La France et la Suisse sont parvenus à un accord sur le statut juridique de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, situé en territoire français mais où certaines compagnies aériennes bénéficient du droit fiscal suisse. Un accord global devrait être annoncé d’ici la fin septembre. A la veille de la visite du président français en Suisse, la première depuis 17 ans, les ministères des Affaires étrangères des deux pays ont signé une déclaration sur l’aéroport, « pôle économique et employeur majeurs de la région tri-nationale franco-germano-suisse ». Après plus de cinq années de négociations, cet accord définit le cadre juridique qui sera appliqué à l’aéroport et aux entreprises du secteur douanier suisse : selon le communiqué du Quai d’Orsay du 14 avril 2015, il « fixe les modalités d’application de l’impôt français sur les bénéfices, dans le cadre d’un régime simple et favorable » ; « prévoit, sous réserve de l’accord du Conseil de l’Union européenne, l’application de la TVA suisse » ; et « met en place un mécanisme pour compenser les coûts engagés par la France au titre du transport aérien ». Avec cet accord d’étape est enfin mis en place un régime juridique pérenne qui assure l’avenir de cet aéroport et le développement de l’emploi. Les discussions vont se poursuivre sur la question des taxes locales, en vue d’une conclusion au plus tard le 1er octobre 2015; au cours de ces travaux, le statu quo est maintenu. La fiscalité française s'applique aux activités des entreprises sur le secteur douanier suisse, à l'exception des compagnies aériennes exploitant des vols internationaux, conformément a la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée. Des aménagements sur l'impôt sur les bénéfices sont proposés aux entreprises qui le souhaitent, avec notamment l’ouverture d’un guichet local unique. « Avec l'objectif de contribuer au développement de l'aéroport et des entreprises sises dans le secteur douanier suisse », la France et la Suisse conviennent de mener une évaluation du montant des taxes locales pour ces entreprises. Au sujet de la fiscalité indirecte, la Suisse et la France ont finalisé conjointement une demande au Conseil de l’Union européenne de dérogation à la directive TVA, dans le secteur douanier suisse de l'aéroport. Le produit de l'impôt sur les bénéfices prélevé sur l'établissement public franco-suisse de l'aéroport est partagé à parts égales entre les deux pays « par reversement partiel de la France à la Suisse ». Cette disposition sera appliquée à compter de l'exercice 2015, sur la base de modalités de reversement restant à définir. Quant à la couverture des 6 millions d’euros engagés par la DGAC pour assurer la gestion du trafic aérien sur le territoire français, « en lien avec le secteur douanier suisse de l'aéroport qui est associé à des droits commerciaux suisses », l’accord implique qu’ils seront remboursés par l’aéroport via une redevance supplémentaire pour les compagnies aériennes desservant le secteur douanier suisse (calculée en fonction du nombre de passagers embarqués). Enfin la France et la Suisse « conviennent par ailleurs de poursuivre les discussions sur la taxe de solidarité sur les billets d'avion ». Cet accord fait suite à la décision unilatérale du ministère français de l’économie, annoncée l’été dernier, de soumettre toutes les entreprises de l’aéroport au droit fiscal hexagonal dès le 1er janvier 2015. Provoquant un tollé chez le gestionnaire comme chez les 65 sociétés suisses, dont certaines menaçaient de partir s’installer à Zurich. Mais les disputes sur le statut de l’EuroAirport, seul aéroport binational au monde, ne sont pas nouvelles : rappelons qu’en 2013, la DGAC avait annoncé qu’à partir du 1er juillet tous les passagers décollant de Bâle-Mulhouse seraient assujettis à la taxe de l’aviation civile française (à l’époque 4,31 euros pour les vols à l’intérieur de l’Union Européenne, 7,75 euros en dehors) et à la taxe de solidarité envers l’Afrique dite « taxe Chirac » (1 euro dans l’UE, 4 euros en dehors). Les vols sous droit de trafic suisse, soit 89% du trafic au départ de Bâle – Mulhouse, étaient exemptés de ces taxes qui auraient donc représenté un surcoût de 5,31 à 11,75 euros par billet d’avion selon les destinations (la DGAC avait finalement renoncé). Et dès 2011, la low cost easyJet Switzerland, filiale de droit suisse de la spécialiste britannique du vol pas cher et premier opérateur à l’EuroAirport, avait menacé de fermer sa base suite à une décision de la Cour de Cassation qui prévoyait d’imposer le droit français à toutes les compagnies présentes. La France et la Suisse avaient finalement décidé l’année suivante de maintenir les choses en l’état… L’EuroAirport a accueilli 6,5 millions de voyageurs l’année dernière, contre 2,5 millions dix ans plus tôt.