Le ministre néerlandais des Finances affiche son soutien au patron de la compagnie aérienne KLM Royal Dutch Airlines Pieter Elbers, dont le contrat arrive à échéance en avril mais qui refuse la stratégie du groupe préconisée par Ben Smith.

Le CEO canadien d’Air France-KLM a pratiquement mis en ordre la compagnie française, entre nomination d’Anne Rigail à sa tête, augmentations de salaires, disparition annoncée de Joon – même si le cas de HOP n’est pas encore réglé. Mais il doit désormais faire face à la fronde de KLM, dont les rapports avec le groupe sont tendus depuis qu’elle affiche des résultats financiers supérieurs à sa compagnie-sœur. Lundi, le ministre néerlandais des Finances Wopke Hoekstra a affiché selon le Financial Times un soutien « sans réserve » à Pieter Elbers, qui ne veut pas de Ben Smith au CA de la compagnie basée à l’aéroport d’Amsterdam, ni de sa stratégie pour unifier le groupe et faire parler Air France et KLM d’une seule voix. Les membres de la direction de KLM, évoquant de possibles grèves en cas de départ de M. Elbers, soulignent de leur côté dans une lettre adressée au Conseil d’administration du groupe publiée par Bloomberg que « l’absence de stratégie claire pour AF-KLM et les rôles des compagnies aériennes au sein du groupe ne permettent pas de comprendre comment les décisions unilatérales du nouveau CEO d’AF-KLM contribuent à la nécessaire amélioration du groupe ». Une pétition de soutien à M. Elbers a recueilli près de 18.000 signatures d’employés, histoire d’afficher un peu plus l’attachement des Néerlandais à la quasi-indépendance de la filiale, dont le comité d’entreprise a très publiquement critiqué Ben Smith et Air France en particulier.

Aucune décision concernant la future gouvernance de KLM n’a encore été prise, et aucune des directions ne s’exprime officiellement sur le sujet. Tout le monde ou presque s’accorde pour saluer la volonté de Ben Smith de rapprocher les deux compagnies nationales (et leurs filiales low cost Transavia) comme logique, par exemple sur les commandes d’avions, les alliances ou les programmes de vols – à l’instar de ce qui se passe chez IAG ou dans le groupe Lufthansa. Mais la différence culturelle entre les compagnies française et néerlandaise est toujours là, comme le prouvait un rapport interne à l’automne 2017, après une l’enquête menée par des syndicats des deux pays auprès de cinquante managers : quinze ans de mariage n’y font rien, « une grande méfiance mutuelle » demeure entre les deux compagnies aériennes, qui s’accusent mutuellement de faire passer ses intérêts avant ceux du groupe – au point de mettre en doute la survie de celui-ci. Les Français dénonceraient le « jeu perso », moins attaché au groupe de leurs collègues néerlandais, qui en retour voient en Air France une « bombe à retardement » au sein d’une économie en laquelle ils n’ont aucune confiance.

Provoquer une crise chez KLM alors qu’Air France commence à s’en sortir ne servira pas, en tout cas à court terme, le groupe qui présentera ses résultats annuels la semaine prochaine (le prochain conseil d’administration est programmé en mai). Le ministre néerlandais des Finances a rencontré son homologue français Bruno Le Maire hier à Bruxelles, pour peut-être imposer un compromis à Ben Smith et Pieter Elbers.

Air France-KLM : la tension monte aux Pays-Bas 1 Air Journal