DGAC a rencontré des responsables des compagnies françaises hier soir pour discuter de l’accès au cockpit. Un des participants a expliqué au quotidien que la question « est d'autant plus délicate que les pilotes, à Air France et dans bien d'autres compagnies, avaient plutôt tendance ces derniers mois à se plaindre du fait que l'accès au cockpit par un terroriste était possible en défonçant la cloison des toilettes attenantes, et donc qu'il fallait rendre le cockpit totalement inviolable en posant une cloison blindée ». Contrairement aux Etats-Unis, la réglementation européenne n'impose pas la présence continue de deux personnes dans le cockpit. Seule l'Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (AESA) peut imposer cette mesure à l’échelle du continent. Mais rien n’empêche une compagnie de mettre en place cette procédure, ou tout autre à condition qu’elle soit plus sévère que le cadre réglementaire. air-journal Andreas Lubitz copilote germanwingsDu côté des pilotes, le syndicat européen ECA (European Cockpit Association) a fait part jeudi de son choc à l’idée que le crash de Germanwings avait été causé par un acte délibéré du copilote. Acceptant le fait que de nombreux faits rendent ce scénario crédible, il souligne toutefois que de nombreux points restent à éclaircir, et que les enquêtes sur les accidents d’avion sont des processus « longs et complexes » justement pour s’assurer que tous les paramètres sont connus et compris. Pour l’ECA, seule l’analyse de l’enregistreur des données de vol (FDR) permettra de « vérifier et fournir des éclaircissements » sur la situation décrite par l’enregistreur vocal (CVR). Mais le syndicat dénonce aussi le fait que le contenu de la boîte noire a été « fuité » par le procureur, un « manquement sérieux » aux règles internationales d’enquête définies par l’ICAO qui pourrait être une « distraction » pour les enquêteurs (en l’occurrence du BEA et de son homologue allemand, entre autres). Un point de vue repris plus violemment par l’IFALPA (Fédération internationale des associations de pilotes de ligne) qui « dénonce et condamne » cet étalage public, qui porte « atteinte à la confiance de toutes les parties impliquées dans l’enquête et des familles de victimes ». Des fuites de ce genre « font du mal à la sécurité aérienne », poursuit le syndicat basé à Montréal, en « provoquant des spéculations des médias et du grand public, et en décourageant une coopération honnête avec les enquêteurs lors d’accidents futurs ». Avant de rappeler que le rôle de l’enregistreur des conversations du cockpit est d’aider les enquêteurs à déterminer les causes ayant conduit à l’accident, et non à blâmer qui que ce soit – ceci étant réservé à la justice. Cette fuite n’est donc selon l’IFALPA qu’une « invasion inacceptable de la vie privée que l’on ne peut décrire que comme une recherche du sensationnalisme et un voyeurisme de la pire espèce ». Le procureur Brice Robin, qui avait critiqué hier les lenteurs du BEA, appréciera. air-journal_crash Germanwings 4U9525 ops@DICOM