Jean-Louis Baroux est l’auteur de  « Compagnies aériennes- La faillite du modèle », aux éditions de l’Archipel, un livre très critique envers les compagnies traditionnelles. Il livre ici son avis sur l'avenir du transport aérien, en s'appuyant sur des exemples américains, sur Ryanair, les grèves des aiguilleurs du ciel... Air Journal / Quel est l’avenir des compagnies européennes en Europe ? Jean-Louis Baroux / L’avenir du transport aérien est assuré avec 5 % de croissance par an mais les compagnies européennes ne sont pas toutes en bonne santé. Beaucoup de compagnies ont déposé le bilan dans un passé plus ou moins proche Swiss, Alitalia ou TWA, JAL ou Mexicana dans le monde. En Europe, on se refuse à le voir. Si elles veulent survivre, et puisque je ne pense pas qu’elles pourront baisser leurs prix, il faudra qu’elles relèvent la qualité de leurs services. A. J. / Et qu’en est-il aux Etats-Unis ? J-L. B. / Les compagnies américaines ont pris de plein fouet l’arrivée des low cost. Sur leurs 10 premières compagnies traditionnelles, 8 sont passées par le chapitre 11 de la loi sur les faillites, ce qui leur a permis de continuer tout en s’efforçant de se restructurer. Elles ont dû se résoudre à baisser drastiquement leur coût de main d’œuvre, de l’ordre de 30 %. Aujourd’hui, les grandes compagnies américaines ont un prix siège/mile qui est inférieur à celui de la low cost Southwest Airlines. En revanche, la qualité des services est déplorable chez ces transporteurs américains. Ainsi, le service fourni par la low cost Southwest Airlines est largement aussi compétitif que celui de United Airlines ou Continental Airlines. Et paradoxalement, certains produits vendus à bord des low cost que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs, sont de meilleure qualité, tout simplement parce s’ils ne sont pas bons, ils ne seront pas vendus. A. J. / Certaines low cost comme Norwegian en 2011 veulent se lancer dans les vols long-courriers. Croyez-vous que cela est viable ? J-L. B. / Oui certainement. Il y a aussi Air Asia qui devrait opérer des vols vers Paris ou XL Airways qui n’est pas loin d’être une low cost. Mais il y a des limites, car une low cost a besoin de faire de la publicité pour se faire connaître. Et ces investissements sont considérables. A. J. / Pour revenir à l’actualité et aux récentes grèves des aiguilleurs du ciel, quelle est votre opinion sur le sujet ? J-L. B. / Je suis affligé par leur réaction. Les Américains ont eu à faire face à des situations similaires. Le président Reagan a tranché dans le vif. Le 3 août 1981, le principal syndicat de contrôleurs américains, PATCO, déclenche la grève. Celle-ci est jugée illégale et Ronald Reagan donne 48 heures aux grévistes pour reprendre le travail, faute de quoi ils seraient exclus de la fonction publique, en clair, licenciés. Deux jours plus tard, seuls 10 % des contrôleurs avaient repris le travail. Ronald Reagan a immédiatement licencié les 11 359 grévistes restants, prenant le risque d’une désorganisation presque totale du transport aérien, ce qui n’a pas manqué de se produire. Pendant près de six mois, le trafic a été considérablement  diminué, les cadres et les militaires ont pris le relais des contrôleurs licenciés pendant que l’on formait de nouveaux contrôleurs à vitesse accélérée. Depuis les choses sont rentrées dans l’ordre et … on n’a plus jamais entendu parler de grève aux Etats-Unis. (passage du livre avec l’autorisation de l’auteur : n.d.l.r.) A. J. / Que pensez-vous de Michael O’Leary et de son idée de faire voyager les gens debout ? J-L. B. / Je pense que Michael O’Leary est un gestionnaire hors pair et surtout, il faut qu’il continue. Les passagers debout avec des conditions de sécurité suffisantes, ce n’était pas si idiot que cela, et du coup, des fabricants se sont mis eux aussi à sortir des sièges semi-debout avec le niveau de sécurité requis. A. J. / Avec votre livre, vous tapez du pied dans la ruche de beaucoup de compagnies aériennes. N’avez-vous pas eu de remarques désobligeantes de la part de leurs dirigeants ? J-L. B. / Non, je suppose qu’ils n’ont pas lu mon livre. (rires) . Plus sérieusement, cela fait quarante ans que je suis dans le milieu du transport aérien. J’ai créé en 1991 le Cannes Airlines Forum et je préside aujourd’hui APG Global, un réseau mondial de compagnies aériennes. Nous sommes présents dans 150 pays. Cela me donne donc une certaine légitimité de parler du transport aérien. Et puis tout ce que je dis, c’est du pur bon sens.