La question posée au Paris Air Forum a obtenu des réponses diverses de la part des participants, dont les dirigeants de la FNAM et des compagnies aériennes Corsair, French bee et ASL Airlines, l’incertitude régnant face à l’impact à long terme de la pandémie de Covid-19. L’aide publique apportée à Air France a en particulier été attaquée.

Au quatrième jour de l’évènement le 23 novembre 2023, le sujet de l’avenir du transport aérien face à la crise sanitaire a quitté les thèmes de l’environnement, l’aéronautique, la 5G ou les perspectives mondiales pour se concentrer sur l’avenir du pavillon français (voir vidéo plus bas). Alain Battisti, Président de la FNAM (Fédération nationale de l’aviation marchande) et de Chalair Aviation, a souligné que la 1ère et la 2nde vagues ont conduit à la fermeture des aéroports, au quasi-arrêt du trafic aérien depuis mars 2020, générant des pertes considérables pour le secteur et des conséquences importantes sur l’emploi malgré les aides de l’État. Les différents scénarios de reprise sont très compliqués à prévoir bien que l’arrivée d’un vaccin soit annoncée d’ici à la fin d’année 2020. Une harmonisation des processus sanitaires et règlementaires sera nécessaire au niveau européen voire mondial, a-t-il ajouté. « La perception du voyageur, les habitudes de voyages pourraient être modifiées mais nous ne pouvons pas encore le prévoir. Les entreprises et leurs voyageurs ‘corporate’, qui réservent principalement les classes avant des avions, n’ont pas encore de schéma préétabli car la majorité interdit encore les réunions en présentiel. C’est de ces variantes que les différents scénarios de reprise vont être imaginés. La clé de la reprise sera la confiance durable ».

Une certitude a au moins réuni deux des participants : l’aide publique apportée à Air France, de 7 milliards en attendant plus, est démesurée par rapport à celle reçue par les autres transporteurs du pays. Selon Jean-François Dominiak, PDG d’ASL Airlines et président du SCARA (Syndicat des compagnies aériennes autonomes), c’est un « problème d’équité » : le transport aérien, « ce n’est pas que le groupe Air France, il y a une multitude d’entreprises dont certaines n’ont pas obtenu de prêts garantis par l’État ». Il rappelle avoir dès le mois d’avril demandé la création d’un fonds d’un milliard d’euros pour les compagnies autres que celles du groupe AF, après avoir publié une liste de propositions  incluant un moratoire de douze mois sur la totalité du coût des infrastructures de navigation aérienne et aéroportuaires, et sur les taxes Chirac ou « écologique » (le SCARA demandait aussi  l’arrêt des privatisations d’aéroport). En aidant la seule compagnie nationale, l’État « crée fatalement des distorsions de concurrence. L’État va dire qu’il est actionnaire d’Air France, mais c’est un actionnaire particulier qui a de l’argent public. Ça pose un réel souci d’équité », a expliqué Jean-François Dominiak.

Paris Air Forum : quel avenir pour le pavillon français ? 1 Air Journal

Marc Rochet, Président du directoire d’Air Caraïbes et de la low cost French Bee, a été plus tranchant dans la dénonciation de l’aide à Air France : « quand vous regardez les chiffres avancés aujourd’hui dont Air France a besoin, nous sommes sur des montants colossaux, qui représentent en gros, de manière arrondie, 200.000 euros par salarié ! ». Il y a « quelque chose d’inconcevable » dans la disparité avec le traitement réservé aux petites entreprises, alors que « s’il y avait eu un plan global d’aides au transport aérien sur des bases équitables, cela m’aurait semblé de nature à pouvoir consolider la présence du pavillon français et à se projeter dans l’avenir ». Mais il ajoute que les mesures de réduction de coûts annoncées par Air France (suppression de postes, compétitivité etc.) « me laissent confiant dans l’avenir d’Air Caraïbes et de French Bee » : « si on ne fait que donner de l’oxygène aux patients, oui ça lui permet de survivre un peu plus, mais cela ne lui permettra certainement pas d’être un marathonien après-demain ».

Chez Corsair International, désormais assurée d’un soutien de l’Etat, le PDG Pascal de Izaguirre a préféré se concentrer sur les mesures de « restructuration profondes » indispensables dans chaque compagnies aériennes : ses 1200 salariés en particulier « ont compris que s’ils ne faisaient pas d’efforts pour améliorer la compétitivité structurelle de la compagnie, on n’avait aucune chance d’attirer des investisseurs ». Avec pour conséquence la dénonciation de la totalité des accords collectifs existants pour les pilotes et les personnels navigants commerciaux (134 accords et usages) « que nous avons remplacés par un seul accord de substitution pour les pilotes et les PNC. Nous avons signé des accords avec les trois catégories de personnels. En plus de cela, les effectifs vont diminuer après la signature d’une rupture conventionnelle collective avec les PNC, l’escale d’Orly et de la supervision des vols dans les DOM ont été externalisés et nous préparons d’autres mesures », a-t-il rappelé lundi.

Les dirigeants de la FNAM et de French bee se sont retrouvés sur un point : passer la crise sanitaire implique une simplification de la réglementation. La réduction des coûts en interne et les aides sont essentielles, mais en Europe « tous les grands groupes ont massivement cloué au sol leurs avions, fermé des filiales… » : ce travail sur les coûts « peut paraître limitatif, en France malheureusement, comme on n’a pas le courage d’engager la simplification de la réglementation, et que l’on a du mal à prendre des décisions qui seront mal interprétées politiquement ou socialement, on est en train de prendre du retard », explique Alain Battisti. Rappelant qu’au moins, « il n’y aura pas d’écotaxe avant un retour à la normale », comme l’avait annoncé la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili…

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