Alors que le projet de la Loi d’orientation des mobilités (LOM) passe en examen à L’Assemblée nationale, plusieurs députés EELV ou LFI comptent déposer un amendement, visant à demander la suppression de certains vols intérieurs au nom de l’environnement.

Toutefois, tous les vols internes ne seraient cependant pas visés. Seuls ceux qui peuvent être remplacés par des trajets en train seraient concernés. Le député François Ruffin (LFI) a déposé une proposition visant à interdire l’avion sur toutes les routes sur lesquelles « le train permet un temps de trajet équivalent au temps de trajet de l’avion + 2h30 ». Parmi les routes concernées figurent celles reliant Paris aux aéroports de Lyon, Marseille, Bordeaux, Rennes, Nantes, Bâle-Mulhouse, Lorient ou Bruxelles entre autres, dont les temps de trajet en train sont tous inférieurs à trois heures, mais aucune ligne transversale. Cela entraînerait la disparition de 72 vols quotidiens.

De son côté, l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho (non inscrite), qui souhaite l’interdiction des vols intérieurs en cas d’alternative ferroviaire inférieure à cinq heure de trajet, a expliqué dans une interview au JDD qu’un vol entre Paris et Bordeaux « émet » 72,4 kg de CO2 par passager pour une heure de vol, contre 1,39 kg par passager en train (deux heures) – soit 52 fois moins. Elle veut également interdire la publicité du transport aérien. « L’arrivée des compagnies low-cost et les systèmes de promotions permettent des prix très bas. C’est totalement aberrant ! » a déclaré Delphine Batho dans les colonnes du JDD.

L’amendement anti-avion, s’il est adopté, entraînerait des conséquences désastreuses pour les compagnies aériennes, ainsi que pour les aéroports provinciaux qui survivent principalement grâce à ces vols, sans publier les milliers d’emplois qui seraient menacés. Déjà, le gouvernement s’est dit opposé à cet amendement. « Ce n’est pas très sérieux », a réagi ainsi le ministre de la Transition écologique, François de Rugy. Et de souligner : « si on interdit tous les vols là où il y a un train, ça veut dire qu’on ne peut plus utiliser l’avion en France. »

Selon François de Ruby, il ne faut pas interdire, mais laisser la concurrence réguler le marché : le déploiement des lignes TGV ferait naturellement chuter le trafic aérien. Par exemple, pour le Paris-Lyon, 2 heures en TGV, « le train a capté l’essentiel du trafic aérien, il n’y a quasiment plus de vol. » Mais, il reste des destinations en France où, selon le ministre, « le train n’est pas à la hauteur », citant des trajets comme Nantes-Montpellier et Paris-Toulouse.

« L’interdiction des vols domestiques en Europe constituerait une entrave à la concurrence. De facto, les sociétés ferroviaires, subventionnées par de l’argent public, bénéficieraient d’un monopole. Ce serait mettre tous les usagers sous la menace de grèves incessantes ( et démultipliées par le renforcement du pouvoir de nuisance sur les usages privés d’alternative) avec risque de paralysie du continent »,  met en garde Fabrice Dariot, qui dirige l’agence de vols à bas prix Bourse Des Vols. Et de rappeler : « La France émet, en gros, 1% du CO2 de la planète. Oui, il est urgent d’agir mais on sauvera plutôt notre monde par les 99%. Visons les vrais pollueurs, plutôt que de chercher querelle au français moyen qui se paie trois jours de vacances au départ de Beauvais. Pour faire face au réchauffement climatique, attaquons nous à ceux qui polluent et émettent en masse du CO2.»

« Notre pays a déjà les 35h00, le record mondial de prélèvements obligatoires et la Taxe Chirac. Il a assez d’entraves dogmatiques et unilatérales. Oui, il faut, de suite, faire quelque chose pour la planète. Deux pistes ? Taxations massives de TOUTES les marchandises importées, sans respect d’aucune norme environnementale, de plus de 5000 km de l’Europe, dans des portes conteneurs polluants. Faire pression sur l’Allemagne qui pollue tout le continent en faisant brûler de la houille et de la tourbe comme au 19ème siècle pour ses industries. Sur les dix plus gros émetteurs de CO2 d’Europe, huit sont allemands », détaille Fabrice Dariot.

N’empêche, partout en Europe, de plus en plus de personnes évitent, autant que possible, de prendre l’avion au nom de la protection de l’environnement. En France, le mouvement anti-avion décolle -si l’on peut oser le jeu de mots- avec cette récente proposition de suppression de certains vols intérieurs.

En Suisse, deux élues écologiste, Adèle Thorens et Lisa Mazzone, réclament, comme la française Delphine Batho, l’interdiction des publicité de compagnies aériennes dans les gares et des avertissements semblables à ceux des paquets de cigarettes : «L‘avion nuit gravement au climat». Aux Pays-Bas, le parlement a voté en faveur d’une suppression de la liaison aérienne entre Amsterdam et Bruxelles, afin de favoriser le train tout aussi rapide sur une courte distance.

En Suède, ce mouvement porte même un nom : Flygskam, littéralement « honte de l’avion ». Le nombre de passagers suédois a diminué de près de 4,4% sur un an, dont – 5,6% sur les vols domestiques. Au contraire, les transports ferroviaires, eux, se frottent les mains. La principale entreprise ferroviaire du pays, SJAB, a vu son chiffre d’affaires augmenter de 10% au premier trimestre 2019. Pour sa part, le gouvernement suédois a investir 50 millions de couronnes (4,8 millions d’euros) pour ouvrir de nouveaux services ferroviaires.

Environnement : faut-il supprimer des vols intérieurs en France ? 1 Air Journal

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