Publié le 1 juin 2024 à 00h03
Rétrospective 2011 : l’AF447 révèle ses boîtes noires
Publié le 31 décembre 2011 à 12h00 par Joël Ricci
@BEA
2011 aura incontestablement été une année riche en nouvelles révélations ainsi qu’en crispations avec la découverte des boîtes noires ou la publication de rapports d’étapes par le Bureau d’Etudes et d’Analyses (BEA).
La disparition mystérieuse de l’Airbus A330-200 d’Air France le 1er juin 2009 fera encore couler beaucoup d'encre en 2012 tant ce crash au sein d'une compagnie major aussi prestigieuse paraît sidérant. Nombre d’experts et notamment ceux du BEA relevaient dès mi 2009 que la défaillance des sondes Pitot, en indiquant des vitesses de vol erronées, avait sans doute participé à l’accident –on le sait dès le début grâce aux messages aéronautiques ACARS. Cependant, cette défaillance ne peut expliquer à elle seule le crash, maintiendra toujours le BEA. Si bien que pendant plus de deux ans, le crash du vol Rio-Paris reste l’un des crashs les plus mystérieux de l’aviation civile avec des hypothèses toutes invérifiables tant que les boîtes noires de l’appareil restaient cachées au fond de l’océan.
Découverte des boîtes noires
Les 1er et 2 mai 2011, les boîtes noires, reprenant les enregistrements de pilotes dans le cockpit ainsi que les données de vol, sont retrouvées après deux ans passées par 4 000 mètres de fond. Deux mois plus tôt, Air France et Airbus ont été mis en examen pour homicide involontaire par la juge Zimmerman, chargée de l’enquête judiciaire. Les premiers éléments factuels issus des boîtes noires sont dévoilés fin mai. On y apprend que des alarmes de décrochage ont retenti à plusieurs reprises dans le cockpit, que le commandant de bord s’était absenté pour se reposer quelques minutes avant le crash, que l’action de l’un des pilotes a été « majoritairement de cabrer », que les moteurs ont toujours fonctionné et que l’avion est resté en situation de décrochage pendant 4 minutes environ avant de s’écraser dans l’Atlantique.
Le 3è rapport d’étapes du BEA
Il faudra attendre le 29 juillet 2011 le 3è rapport d’étapes du BEA pour en apprendre davantage et alors que la polémique enfle à propos de la responsabilité des pilotes d’Air France. Ce 3è rapport ne fera qu’accentuer le sentiment accusatoire envers les pilotes, déclenchant en contrepartie une levée de boucliers de la part des syndicats de pilotes ou des familles de victime. Nouveau paroxysme dans le feuilleton AF447 quand on apprend que des recommandations sur les alarmes de décrochage ont été retirées de ce rapport, le Syndicat national des pilotes (SNPL) parle d’une « instruction à charge contre l’équipage » et d’un BEA « discrédité ». Les familles de victime réclament quant à elles l’audition par la justice de ce même BEA, l’accusant à leur tour de partialité.
Le livre de Jean-Pierre Otelli
Enfin, après la parution de « Erreurs de pilotage – Crash Rio-Paris » aux Editions Altipresse, un livre de Jean-Pierre Otelli, pilote professionnel et expert aéronautique, les pilotes du SNPL porteront plainte pour « l’exploitation mercantile des discussions personnelles et des derniers instants ». De son côté, le BEA « condamne fermement la divulgation littérale de l’enregistrement phonique dans le cockpit ».
Ce livre qui reprend les discussions quelquefois sur le fil de l’ordre privé des pilotes, voire de celle d’une hôtesse de l’air, quelque deux heures avant le crash permet cependant à leur lecture de se rendre compte à quel point les pilotes, de plus en plus stressés par la situation, n’ont pas su interpréter correctement qu’ils étaient en situation de décrochage. Ils ne vont d’ailleurs jamais prononcé ce mot de « décrochage » pendant les 4 minutes que dure la chute.
Le livre insiste aussi à l’instar du BEA sur le fait que le plus jeune des pilotes n’a pas arrêté de cabrer l’appareil, une procédure inverse à ce qu’il fallait réaliser pour sortir du décrochage. Perturbés par des indications erronées dues aux sondes Pitot, aux alarmes de décrochage intempestives et quelquefois contre-productives (75 au total !), les pilotes ne savaient pas toujours si l’avion montait ou descendait alors qu’il se rapprochait à une vitesse vertigineuse de l’océan, certainement en raison du nez haut levé de l’appareil.
Les deux dernières minutes
(Le commandant de bord qui effectuait son repos réglementaire vient de se faire réveiller par les deux co-pilotes. L’avion est déjà en situation de décrochage)
- Je suis en train de descendre là ?, interroge le plus jeune des co-pilotes 2 minutes avant le crash.
- Non, tu montes là. Lui répondra le commandant.
-Là, je monte ? OK, alors on descend, répond-il.
Le plus jeune gardera quasiment toujours les manettes de l’avion, jusqu’au crash, et le commandant de bord, il est vrai tout juste sorti d’un probable réveil, ne reprendra jamais totalement la mesure de ce qui se passe, ni d’ailleurs les manettes de l’appareil.
Etonnant. A moins de 50 secondes de « taper » l’océan, le jeune co-pilote révèlera enfin tout haut qu’il est « à fond à cabrer depuis tout à l’heure ».
Jean-Pierre Otelli décrit la réaction du jeune pilote comme une « faute de débutant » : « plus il tire (sur le joystick pour faire prendre de l’altitude à l’avion n.d.l.r.) et plus l’avion chute… et plus l’avion chute et plus il tire. » A sa plus haute altitude, l’avion était à 38 000 pieds et le jeune co-pilote a beau avoir poussé à leur maximum la puissance des réacteurs (position TOGA), l’A330 avec ses 200 tonnes continuera de descendre irrémédiablement. Le cercle infernal.
Et quelques secondes avant l’impact au niveau de la mer:
Le second co-pilote à 2h14mn et 24 secondes : « Putain, on va taper… C’est pas vrai »
Le plus jeune co-pilote qui ne semble toujours pas très bien comprendre : « Mais qu’est-ce qui se passe ? »
Et silence radio.
La vitesse verticale est alors de 198 km/heure. Les 228 occupants (pour la quasi-totalité en tous les cas) n’ont probablement pas senti qu’ils allaient se crasher, aucune annonce en ce sens de la part des hôtesses à l'intention du cockpit n’ayant été enregistrée dans la boîte noire correspondante.
Rapport final du BEA avant juin 2012
Le BEA doit livrer au plus tard au mois de juin 2012 le rapport final sur le crash du vol Rio-Paris. Et l’instruction judiciaire en cours, qui s’appuiera sur cette expertise, devra s’atteler à attribuer les parts de responsabilité de chacun : fallait-il changer les sondes Pitot sachant qu’outre Air France, d’autres compagnies aériennes comme TAM Brazilian, Air Caraïbes et Qatar Airways avaient déploré les mêmes défaillances, alarmes de décrochage intempestives et contre-indicatives, procédures de pilotage inadaptées en cas de décrochage à haute altitude pour Airbus, formation des pilotes pour Air France, manque d’entraînement, erreurs ou non des pilotes, influence des comportements psychologiques de chacun…
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Ellen HK a commenté :
1 janvier 2012 - 18 h 14 min
Pourquoi s’insurger contre le livre d’Otelli qui ne fait que reprendre et analyser le contenu des boites noires. Ce livre est au contraire passionnant et permet au neophyte de comprendre un minimum ce qui se passe.
Les clients, que je suis ont le droit de se poser des questions sur le professionnalisme des pilotes, choisis, recrutes et formés par Air France.Je choisis de monter dans une voiture quand je connais le conducteur. Il n’en est pas de même dans un avion; Si les clients du 447 avaient pu se douter que les manettes étaient confiées à un debutant , peut-être qu’ils auraient eu le choix de ne pas embarquer et de perdre leur vie.Qt au commandant de bord qui est parti se reposer alors même qu’il savait rentrer dans un zone de turbulence accrue, c’est une attitude négligente inacceptable.J’ai cru avoir lu qu’il en avait le droit, de quoi, de partir quand la situation est dangereuse??Brrr!!
Guilhem a commenté :
2 janvier 2012 - 12 h 27 min
Pourquoi s’insurger contre le livre de JP Otelli ? Pour la bonne et simple raison qu’il s’agit d’une publication illégale de données relatives à un accident dont seul le BEA a autorité à divulguer, sans mentionner le fait qu’une enquête pour homicides involontaires est ouverte.
Avant de vouloir prétendre à s’inquiéter du professionalisme des pilotes d’Air France (je fais référence à vos allégations sans fondements “pilote débutant” / “commandant de bord à l’attitude négligeante”), il serait de bon ton de jeter un simple coup d’oeil au rapport d’étape du BEA, ce qui aurait pu vous éviter ces commentaires inutiles :
-Entre 1 h 59 min 32 et 2 h 01 min 46, le commandant de bord assiste au briefing entre les deux copilotes, au cours duquel le PF dit notamment que « le petit peu de turbulence que tu viens de voir […] on devrait trouver le même devant […]
Le commmandant de bord a quitté le cockpit une fois la croisière entamée et après le briefing conforme à la procédure, comme dans 100% des vols long-courriers qui nécessitent 3 pilotes. Il en a non seulement le droit mais aussi le devoir, afin de ne pas mettre en danger la conduite de l’aéronef par un état de fatigue avancée. Ce sont là des normes IATA et non propres à Air France.
Dernier point: si en tant que néophyte vous avez pu comprendre ce qu’il se passait dans le cockpit de l’AF447 grâce au livre de JP Otelli, ayez l’obligeance de prendre contact avec l’équipe d’experts du BEA en charge de l’enquête.
Thiti a commenté :
2 janvier 2012 - 10 h 49 min
Plusieurs fois, il est question de “jeune pilote” ou “jeune co-pilote” … Le choix des mots par l’auteur ne paraît pas innocent. S’agit-il de leur âge ou de leur ancienneté en tant que pilote ? S’agit-il de leur nombre d’heures de vol ? S’agit-il de pilotes formés ab initio sans autre expérience de base que des heures de simu ? S’agit-il, finalement, d’une remise en cause des modalités de sélection d’Air France ?. Autant de questions qu’induisent cet article et qui se posent d’autant plus que le silence est de rigueur. Ellen HK a raison. Air France est mal classée sur le plan de la sécurité. Un peu de respect à l’égard des passagers s’impose.
Guilhem a commenté :
2 janvier 2012 - 13 h 20 min
# (1) Commandant de Bord
* Nationalité française
* 58 ans
* Entré à la compagnie en 1988
* Qualifié sur Airbus A330/A340 en février 2007
* 11 000 heures de vol dont 1 700 sur Airbus A330/A340
# (2) co-pilote
* Nationalité française
* 32 ans
* Entrés à la compagnie en 2004
* Qualifiés sur Airbus A330/A340 en juin 2008
* 3 000 heures de vol dont 800 sur Airbus A330/A340
# (3) co-pilote
* Nationalité française
* 37 ans
* Entrés à la compagnie en 1999
* Qualifiés sur Airbus A330/A340 en avril 2002
* 6 600 heures de vol dont 2 600 sur Airbus A330/A340
serge a commenté :
4 janvier 2012 - 2 h 02 min
S’il n y avait pas 228 personnes perdues au fond de l’océan on peut prendre des précautions vis a vis des pilotes de la compagnie et d’airbus .
Mais devant un si grand drame il faut aller chercher la vérité même si ça coute.
je n’ai aucun proche dans cet avion mais je pleure 228 personnes perdues au fond de l’océan sans raison .
Je crie ma colère et je dis comment est ce possible que 3 pilotes aux commandes de l’avion personne ne s’est occupé de la POSITION DE L AVION DANS LE CIEL .
et ceci pendant 3 minutes .
un autre point pourquoi l’alarme de décrochage s’arrète quand l’avion est en l’air même sans vitesse alors au contraire il doit augmenter en volume et en intensité .
Enfin je pose une question l’altitude n’est pas indiquée sur ces avions au point de ne pas savoir si on monte ou si on descend .
OU bien y a t’il d’autres raisons…qui échappent aux boites noires c’est possible …
Guilhem a commenté :
4 janvier 2012 - 12 h 03 min
Premièrement, un seul pilote est “au commande” (càd en fonction – PF) et ceci dans tous les avions de ligne.
Deuxièmement, la position de l’avion (incidence, assiette, altitude) est le principal soucis des 3 pilotes dans le cockpit comme le montre le CVR.
Troisièmement, l’alarme de décrochage n’a pas été conçu pour fonctionner dans un domaine de vol aberrant (ici, un A330 passant de la croisière à une position quasi-statique), ce qui constitue un facteur aggravant à la situation, voire contributif à l’accident étant donné que 1) les pilotes ne pouvaient s’en douter et 2) une alarme qui fonctionne par intermittence est par essence douteuse.
serge a commenté :
4 janvier 2012 - 19 h 12 min
Monsieur je vous remercie de votre réponse aussi rapide . votre dernière réponse me donne raison l’alarme est faite pour fonctionner comme elle a fonctionné et alors je pose une quetion simple est’il possible de progammer l’alarme qui fonctionne sans arret du décolage des roues jusqu’au retour a la même position .
enfin j’ai beaucoup de questions tellement ce drame m’a marqué mais le sujet est trop brulant pour aller plus loin…