Le PDG de la compagnie aérienne Air France a écarté hier la nécessité d’un médiateur dans les négociations avec les syndicats, ces derniers continuant à dénoncer l’inertie de l’état. La CGT menace d’un conflit sans précédent en cas de sanctions contre les salariés impliqués dans les violences du début octobre, tandis que la low cost Transavia France pourrait être fusionnée avec sa consœur néerlandaise. La direction et les syndicats de la compagnie nationale française étaient auditionnés par l’Assemblée nationale le 4 novembre à Paris, et ils ont sans surprise campé sur leurs positions. Pour le PDG Frédéric Gagey, le dialogue social n’est pas du tout en panne chez Air France : il rappelle que la compagnie négocie « avec trois catégories de personnels – au sol, navigants et pilotes – qui fonctionnent avec des règles différentes. Cela rend le dialogue social plus compliqué », reconnait-il, « mais nous signons chaque année avec les partenaires sociaux une centaine d’accords. Nous avons renoué le dialogue avec les pilotes, et l’intervention d’une personne extérieure ne nous aidera pas à résoudre nos problèmes ». Interrogé sur l’accusation de semer la division entre ces catégories de personnel, il affirme « tout faire pour maintenir la cohésion ». Et les pilotes ne sont menés en justice que parce qu’ils n’ont « pas respecté leurs engagements, contrairement aux autres catégories de personnels ». Les efforts des salariés, qui font face à un nouveau plan de suppressions de postes, « n’ont pas été vains : nous sommes à la moitié du chemin », explique-t-il quand les députés l’interrogent sur les résultats financiers dévoilés la semaine dernière. Et de souligner qu’alors qu’Air France perdait 600 millions d’euros en 2011, « elle engrangera quelques millions cette année. Nous avons mis six ans à sortir du rouge », ce qui ne veut pas dire « être sorti d’affaire ». Frédéric Gagey ajoute que la compagnie a besoin d’un « résultat de 740 millions d’euros pour nous développer sans recourir à l’endettement. Ne rien faire aujourd’hui serait la pire des options ». Et il se veut même rassurant sur les conséquences des images du 5 octobre, montrant les cadres d’Air France la chemise déchirée fuyant devant des salariés en colère : « cela n’a eu aucun impact sur les réservations », 14 millions de clients ayant reçu un courriel d’excuses et d’explication. L’Assemblée nationale auditionnait ensuite les syndicats, qui eux aussi sont restés sur leurs convictions : pour Philippe Evain du SNPL majoritaire chez les pilotes, « les salariés ne peuvent que constater l'inertie de la direction d'Air France et du gouvernement face aux problèmes auxquels la compagnie est confrontée ». Il accuse en particulier la direction de ne « pas respecter les instances représentatives » en communiquant directement dans la presse, en une « stratégie du rouleau compresseur (...) malgré les tentatives de débats » lancées par les syndicats. Et dénonce un « Etat qui s’est montré passif ces dernières années », alors que pour Miguel Fortea de la CGT Air France « on a besoin d’un Etat stratège ». Selon Arnaud Dole de l’UNSA-PNC, « les salariés ont l'impression de ne pas avoir un retour sur les efforts » Si la CGT a de nouveau réclamé une réunion tripartite entre la direction, les syndicats et le gouvernement, elle a d’autre part haussé le ton à propos des suites données aux incidents du 5 octobre : elle a promis « Spartacus » si des licenciements étaient prononcés à l’encontre des 18 salariés impliqués dans les violences lors du Comité Central d’Entreprise, et selon Miguel Fortea cité par Le Figaro « on sera tous sur la place et on aura un conflit sans précédent ». Le syndicat, dont certains membres figurent parmi les 18, affirme que ces salariés ont été « pris au hasard » et qu’ils sont « condamnés d’avance » même si il n’y a « rien dans les dossiers disciplinaires ». Rappelons que cinq employés comparaitront en correctionnelle le 2 décembre. [caption id="attachment_134491" align="alignleft" width="160"]©Studio-Dumbar ©Studio-Dumbar[/caption] Pas de changements dans les positions des uns et des autres donc, mais les choses pourraient encore empirer si les informations publiées par La Tribune sur une unification de Transavia venaient à se vérifier : rappelons que c’est le projet Transavia Europe qui avait déclenché la grève de quinze jours des pilotes d’Air France en septembre 2014. Selon des sources internes citées par La Tribune, le groupe Air France-KLM envisagerait de créer une holding regroupant 100% des parts de la filiale spécialisée dans le vol pas cher, et rattachée au groupe aux côtés d’Air France et de KLM. Rappelons que Transavia Hollande est détenue à 100% par KLM, tandis que Transavia France est détenue à 60% par Air France et 40% par Transavia Hollande. Le projet serait à l’étude « depuis plusieurs mois », s’inspirant évidemment de l’exemple de Lufthansa avec Eurowings, et permettrait à la low cost d’envisager une ouverture du capital, voire l’acquisition d’autres compagnies pour poursuivre son développement. La Tribune souligne que l’opposition la plus vive à ce projet viendrait pour l’instant des pilotes de KLM, même si leur syndicat VNV n’y est pas hostile a priori (il vient d’ailleurs de signer des accords de productivité avec KLM et Transavia). On notera enfin la rencontre entre la direction d’Air France et les employés à l’aéroport d’Ajaccio, relatée par France3 : cette escale devrait d’ici 2019 perdre 76 postes à temps plein sur 175, via « des départs volontaires, mutations volontaires dans un autre aéroport ou reclassement en temps partiel ». Objectif : économiser en quatre ans 5,2 millions d’euros. « On ne nous parle pas de licenciements mais de négocier des leviers qui seraient susceptibles de faire diminuer les coûts. En ces termes là, toute la discussion est ouverte, mais c'est le flou total », explique Valérie Cau, déléguée CGT Air France, évoquant les inquiétudes de tous les syndicats.