L’enquête vient tout juste de commencer, mais les révélations s’accumulent sur la fragilité psychologique avérée du jeune pilote de Germanwings, qui a volontairement, selon Brice Robin, procureur de Marseille, précipité l’A320 avec 149 autres personnes à bord, sur le flan de la montagne dans les Alpes de Haute-Provence.

Parti aux Etats-Unis se perfectionner au pilotage au sein de la prestigieuse école de formation Lufthansa, Andreas Lubitz, le co-pilote de 28 ans, avait déjà suivi un traitement psychiatrique de 18 mois en 2009 en raison d’un « épisode dépressif grave » ainsi que des « crises d’angoisse », révèle le journal allemand Bild. Il sera même jugé inapte au vol, temporairement, par les autorités américaines. Il avait réintégré la formation aux Etats-Unis, repassé toutes les étapes avant de finalement décrocher son brevet de pilotage. Un élément troublant sera certainement débattu lors d’un procès futur, pour connaître l’éventuelle responsabilité des formateurs ou employeurs : le dossier de l’administration de l’aviation civile allemande, pour ce pilote, comportait en effet une mention très particulière, signifiant  « examen médical régulier, particulier ».

Des amis proches confirment également ces failles dépressives, chroniques, évoquant pour certains un « burn out ». Au mois de février dernier, il s’était rendu à l'hôpital universitaire de Düsseldorf. Il s’y rend la dernière fois le 10 mars, deux semaines avant d’entraîner dans son projet fou 149 autres personnes vers une mort inéluctable, les raisons médicales pour lesquelles il y retourne restant encore à être éludées. Rappelons que les enquêteurs ont retrouvé chez lui un arrêt maladie déchiré, datant du jour même du crash. « Le fait que l'on ait retrouvé chez lui des arrêts maladies récents voire du jour même du crime, faisant part de son inaptitude au travail, va dans le sens des premières constatations selon lesquelles Andreas Lubitz a caché sa maladie à son employeur et à ses collègues », a ainsi affirmé Christoph Kumpa, le procureur de Düsseldorf.

Enfin, plusieurs petites amies du co-pilote ont parlé, dessinant toujours un peu plus le profil d’une personnalité extrêmement fragile. La thèse de la préméditation est même pour la première fois évoquée. Ainsi, Maria W., hôtesse de l’air, une ancienne compagne durant plusieurs mois a confié à Bild, qu’Andreas Lubitz lui avait dit :  « Un jour,  je vais faire quelque chose qui va changer tout le système, et tout le monde connaîtra mon nom et s'en souviendra ». Selon elle, son geste suicidaire s’explique « parce qu'il a compris qu'à cause de ses problèmes de santé, son grand rêve d'un emploi à la Lufthansa, comme capitaine et comme pilote de long courrier était pratiquement impossible ». Elle se séparera de lui, explique-t-elle « parce qu'il devenait de plus en plus clair qu'il avait un problème. Pendant les discussions, il craquait et me criait dessus (...) La nuit, il se réveillait et criait 'Nous tombons', en proie à des cauchemars. » Sa dernière petite amie a également confirmé aux enquêteurs la grave dépression d’Andréa Lubitz.

La piste d’un pilote malade psychologiquement s’annonce donc « sérieuse » de l’avis même des enquêteurs, même s’ils ajoutent prudemment, que la « personnalité » du pilote n’est pas à ce jour la seule hypothèse. « On a un certain nombre d'éléments qui nous permettent d'avancer dans cette piste, qui est présentée comme une piste sérieuse, mais qui ne peut pas être uniquement la seule», a déclaré le général de gendarmerie Jean-Pierre Michel, sous directeur de la police judiciaire. Pour les enquêteurs, il manque encore un élément déclencheur à déterminer, « un élément particulier », comme une rupture amoureuse ou un problème professionnel.