Un pilote de la compagnie aérienne low cost easyJet a déposé plainte contre X suite à des arrêts de travail à répétition causés selon lui par un syndrome aérotoxique lié à la mauvaise qualité de l’air circulant dans les avions. Interrogé par le JDD le 16 octobre 2016, le commandant de bord de 53 ans Eric B. se plaint depuis sept ans de maux à répétition tels que « nausées,  fatigue, gastro-entérites ou hyperventilation », qu’il croit dus à l’air vicié circulant dans les avions de la spécialiste britannique du vol pas cher, où il travaille depuis 2002. Les arrêts maladie s’enchainent depuis 2009, et il y a quatre ans l’état de santé d’Eric B. se dégrade « en même temps que les relations avec easyJet », note le JDD. En juin l’année dernière, le pilote reçoit une inaptitude médicale temporaire qui le cloue au sol. Ses recherches l’amènent à constater que d’autres pilotes souffrent de maux similaires, des collectifs ayant été créés depuis une dizaine d’années en Grande Bretagne mais aussi en Allemagne ou en Australie (le nom « syndrome aérotoxique » est né de leurs réunions). Et l’autopsie d’un pilote de British Airways, Richard Westgate, mort à 43 ans en 2012, a conclu à une dégénérescence du système nerveux. Se décrivant comme « empoisonné à petit feu », Eric B. a donc décidé de porter plainte contre X lundi pour « atteintes involontaires à l'intégrité physique, mise en danger de la vie d'autrui et tromperie sur la qualité de l'air ». Le syndrome aérotoxique serait lié à la façon dont l’air est traité dans les avions : en vol, l’air prélevé à l’extérieur passe dans les compresseurs des moteurs avant d'être diffusé en cabine. La moindre fuite d’huile de moteur « contenant des substances toxiques comme le phosphate de tricrésyle (TCP) » et chauffée à haute température, pourrait alors provoquer un dégagement de toxines invisibles, se manifestant par « une odeur de chaussettes sales ou de chien mouillé » selon les explications du pilote. Qui rappelle que le port de masque et le changement d’alimentation en air n’est déclenché qu’en cas de fumée à bord. air-journal_easyJet A320 sol 250eDans un courriel envoyé à Air-Journal, easyJet dit avoir « été informée de la volonté de l’un de ses pilotes de la base de Nice d’entamer des procédures légales (...) et prend au sérieux toutes les questions et préoccupations de ses équipages liées à la santé. La santé et le bien-être de nos équipages et de nos passagers sont la plus grande priorité de la compagnie ». Une porte-parole de la low cost avait déjà expliqué au JDD que la flotte de la low cost « est l'une des plus modernes au monde et nos avions sont conformes aux normes en matière de qualité et de conditionnement de l’air. Nous sommes engagés auprès des autorités et nous avons proposé de collaborer avec la CAA [Civil Aviation Authority] et l'EASA au sujet de la qualité de l'air en cabine. Nous sommes partisans d'une collaboration avec d'autres compagnies aériennes, constructeurs et secteurs industriels afin de mener des études plus approfondies à ce sujet ». Une réunion du CHSCT d’easyJet est prévue selon le JDD jeudi à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, le médecin de la compagnie devant rencontrer les représentants du personnel. Le JDD a aussi interrogé Airbus à ce sujet (easyJet opère uniquement des A319 et A320), un porte-parole lui confirmant que la gestion de l’air dans les avions dépend de règles imposées par les autorités de l’aviation civile en Europe comme aux USA ; il précise que l'air de la cabine « est renouvelé toutes les deux à trois minutes », et ajoute « qu’aucune analyse en notre possession ne permet de mettre en évidence de tels problèmes ». Même son de cloche chez Air France, selon qui « il n'y a aucun argument pour dire qu'il existe un risque d'intoxication chronique ». Même si l’étude de l’Ineris en décembre dernier, citée par la compagnie française et évoquant des niveaux de concentration « nuls ou proches de zéro », ne concerne que le fonctionnement normal d’un avion – alors que le syndrome aérotoxique n’apparaitrait que suite à des anomalies. Le JDD rappelle que le CHSCT d’Air France avait justement lancé une enquête sur la qualité de l’air – en 2009. Après des années d’obstruction juridique de la compagnie, l’analyse a finalement été autorisée par Air France, « sur un seul vol entre Paris et la Martinique » : publié en mars, le rapport n’a selon le journal « pas écarté le risque d'un accident aigu (ayant des conséquences directes sur la santé des personnels et la sécurité des passagers) et de pathologies invalidantes », sans toutefois établir de lien de causalité entre le mal des navigants et la toxicité de l'air de la cabine.