Pas de fin en vue pour la guerre de chiffres que se livrent d’un côté les compagnies aériennes américaines et certaines européennes, et de l’autre celles du Golfe Persique au sujet de subventions forcément illégales et anticoncurrentielles. Dernier exemple en date, le rapport sorti par Etihad Airways, selon lequel American Airlines, Delta Air Lines, United Airlines et leurs consœurs ont perçu 71,48 milliards de dollars en « avantages » depuis le début du millénaire. La compagnie nationale des Emirats Arabes Unis a diffusé le 15 mai 2015 un rapport commandité par elle, qui a quantifié « une gamme d'avantages gouvernementaux et sanctionnés par la loi, ainsi que des concessions perçues par les trois plus gros transporteurs américains Delta Air Lines, United Airlines et American Airlines Group, ainsi que par d'autres compagnies avec lesquelles elles ont fusionné ». Les trois géantes américaines auraient ainsi perçu « des avantages estimés à 71,48 milliards de dollars US, dont plus de 70 milliards depuis 2000 », leur permettant de « passer d'une situation au bord de la faillite à celle de leaders actuels de l'industrie, chacune d'entre elle enregistrant des bénéfices de plusieurs milliards de dollars US ». American, Delta et United auraient ainsi généré en 2014 « des bénéfices nets collectifs de 8,97 milliards de dollars US, équivalents à 45% du total de 19,9 milliards de bénéfices enregistrés en 2014 par l'ensemble de l'industrie aérienne ». La tendance s'est poursuivie en 2015, poursuit Etihad Airways, les trois compagnies majeures américaines ayant annoncé de forts bénéfices nets pour le premier trimestre. La société de conseil internationale The Risk Advisory Group qui a conduit l'étude pour Etihad Airways a identifié que la majorité des avantages dévolus à Delta, United et American « proviennent de la restructuration sous le Chapitre 11 du code américain des faillites, leur apportant au moins 35,46 milliards de dollars US et d'autres renflouements de fonds de pension totalisant 29,4 milliards de dollars US de la Pension Benefit Guaranty Corporation du gouvernement américain ». Etihad Airways a toujours refusé les plaintes de Delta Air Lines, United Airlines et American Airlines selon lesquelles elle aurait perçu des subventions, et a déclaré publiquement qu'elle avait reçu des capitaux propres et des prêts de son unique actionnaire, le gouvernement d'Abu Dhabi, le plus grand émirat et capitale des Emirats Arabes Unis. Commentant les résultats de The Risk Advisory Group, le conseiller juridique et secrétaire de la compagnie, Jim Callaghan, a déclaré aujourd'hui : « Nous ne mettons pas en cause la légitimité des avantages offerts aux transporteurs américains par le gouvernement américain et les tribunaux de faillite. Nous souhaitons simplement souligner le fait que les transporteurs américains ont bénéficié et continuent de bénéficier d'un régime légal très favorable, tel que la protection contre la faillite et les garanties de pension, l'exemption de certaines taxes et de nombreux autres avantages. Ces avantages généralement disponibles pour les seuls transporteurs américains ont créé un marché fortement faussé dans lequel une compagnie comme Etihad Airways doit soutenir la concurrence ». Jim Callaghan a ajouté que les chiffres sont quantifiables et justes, et obtenus de documents et rapports publics ; et il cite une interview diffusée en 2011 par la radio américaine nationale, dans laquelle un ancien vice-président de Continental Airlines, Pete Garcia, déclarait : « la faillite, pour l'industrie aérienne en particulier, est juste un moyen de refinancement. Il s'agit d'un mouvement financier pour vous maintenir en activité et vous donner le temps de renégocier avec vos prêteurs ». The Risk Advisory Group a identifié les principaux bénéficiaires du Chapitre 11 pour la restructuration et le sauvetage par la Pension Benefit Guaranty Corporation : - United Airlines, avec des avantages combinés estimés à 44,4 milliards de dollars US (avec un allégement de la dette avant faillite totalisant 26 milliards de dollars US et des avantages de cessation de pension totalisant 16,8 milliards de dollars US). - Delta Air Lines avec des avantages combinés estimés à 15,02 milliards de dollars US (avec un allégement de la dette avant faillite totalisant 7,9 milliards de dollars US et des avantages de cessation de pension totalisant 4,55 milliards de dollars US). - American Airlines avec des avantages combinés estimés à 12,05 milliards de dollars US (avec un allégement de la dette avant faillite totalisant 1,56 milliards de dollars US et des avantages de cessation de pension totalisant 8,08 milliards de dollars US). Ces chiffres comprennent les prestations de restructuration et de sauvetage obtenues par d'autres compagnies aériennes américaines, depuis absorbées par Delta Air Lines, United Airlines et American Airlines. Toujours selon Jim Callaghan, les revendications actuelles de United Airlines, Delta Air Lines et American Airlines selon lesquelles elles étaient lésées par Etihad Airways « sont sans fondement et une tentative d'entraver la concurrence de qualité supérieure ». « Il n'y a aucune preuve qu'il y ait quelque dommage causé par Etihad Airways à l'une des trois grandes compagnies aériennes américaines » a-t-il ajouté. « La politique de US Open Skies a délivré plus de choix et un meilleur service pour des millions de consommateurs, plus d'accès aériens depuis et vers l'Amérique et des bénéfices records pour les plus grandes compagnies aériennes aux États-Unis. Il est temps de se recentrer sur la vraie question ici - que la politique d'Open Skies honore les avantages qu'elle est censée délivrer et que tout le monde est gagnant. » Rappelons qu’un rapport similaire mais allant évidemment dans le sens contraire avait été publié début mars par les trois compagnies américaines, alliées pour l’occasion aux syndicats de pilotes et de personnel de cabine, accusant Etihad Airways donc, Emirates Airlines et Qatar Airways d’avoir touché au total 42 milliards de dollars de subventions de la part de leurs états respectifs entre 2004 et 2013. En Europe, ce sont Air France et Lufthansa mènent la bataille contre les compagnies du Golfe, contrairement au groupe IAG (British Airways, Iberia, Vueling) qui a du coup quitté l’AEA (Association of European Airlines), suivi par Air Berlin, pour protester contre la gestion par le lobby européen du « conflit ».