En lançant des vols à bas prix en novembre prochain au départ de Cologne vers Varadero, Punta Cana, Puerto Plata, Dubaï and Bangkok et Phuket, Eurowings, filiale du groupe allemand Lufthansa, compte clairement développer le secteur du low cost en long-courrier. Tous les acteurs de l’aérien, en premier les compagnies aériennes régulières, vont observer les opérations d’Eurowings avec cette question : le low cost long-courrier, est-ce viable ? Le secteur low cost en court-courrier a fait ses preuves en Europe, avec easyJet, Ryanair, Vueling, etc. ; et Air France-KLM et Lufthansa ont suivi le mouvement avec leur propre filiale low cost, respectivement Transavia et Germanwings. Le low cost court-courrier dépend de critères précis. L'aéroport où opère la low cost doit être très bon marché (et parfois la région qui héberge l’aéroport accorde des subventions). Une compagnie low cost ne supporte pas le vrai prix d'exploitation de ses vols, en tout cas pas le même prix qu'elle supporterait dans un aéroport majeur. Son personnel navigant et technique coûte moins cher et travaille beaucoup plus par rapport à celui d’une compagnie régulière. Enfin, elle maintient une flotte homogène d’avions (uniquement des Boeing 737 pour Ryanair) pour optimiser le coût d’exploitation et de maintenance. Le tout repose sur des liaisons d'une durée de moins de quatre heures. Pourquoi ? Toujours pour optimiser le coût d’exploitation, en l’occurrence celui du personnel et la rotation des avions. Plus le vol est court, plus la low cost peut opérer de vols dans la journée. Plus elle fait voler son personnel et ses avions, elle crée un écart de rentabilité par rapport à une compagnie régulière qui est beaucoup plus rigide dans ses modes de fonctionnement. Ces critères sont-ils applicables sur le long-courrier ? « Le low cost long-courrier est un phénomène qui nous vient des compagnies asiatiques, compte tenu de l'immensité de la région Asie-Pacifique, par une grande demande des Asiatiques pour aller en Australie à bas coût », rappelle Fabrice Dariot, patron de l’agence de voyage en ligne Bourse des Vols. « Le low cost asiatique, qu'est ce qu'il nous apprend ? Déjà, il cherche à reproduire le modèle du low cost court-courrier, c'est -à-dire 60% d'écart du prix des billets. En long courrier, est ce que c'est possible ? Selon l'exemple asiatique, ce sera plus dur : les low cost asiatiques n'arrivent pas à proposer plus de 30% d'écart de prix par rapport aux compagnies régulières ». En Europe, les exemples de liaisons low cost en long-courrier sont, à ce jour, peu nombreux (Norwegian propose des vols transatlantiques au départ de Scandinavie, Condor vers Cuba et le Brésil au départ d’Allemagne). Si Eurowings est bien partie pour lancer à la fin de l’année son programme international à des prix low cost (à partir de 99,99 euros l’aller simple Cologne-Dubaï, 199,99 euros pour Bangkok et Phuket, et 229,99 euros pour Varadero, Puerto Plata et Punta Cana), la low cost Ryanair, qui promettait auparavant haut et fort un vol transatlantique à partir de 14 euros, a fait volte-face. Elle a annoncé, la semaine dernière, que son conseil d’administration « n’a pas pris en considération ni approuvé un quelconque projet transatlantique », et qu’il n’a « pas l’intention de le faire » - sans autre précision. Si Ryanair, première compagnie low cost européenne, renonce ou hésite, c’est qu’il y a bien un risque de rentabilité ? « Les plans de cabine sont extrêmement denses, il faut voir si les passagers peuvent tenir sans excès d'agressivité sur un vol transatlantique ou un vol de plus de dix heures vers la Thaïlande », commente Fabrice Dariot. Et d’ajouter : « Reste encore des inconnus, comme le prix du kérosène… » De son point de vue de voyagiste, Fabrice Dariot est favorable au développement du long-courrier à bas prix : « Du fait que les compagnies régulières pratiquent la commission zéro, nous accueillerons à bras ouvert les low cost long-courriers puisque de toute façon elles ne nous paieront ni moins bien ni mieux que les autres, elles nous paieront pareil ». Il est vrai que depuis que les compagnies régulières ont adopté la « commission zéro », comprendre elles ne versent plus de commission pour la vente de billets aux voyagistes, elles ont perdu la sympathie du réseau de distribution.