Un groupe de députés français présentera dans le cadre de la Loi d’orientation mobilités (LOM) un amendement visant à interdire les vols court-courriers quand le train est une alternative. Et ce au moment où les compagnies aériennes dénoncent l’hypocrisie des Etats sur les émissions de gaz à effet de serre.

Alors que la LOM sera examinée à l’Assemblée nationale à partir de ce 3 juin 2019, le député France Insoumise François Ruffin a déposé une proposition visant à interdire l’avion sur toutes les routes sur lesquelles « le train permet un temps de trajet équivalent au temps de trajet de l’avion + 2h30 ». Parmi les routes concernées figurent celles reliant Paris aux aéroports de Lyon, Marseille, Bordeaux, Rennes, Nantes, Bâle-Mulhouse, Lorient ou Bruxelles entre autres, dont les temps de trajet en train sont tous inférieurs à trois heures, mais aucune ligne transversale. Cela entrainerait la disparition de 72 vols quotidiens. Dans le JDD, l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho (non inscrite), qui souhaite l’interdiction des vols intérieurs en cas d’alternative ferroviaire inférieure à cinq heure de trajet, expliquait hier qu’un vol entre Paris et Bordeaux « émet » 72,4 kg de CO2 par passager pour une heure de vol, contre 1,39 kg par passager en train (deux heures) – soit 52 fois moins. Elle veut également interdire la publicité pour le transport aérien (« l’arrivée des compagnies low-cost et les systèmes de promotions permettent des prix très bas. C’est totalement aberrant »).

L’arrivée du TGV dans les grandes villes de province a bien sûr déjà augmenté la concurrence, raflant des parts de marché aux lignes aériennes. Mais la proposition de loi ne mentionne pas le trafic de correspondance vers et depuis les vols long-courriers à Roissy ou Orly, en particulier avec Air France ; l’interdiction pourrait pousser les passagers ne souhaitant pas de multiples changements de mode de transport pour prendre leur vol LC choisir d’éviter Paris au profit de Londres, Francfort, Milan ou Barcelone – au détriment donc de la compagnie nationale. Le gouvernement s’est d’ailleurs dit opposé au projet, qui a peu de chance d’être voté en l’état.

Le débat intervient au moment où l’IATA (Association internationale du transport aérien) tient son assemblée générale à Séoul. L’occasion pour le directeur général Alexandre de Juniac de dénoncer les gouvernements qui au nom de la lutte contre le changement climatique imposent « des taxes punitives » à l’industrie, particulièrement en Europe, plutôt que de l’aider à développer des filières de biocarburant (comme par exemple KLM aux Pays-Bas). « Arrêter ou réduire fortement les vols aurait de graves conséquences pour les personnes, les emplois et les économies du monde entier. Ce serait faire un pas en arrière vers une société isolée, plus petite, plus pauvre et limitée », a défendu l’ancien dirigeant du groupe Air France-KLM selon qui le transport aérien est « crucial pour l’économie mondiale » : 35% du commerce mondial en valeur, et 900 milliards d’euros dépensés par les touristes se déplaçant en avion. Il s’en prend à « l’hypocrisie climatique » des Etats, y compris sur la taxation du kérosène : « mettre de l’argent dans les caisses de l’État ne contribue en rien à réduire les émissions de carbone ». Les gouvernements devraient plutôt « élaborer des politiques de soutien pour revigorer l’industrie des carburants durables » toujours trop chers pour s’imposer à l’échelle de l’industrie. Carsten Spohr, CEO du groupe Lufthansa élu président du conseil des gouverneurs de l’IATA, rappelait de son côté que CORSIA (plan de compensation et de réduction des émissions de carbone dans le transport aérien) « est une réalisation majeure qui stabilisera nos émissions de carbone à partir de 2020. Nous devons maintenant tracer la voie à suivre pour atteindre notre objectif beaucoup plus ambitieux pour 2050 : réduire les émissions nettes de moitié par rapport à 2005 ».

Le transport aérien a malgré tout un problème : s’il s’est effectivement engagé depuis dix ans à réduire ses émissions, si la consommation par passager a diminué de moitié en vingt ans, et s’il ne représente que 2% des émissions mondiales (13% du transport global), ces avancées ont été effacées par la croissance constante du trafic, en particulier dans les pays émergents. Les émissions de CO2 devraient encore augmenter de 2% cette année (+36% entre 2010 et 2018), même si Alexandre de Juniac préfère mettre en avant l’amélioration de l’efficacité énergétique du secteur.

Moins de court-courrier en France ? 1 Air Journal