Le ministre égyptien de l’aviation civile a déclaré que la probabilité d’une attaque terroriste était plus élevée que celle d’une panne technique, suite à la disparition hier du vol MS804 de la compagnie aérienne Egyptair entre Paris et Le Caire. Toutes les hypothèses restent étudiées pour expliquer le sort de l’avion qui transportait 66 personnes dont quinze passagers Français ; aucun débris n’a pour l’instant été retrouvé dans la Méditerranée. Ce que l’on sait : L’Airbus A320 de la compagnie nationale égyptienne a décollé le 18 mai à 23h09 de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle à destination du Caire, avec à son bord deux pilotes, cinq PNC, trois agents de sécurité  et parmi les passagers trente Egyptiens, quinze Français, deux Iraquiens, un Belge, un Canadien, un Algérien, un Britannique, un Portugais, un Koweïtien, un Saoudien, un Soudanais et un Tchadien (avec de possibles doubles nationalités). Le contrôle aérien grec a décrit les dernières minutes du vol,air-journal_Egyptair crash MS804 Flightradar entré dans son espace à 2h24 locale : à 2h48, l’appareil est transféré au contrôle aérien grec, le pilote « de bonne humeur disant merci en grec ». A 3h27, le contrôle aérien grec tente de contacter l’avion pour préciser des informations de communication avec le contrôle aérien égyptien, mais plusieurs tentatives restent sans réponse y compris sur la fréquence de détresse. A 3h29, l’A320 franchit la limite entre les deux espaces aériens, et 40 secondes plus tard il disparait des écrans radar, 7 miles à l’intérieur de l’espace aérien égyptien et non loin de l’île grecque de Karpathos. Contactée, l’armée de l’air grecque ne trouve pas trace du vol MS804 sur ses propres radars. L’alerte est donnée à 3h45, et les recherches sont lancées. Selon le ministre grec de la défense, l’A320 a effectué un virage à 90° sur la gauche, puis un tout complet sur la droite avant de plonger de 37.000 pieds à 15.000 pieds, disparaissant ensuite des écrans radar militaire. [caption id="attachment_160432" align="alignleft" width="160"]@Lentokonefani @Lentokonefani[/caption] L’Airbus A320 SU-GCC, livré neuf à Egyptair en novembre 2003, avait à ses commandes un commandant de bord Mohamed Said Shoukair ayant accumulé 6275 heures de vol, dont 2101 en A320, tandis que son copilote Mohamed Mamdouh Ahmed Assem avait 2766 heures de vol à son actif. La météo était bonne, et la compagnie assure que les visites de maintenance n’ont décelé aucun problème ; aucune matière dangereuse ne figure dans la liste du fret embarqué. Des navires civils se trouvant dans la zone suspectés ont été mis immédiatement à contribution alors que l’Egypte déployait des moyens marins et aériens pour tenter de retrouver la trace de l’A320 d’Egyptair, la Grèce et la France venant lui prêter main forte (un Falcon 50 de la Marine nationale est envoyé sur zone), et l’US NAvy envoyant un P-8 Orion sur zone. La découverte annoncée en Grèce de débris et de gilets de sauvetage 370 km au sud de la Crête a été démentie dans la nuit par Egyptair : ils ne proviennent pas de l’avion disparu. Aux Etats-Unis, des sources militaires expliquent n’avoir enregistré aucun signe d’explosion après un examen préliminaire de l’imagerie satellitaire. L’enquête officielle sera menée par les autorités égyptiennes avec l’aide de la France (point de départ du vol), d’Airbus et des Etats-Unis (moteurs V2500 de l’A320, fabriqués par IAE qui inclut Pratt & Whitney). Les hypothèses : air-journal_Daallo Airlines explosion degats2La déclaration du ministre égyptien de l’aviation civile Chérif Fathy, sur la probabilité d’une attaque terroriste plus forte que celle d’une panne technique (il a ajouté ne pas vouloir tirer de conclusions hâtives), a surpris par sa rapidité, surtout quand on se souvient du temps mis par l’Egypte pour accepter la possibilité que le crash de Metrojet en octobre dernier était dû à un attentat (224 morts). Mais cette déclaration rejoint celle de l’ancien directeur du Bureau d'Enquêtes et Analyses français (BEA) Jean-Paul Troadec, qui expliquait hier sur Europe 1 que si l'équipage n'a pas envoyé de message d'alerte, « c'est que l'événement a été très, très brutal », avant d’admettre que l’ont peut « penser effectivement à un attentat ».  La possibilité d’une bombe cachée à bord a été la première évoquée, l’A320 ayant volé vers Tunis et Asmara (Erythrée), et bien sûr vers et depuis Le Caire, avant d’être déployé sur le vol MS804. A l'aéroport de Roissy, la Gendarmerie du Transport Aérien enquête sur les conditions d’embarquement de passagers ou de fret à bord du vol MS804, y compris sur l’identité des personnes effectuant les contrôles. La liste des passagers a également fait l’objet d’une attention particulière, a priori sans révéler quoique ce soit de suspect. On pense aussi à l’explosion survenue en février en Somalie lors d’un vol de Daallo Airlines peu après son décollage de Mogadiscio, la déchirure du fuselage n’empêchant toutefois pas l’A321 d’atterrir (un seul mort, le porteur de la bombe). air-journal_BEA-AH5017-Air-Algerie-crashLa possibilité d’une panne technique, éventuellement suivie d’erreurs humaines dans la gestion de l’incident, est elle aussi évoquée en référence au crash d’Air Algérie le 24 juillet 2014. Le vol AH5017 entre Ouagadougou et Alger, opéré par un McDonnell Douglas MD83 affrété à Swiftair était dû à la non-activation du système de givrage par les pilotes selon le rapport final du BEA ; les pilotes ne seraient pas non plus aperçus à temps du phénomène de décrochage, et n'auraient pas effectué les manœuvres appropriées à la situation. Cette évocation a immédiatement conduit le Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL France ALPA) et ses homologues internationaux à insister sur « la nécessité d'éviter toute spéculation quant à ce qui a pu survenir à bord de l’appareil (…). Il rappelle que l’objectif permanent de la communauté internationale des pilotes de ligne est de faire toute la lumière sur les causes et les circonstances d’un tel événement, au travers de la rigueur de l’enquête technique, et de mettre en œuvre les solutions permettant qu’un tel drame ne puisse pas se reproduire ». Parmi les pannes possibles, l’explosion d’un moteur, ou la décompression non contenue (due à un problème de fatigue des matériaux ou à une explosion) telle que déjà vécue à de nombreuses reprises – avec des conséquences plus ou moins graves. Les scénarios du suicide d’un des pilotes ou de la tentative de détournement ne sont bien sûr pas à exclure, le premier ayant été validé récemment par le crash de Germanwings en mars 2015 (150 morts) et poussant le BEA à demander dans son rapport final des contrôles médicaux accrus pour les pilotes. Et la compagnie de Star Alliance avait justement subi le 29 mars dernier un détournement d’avion, le pirate de l’air voulant se rendre à Chypre où son ex-femme résidait ; il n’y a avait pas eu de blessés. Mais toutes ces hypothèses ne pourront être validées de façon certaine qu’une fois les enregistreurs de vol retrouvés – une tâche qui s’annonce compliquée, avec des fonds de 2000 mètres dans la zone de disparition. Et la disparition de l’avion a relancé la polémique sur les délais pris par l’OACI pour contraindre les compagnies aériennes à mettre en œuvre des solutions de suivi en temps réel : ce qui était présenté par l’OACI comme une priorité après la disparition du vol MH370 de Malaysia Airlines en mars 2014, n’est toujours pas là. L’envoi de données de vol simples toutes les minutes par des avions « en situation de détresse » ne sera obligatoire dans les avions de plus de 27 tonnes qu’à partir du 1er janvier 2021. Un délai résumé cyniquement par le consultant Michael Denis dans RunwayGirlNetwork : « ce n’est pas un problème d’argent, de technologie ou de procédure, mais de volonté : la télévision en direct ou internet vendent des sièges, pas le suivi de l’avion ». Selon lui, il existerait d’ailleurs une règle non écrite entre les compagnies : ne pas utiliser la sécurité pour se faire concurrence… Le dernier crash mortel d’Egyptair remonte à mai 2002, quand un Boeing 737-500 reliant Le Caire à Tunis s’est écrasé peu avant son atterrissage par mauvais temps, tuant 14 des 64 occupants de l’avion. La plus grande catastrophe de son histoire reste le vol MS990 du 31 octobre 1999, quand son 767 reliant New York au Caire a disparu dans l’Atlantique, entrainant la mort de 217 personnes ; la version officielle « probable » du suicide du copilote a toujours été démentie par Egyptair.