Face à la pandémie de Covid-19, le Sénat demande une définition claire des règles sanitaires à observer à bord des avions des compagnies aériennes comme dans les aéroports, avant toute reprise généralisée des vols commerciaux. Et ce avant le 11 mai, date annoncée du début du déconfinement en France, et avec 12 propositions à la clé.

Les sénateurs de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont publié le 30 avril 2020 un appel au Gouvernement pour « donner de la visibilité aux acteurs » du transport aérien en détaillant les mesures qui devront s’appliquer dans les aéroports et dans les avions, « et en s’assurant que ces règles soient uniformisées au niveau européen et international ». Inédite par son ampleur, la crise actuelle « pourrait aussi l’être par sa durée », souligne le texte : selon les organismes et personnes entendus par la commission, il ne faut pas s’attendre à un retour à la normale du trafic avant fin 2021 ou 2022. De nombreux freins pourraient limiter la reprise : « baisse de pouvoir d’achat provoquée par la crise économique, éventuels effets psychologiques liés au confinement et à l’épidémie (crainte de voyager et d’être bloqué à l’étranger ; volonté de rester à proximité des proches…) ». Mais pour les sénateurs, ce seront surtout les impératifs de sécurité sanitaire qui joueront un rôle déterminant dans la capacité du transport aérien à reprendre son activité.

Concernant les règles à bord des avions, les annonces faites mardi par le Premier ministre « soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses » : hormis le port obligatoire du masque à bord, « aucune règle claire n’a été établie. Des interrogations demeurent notamment concernant le respect de la distanciation physique. La libération d’un siège sur deux, prévue dans les transports urbains, s’appliquera t elle dans les avions ? ». L’application d’un tel dispositif « conduirait à une perte économique pour une grande majorité de transporteurs, et à une augmentation des tarifs ». Pour Nicole Bonnefoy, à l’initiative de la lettre ouverte, « la stratégie à adopter à bord devra s’appuyer sur une étude scientifique fiable, et non sur de simples considérations économiques. La capacité des systèmes de recyclage de l’air à éviter les contaminations à bord doit donc être très rapidement expertisée par l’État ».

En ce qui concerne les aéroports, la commission constate que l’option d’un contrôle à l’arrivée des passagers semble « la plus avancé »e. Elle pourrait s’organiser autour d’un triptyque : 1) mise en place de caméras thermiques à l’arrivée des passagers 2) test systématique des personnes suspectes 3) isolement des personnes testées positives à proximité des aéroports. Cette option soulève néanmoins de nouvelles interrogations, estiment les sénateurs : « du personnel qualifié, habilité à faire des tests, sera t il mis à disposition des aéroports ? Les aéroports pourront ils se doter des outils nécessaires, et notamment des caméras thermiques ? ». Ces inconnues « doivent être rapidement levées », et une réflexion doit d’ores et déjà être engagée pour « garantir un financement équitable » de ces mesures.

La commission appelle également à une révision d’urgence du règlement européen relatif au remboursement des vols annulés afin d’autoriser la remise d’avoirs, et à « la mise en place d’un fonds de garantie, nécessaire afin de rassurer les consommateurs sur la solvabilité des avoirs remis par les compagnies », selon son président Hervé Maurey. Elle recommande enfin « l’octroi de prêts garantis aux compagnies indispensables à la desserte des territoires ultra marins, en contrepartie d’engagements fermes de modération tarifaire ». Les sénateurs formulent par ailleurs des « recommandations ambitieuses » pour accompagner le secteur vers le transport aérien de demain, compatible avec les objectifs climatiques de la France : ils proposent notamment de « renforcer les objectifs d’incorporation de biocarburants durables, qui pourraient faire l’objet d’un soutien spécifique à la relance ».

Proposition n° 1 : Clarifier avant le 11 mai 2020 les règles sanitaires applicables au transport aérien et s’assurer de l’uniformité de ces règles au niveau européen, et quand cela sera possible, au niveau international.

Proposition n° 2 : Évaluer la capacité des systèmes de régénération de l’air à éviter les contaminations à bord. Dans l’attente, appliquer les mesures de distanciation physique dans les appareils modérément remplis.

Proposition n° 3 : Pour le financement des mesures de contrôle sanitaire, prévoir, a minima, une avance de l’État avec un remboursement des compagnies via la taxe d’aéroport. Réfléchir dès à présent à d’éventuelles modalités de répartition du financement entre l’État et les compagnies.

Proposition n° 4 : Si nécessaire, à moyen terme, prévoir une montée au capital de l’État dans Air France-KLM.

Proposition n° 5 : Réviser en urgence le règlement européen relatif au remboursement des vols annulés et mettre en place un fonds de garantie par l’État afin de rassurer les passagers sur la solvabilité des avoirs remis.

Proposition n° 6 : Évaluer les déficits des aérodromes au titre des missions de sécurité et de sûreté et  compenser ces pertes, au cas par cas, lorsque la situation financière de l’aérodrome l’exige et tant que la taxe d’aéroport ne permettra pas d’apporter les ressources nécessaires.

Proposition n° 7 : Dans le plan de réduction des émissions de CO2 transmis par Air France à l’État, inscrire des engagements ambitieux en matière de renouvellement des flottes, d’incorporation de biocarburants, ou encore de restructuration du réseau intérieur.

Proposition n° 8 : Renforcer l’ambition de la feuille de route sur les biocarburants durables. Dans le cadre de l’AMI, identifier des projets d’investissement, qui pourraient faire l’objet d’un soutien spécifique à la relance.

Proposition n° 9 : Maintenir les règles actuelles du programme CORSIA prévoyant une compensation des émissions supérieures aux niveaux enregistrés en 2020.

Proposition n° 10 : Garantir la remise en service progressive des lignes d’aménagement du territoire existantes en adaptant les arrêtés fixant les obligations de service public. Maintenir et, le cas échéant, accroître le soutien aux LAT prévu par la Stratégie nationale du transport aérien.

Proposition n° 11 : Si nécessaire, aider par des prêts garantis les compagnies indispensables à la connexion entre la métropole et les territoires ultra-marins, et entre les territoires ultra-marins. Fixer en contrepartie des engagements fermes de modération tarifaire.

Proposition n° 12 : Adapter, si elles existent, les stratégies aéroportuaires régionales à la nouvelle donne du transport aérien et accompagner les régions ne disposant pas encore d’une telle stratégie à se saisir pleinement de leur compétence.

France : reprise des vols et mesures sanitaires 1 Air Journal

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