Plus de 150 vols ont encore été annulés par les compagnies aériennes British Airways et easyJet hier au départ des aéroports de Londres où le manque de personnel entraine des files d’attentes – ce dernier étant en outre appelé à voter sur le principe d’une grève d’ici la fin du mois. Amsterdam-Schiphol, ou plus de 225 départs ont déjà été annulés en mai par Air France-KLM, veut de son côté réduite les capacités de 30% pendant les trois prochains mois. L’IATA veut pourtant croire que la situation peut être contrôlée et même améliorée.

Le 1er juin 2022 a ressemblé aux semaines précédentes dans de nombreux aéroports européens : British Airways a annulé au moins 124 vols court-courriers à l’aéroport de Londres-Heathrow (où les files d’attente ont été qualifiées de « foutu chaos » la veille), tandis qu’à Gatwick la low cost easyJet supprimait au moins 31 vols intérieurs et vers l’Espagne, l’Italie ou la Pologne entre autres. Avec toujours pour cause principale le manque de personnel en aéroport, en particulier dans la sécurité : mais la compagnie nationale britannique s’est aussi vu reprocher d’avoir choisi de licencier 10.000 employés plutôt que de les mettre en congés durant la pandémie de Covid-19, avec pour conséquence des difficultés à recruter – alors que la demande est au plus haut notamment en cette semaine de vacances scolaires et de jubilé de la Reine Elizabeth II. British Airways a d’ailleurs annoncé vouloir réduire de 10% son programme de vols d’ici octobre afin d’assurer « la résilience de ses opérations ».

Toujours à Gatwick, les mêmes causes ont vu lundi un Airbus A319 de la low cost Vueling repartir vers sa base de Florence avec trois heures de retard – mais sans passager, même si certains avaient atteint la porte d’embarquement après quatre heures passées à faire enregistrer leurs bagages. Le vol serait parti vide faute de personnel pour gérer les départs de la compagnie aérienne et à cause du couvre-feu à Peretola, selon la presse locale.

Londres n’est évidemment pas la seule ville du pays affectée par le manque de personnel : à Manchester par exemple, ce sont 200 vols de TUI Airways qui ont été annulés entre mardi et la fin du mois, une décision prise après là aussi des problèmes de gestion de l’afflux de passagers en raison du manque de personnel. Six vols par jour sont supprimés jusqu’au 30 juin, notamment vers des destinations telles que les îles Canaries en Espagne.

Le vice-Premier ministre britannique Dominic Raab s’est emparé de l’affaire, accusant sur Sky News les compagnies aériennes de « manque de préparation » avant la vague de vacances : « tout au long de la pandémie, le gouvernement leur a fourni un soutien de 8 milliards de livres sterling, et il y a eu des ajustements à la réglementation pour faciliter l’embauche par l’industrie du transport aérien. Je pense qu’il y a clairement eu un manque de préparation pour cette recrudescence de la demande des vacanciers ».

Annulations de vols, manque de personnel, menace de grève : le chaos continue dans les aéroports européens 1 Air Journal

©Stuart Bailey/British Airways

Les choses risquent malheureusement d’empirer à Londres-Heathrow : le syndicat Unite à appeler les quelque 500 employés à l’enregistrement de British Airways « et d’autres employés » au sol à se prononcer d’ici le 27 juin sur le principe d’une grève, pour des raisons salariales. Le syndicat reproche à la compagnie aérienne d’avoir effacé les baisses de salaire décidées durant la crise sanitaire « pour les dirigeants mais pas pour nos membres ». La compagnie aérienne a déclaré être « extrêmement déçue. Après deux années profondément difficiles qui ont vu la compagnie aérienne perdre plus de quatre milliards de livres, ces collègues se sont vu offrir une prime de 10% pour cette année, qui a été rejetée. D’autres parties de l’organisation ont accepté la même offre, reconnaissant la position dans laquelle l’entreprise se trouve toujours ».

La situation est similaire à Amsterdam-Schiphol, où le groupe Air France-KLM a dû annuler plus de 225 vols le mois dernier à cause du manque de personnel et des arrêts de travail. Et ça ne vas pas s’arranger pour ceux qui veulent/doivent prendre l’avion : le gestionnaire de l’aéroport a dévoilé un plan visant à réduire les capacités de 30% du 1er juin au 28 aout, notamment via des mesures temporaires sur les créneaux de vol (les slots non utilisés ne seront pas réattribués même temporairement) ou des déroutements vers d’autres plateformes. Et en dernier recours, une diminution limitée mais obligatoires des vols planifiés. Un déploiement de personnel supplémentaire, « une planification améliorée et le recrutement de plus d’employés » sont aussi au programme, a précisé l’aéroport – qui a été menacé de poursuites en justice par le syndicat local des agences de voyage ANVR).

Le patron de l’IATA Willie Walsh a pourtant appelé au calme, même si des situations similaires sont constatées de Dublin à Toronto en passant par Stockholm. « Je pense qu’il faut relativiser : il y a des problèmes dans certains aéroports, ce n’est pas à l’échelle mondiale », a-t-il déclaré, même si un autre problème devient critique aux USA – le manque de pilotes. Pour le dirigeant, cela reflète l’augmentation très importante de l’activité post-pandémie, « et le fait que nous sortons d’une base très basse. Alors que les compagnies aériennes et les aéroports essaient de se reconstruire, c’est un défi pour certains d’entre eux … On y remédiera ». Une demande « incertaine » pour la prochaine saison hivernale est déjà évoquée par quelques compagnies aériennes, en raison de l’inflation et de la hausse du prix du pétrole, mais Willie Walsh veut croire que cela n’aura pas vraiment d’effet à long terme : les compagnies aériennes « ont déjà fonctionné avec un baril à plus de 100 dollars », a-t-il rappelé.

Mais l’IATA a aussi proposé des réformes pour lutter contre la pénurie actuelle de personnel d’assistance en escale, le recrutement de nouveaux employés étant ralenti par les retards résultant de la longue procédure d’habilitation de sécurité. Le secteur devrait adopter « une stratégie d’acquisition plus solide, rationaliser les processus d’intégration et développer une proposition de rétention plus convaincante ». Par exemple via une campagne de sensibilisation pour « souligner l’attractivité et l’importance des opérations au sol dans les opérations mondiales de logistique et de transport », en remédiant au déséquilibre entre les sexes dans l’industrie ou en lançant des apprentissages en partenariat avec des écoles de métiers « pour dynamiser les viviers de candidats ».

L’IATA a également suggéré que le calendrier actuel de six mois pour la formation et l’habilitation de sécurité « doit être accéléré » en mettant davantage l’accent sur la formation et l’évaluation en ligne, ainsi que sur la reconnaissance mutuelle par les autorités de la formation à la sécurité et des antécédents des employés. La normalisation des opérations au sol « via le manuel des opérations au sol de l’IATA » favoriserait en outre la flexibilité en termes de relocalisation, de réaffectation et de recrutement ». De plus, l’adoption de nouvelles technologies et de processus automatisés « devrait créer des opportunités d’emploi et des cheminements de carrière diversifiés qui attireront une nouvelle génération de talents ».

« Une approche à l’échelle de l’industrie pour jeter les bases d’un recrutement, d’une intégration et d’une fidélisation plus efficaces des talents apportera de grands avantages en termes d’efficacité pour toutes les personnes concernées. Le potentiel est de faire passer le travail dans le secteur d’avoir un emploi à développer une carrière », a déclaré Nick Careen, vice-président principal de l’IATA pour les opérations, la sûreté et la sécurité.

Annulations de vols, manque de personnel, menace de grève : le chaos continue dans les aéroports européens 2 Air Journal

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