La vente de 24 Rafales au Qatar aurait fait l’objet d’un échange de bons procédés concernant l’attribution de droits de trafic pour la compagnie aérienne Qatar Airways vers Lyon et Nice. François Hollande dément le quid pro quo, et le SNPL s’insurge contre cette nouvelle atteinte à l’avenir d’Air France, agitant la menace d’une nouvelle mobilisation des pilotes. Selon Le Monde, la vente signée le 4 mai 2015 à Doha a été accompagnée d’une condition : l’autorisation donnée à la compagnie nationale qatarie d’ouvrir des vols vers les aéroports de Lyon-Saint Exupéry et Nice-Côte d’Azur, « vraisemblablement trois fois par semaine ». Selon Les Echos, le rythme quotidien demandé n’a pas été accordé à Qatar Airways, mais les routes seront bien lancées. Le président François Hollande a démenti la contrepartie, expliquant qu’il y a « des discussions qui sont engagées dans d'autres domaines avec le Qatar, avec d'autres pays pour l'attribution de lignes aériennes, mais ce contrat n'a pas fait l'objet de négociations sur d'autres sujets que l'avion Rafale et des matériels qui doivent l'équiper ». Difficile de ne pas penser parmi les autres pays aux Emirats Arabes Unis, eux aussi intéressés par le Rafale et dont la compagnie nationale Etihad Airways espère l’autorisation de s’envoler vers les provinces françaises. Qatar Airways avait desservi Nice jusqu’en 2013, l’impossibilité d’obtenir des droits de trafic supplémentaires la poussant alors à abandonner la Côte d’Azur au profit de Paris-CDG (3 rotations quotidiennes désormais). Parmi les compagnies du Golfe, seule Emirates Airlines dessert aujourd’hui la province – Lyon (5 vols par semaine) et Nice (7) justement. Pas de réaction officielle du côté des aéroports concernés, à propos desquels M. Hollande expliquait hier qu’il est « assez légitime que nous ayons des discussions, des négociations pour que des lignes aériennes puissent être ouvertes en faveur de pays qui permettent aussi d'acheminer un grand nombre de touristes, et nul doute que les villes de Nice et de Lyon sont particulièrement demandeuses de ce type d'attributions ». Les aéroports Saint Exupéry et Côte d’Azur réclament depuis longtemps l’ouverture de nouvelles lignes internationales ; les chefs d’entreprises des deux régions se sont eux répandus dans les médias pour saluer l’éventuelle nouvelle. Egalement, tout comme les aéroports concernés, les voyagistes sont favorables à l'attribution de nouveaux droits de trafic pour les compagnies du Golfe, comme le déclare Fabrice Dariot, patron du vendeur en ligne de billets discount Bourse des vols, qui se réjouit, "dans l'intérêt du consommateur et de la concurrence, de la montée en puissance des compagnies étrangères sur le marché français". Et de rappeler : "A partir du moment où Air France est passées à la "commission zéro" elle a détruit le lien affectif et économique qui l'unissait depuis toujours avec son réseau de distribution alors que les agences de voyages avaient sauvé Air France de la faillite dans les années 90". Mais pour l’Etat français, le revirement va être difficile à justifier, alors que l’attribution de nouveaux droits de trafic pour les compagnies du Golfe était présentée comme impensable par le ministre du transport il y a trois mois, pour cause de subventions et autres coûts jugés contraires à une concurrence loyale. Air France serait bien sûr la première affectée par l’arrivée de Qatar Airways en province, au détriment de son activité long-courrier concentrée sur Roissy. Un point rappelé hier par le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL Air France ALPA) dans un communiqué : « le seul élément qui protège encore les compagnies aériennes européennes au sein d’une compétition absolument faussée, c’est la non délivrance d’autorisations de desserte supplémentaire des aéroports européens aux compagnies non respectueuses des règles de concurrence », écrit le syndicat. « Si le Gouvernement faillit à protéger le pavillon aérien français, c’est la mort assurée à terme de tout un secteur », ajoute-t-il avant de rappeler le chiffre d’affaires annuel d’Air France KLM : « 25 milliards d’euros, qui contribuent positivement à la balance commerciale de la France, à comparer au marché en jeu aujourd'hui avec le Qatar d’un peu plus de 6 milliards d’euros ». Le SNPL Air France ALPA « prévient d’ores et déjà le Gouvernement qu’il ne peut abandonner ces créneaux, vitaux pour notre industrie qui induit 100.000 emplois dans le seul bassin d’Île de France, dans le seul but d’emporter un marché d’armement. La mobilisation des pilotes sera mise en œuvre sans hésitation pour s’assurer le soutien du gouvernement sur cette question ». Selon le président du syndicat Philippe Evain, « sans une prise de conscience du Gouvernement, seul le linceul de la compagnie Air France et des 100.000 emplois associés arborera encore les couleurs du pavillon national. C’est simple, quand c’est une question de vie ou de mort, on jette toutes ses forces dans la bataille ! ».