Près des deux tiers des Boeing 737 MAX en service dans le monde sont désormais cloués au sol, l’Europe, l’Inde, les Emirats Arabes Unis ou l’Australie entre autres ayant rejoint la liste des espaces aériens fermés au monocouloir remotorisé suite au crash d’Ethiopian Airlines dimanche. Aux Etats-Unis, la FAA maintient sa confiance dans l’appareil en attendant les premiers résultats de l’enquête.

Aucune nouvelle n’a fuité mardi sur le contenu des deux enregistreurs de vol du 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines qui opérait le 10 mars 2019 le vol ET302 entre sa base à Addis Abeba-Bole et l’aéroport de Nairobi-Jomo Kenyatta, et s’est écrasé peu après son décollage, entrainant la mort des 157 personnes à bord. Le CEO Tewolde Gebremariam a déclaré hier que les deux boîtes noires seront envoyées « à l’étranger » sans préciser où, l’Ethiopie n’ayant « pas les capacités techniques » pour les analyser. Interrogé par CNN, il a dit ne pas savoir quels étaient les « difficultés avec les commandes » dont les pilotes du vol fatal avaient fait état lors de leur demande de demi-tour ; mais il a reconnu les similitudes « substantielles » avec l’autre accident ayant impliqué un 737 MAX 8, celui de Lion Air en Indonésie en octobre dernier : « ce sont dans les deux cas le même modèle d’avion, des avions tout neufs, et des vols très courts », a-t-il déclaré, « le fait que de nombreux autres pays mettent également en garde à propos de l’avion montre qu’il existe des similitudes très importantes entre les deux accidents ». Le dirigeant a ajouté que les pilotes du MAX 8 d’Ethiopian Airlines avaient reçu une formation spécifique sur « le système MCAS et le contrôle de vol en général ».

Ces deux crashes en cinq mois d’un 737 MAX 8 ont déclenché une vague d’interdiction de vol dans la plupart des régions du monde : après la Chine et l’Indonésie lundi, les espaces aériens de l’Union européenne, du Royaume Uni, des Emirats Arabes Unis, du sultanat d’Oman, de l’Inde, de la Malaisie, de Singapour, de Corée du Sud, de Mongolie, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande et de Fidji ont été fermés au monocouloir remotorisé américain. En France, « compte tenu des circonstances de l’accident survenu en Ethiopie » la DGAC a décidé « à titre conservatoire d’interdire tout vol commercial effectué sur un Boeing 737 MAX à destination, au départ ou survolant le territoire français » ; l’autorité de l’aviation civile rappelle qu’aucune compagnie aérienne française n’utilise cet appareil. Le communiqué de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) est similaire, spécifiant que depuis mardi 19h00GMT les MAX 8 et MAX 9 quels que soient les opérateurs sont interdits dans le ciel communautaire. Ce qui affecte désormais les opérations de la low cost Norwegian Air Shuttle, de TUI fly, Air Italy, LOT Polish Airlines, Enter Air mais aussi Icelandair.

En dehors de l’Europe, Turkish Airlines, Aerolineas Argentinas, Flydubai, S7 Airlines et Fiji Airways ont rejoint la liste des opérateurs ayant immobilisé leurs monocouloirs remotorisés américains. Selon Flightglobal, 371 Boeing 737 MAX 8 et MAX 9 étaient entrés en service le 11 mars chez 54 opérateurs de par le monde. De nombreux vols en 737 MAX ont été déroutés hier suite aux décisions prises par les différentes autorités de l’aviation civile. Le Japon et la Thaïlande entre autres disent attendre une décision de la FAA.

Avis de tempête pour le Boeing 737 MAX 1 Air JournalAux Etats-Unis en revanche, rien n’a changé mardi. La FAA a de nouveau maintenu sa confiance dans les 737 MAX, répétant que seuls des éléments tangibles de l’enquête sur le crash d’Ethiopian Airlines pourrait l’amener à réviser sa position. « Jusque là, rien ne montre des problèmes systémiques et nous n’avons aucune raison d’ordonner l’immobilisation de ces avions », a précisé un communiqué. Boeing a de son coté déclaré que son PDG Dennis Muilenburg avait parlé au président Donald Trump pour exprimer « sa confiance en la sécurité du 737 Max », après un tweet de ce dernier mettant en cause la complexité des avions modernes (il avait dirigé la compagnie aérienne Trump Shuttle entre 1989 et 1992). On rappellera au passage que le secrétaire américain à la défense par intérim Patrick Shanahan avait travaillé 31 ans chez Boeing (en particulier sur le programme 787) avant de rejoindre le Pentagone, et que l’ex-représentante des USA aux Nations Unies Nikki Haley vient d’être nommée au Conseil d’administration de Boeing. Dont l’action a perdu plus de 11% en deux jours, le pire recul en près d’une décennie.

Du coup American Airlines, United Airlines et Southwest Airlines continuent de déployer leurs 72 737 MAX, mais pas sans problème : des syndicats de PNC américains racontent la nervosité des passagers et demandent aux compagnies aériennes de suspendre les vols en 737 MAX, tandis que cinq sénateurs Républicains et Démocrates viennent de demander l’ouverture d’une enquête.

Le Canada aussi autorise toujours les vols en 737 MAX, même si le ministre des Transports annonce une conférence de presse sur le sujet ce mercredi (18 ressortissants ont trouvé la mort dans l’accident de dimanche) : « tous les faits et preuves sont en train d’être analysés en temps réel et nous évaluons les actions potentielles », a déclaré hier Marc Gateau, ajoutant qu’il est « important de ne pas sauter aux conclusions, de ne pas se laisser influencer par les émotions, mais de regarder clairement tous les faits, de recueillir toute l’information, de faire toutes les consultations nécessaires ». Air Canada opère 24 737 MAX, WestJet 13 et Sunwing 4. L’Association des pilotes d’Air Canada, qui représente 4000 membres, a appelé le ministre à « prendre des mesures proactives pour assurer la sécurité du public voyageur canadien » réclamait que les hôtesses de l’air et steward souhaitant ne pas travailler à bord des 737 MAX puissent être réaffectés. Seule la compagnie nationale a été affectée par les fermetures d’espaces aériens, des vols vers Londres au départ de Halifax et Saint-Jean et un Martinique – Montréal étant annulés hier (dans ce dernier cas, les 161 passagers affectés devraient être transportés ce mercredi par Air Canada Rouge).

Une possible conséquence économique pour le Boeing 737 MAX a été rapportée hier par Bloomberg : Lion Air, dont un MAX 8 s’était écrasé le 31 octobre dernier, a confirmé via son directeur Daniel Putut le report sine die des quatre livraisons prévues cette année. Et son président Rusdi Kirana, déjà énervé par les accusations de Boeing sur des problèmes de maintenance et des erreurs de pilotage, serait plus que jamais prêt à annuler les commandes en cours (186 MAX 8 et MAX 9, 50 MAX 10). Une source de l’agence affirme que la low cost indonésienne « étudie les monocouloirs d’Airbus, en particulier l’A321neo ». Boeing n’a pas réagi, et la possibilité de l’annulation de cette commande géante est évidemment bien plus compliquée qu’un simple coup de tête pour la compagnie aérienne qui opère déjà dix MAX 8, 38 737-800 et 66 737-900ER

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