La compagnie aérienne low cost Wizz Air a converti le mois dernier 21 des Airbus A320neo commandés en autant d’A321neo. Mais son patron Jozsef Varadi est sous le feu des critiques après avoir demandé à ses pilotes même épuisés de « faire un effort supplémentaire ».

En mai 2022, la spécialiste hongroise du vol pas cher a trouvé un accord avec Airbus, son unique fournisseur, pour modifier sa commande de monocouloirs remotorisés : 21 A320neo ont été convertis en A321neo, livrables entre 2024 et 2026. Wizz Air et ses filiales notamment en Grande Bretagne ou à Abou Dhabi ont reçu selon les listings de l’avionneur à fin mai 2022 56 A321neo, plus de 300 restant à livrer ; la low cost basée à l’aéroport de Budapest est la seule à opérer des A320neo, six des 25 commandés à fin mai   

Wizz Air compte recevoir durant cette année fiscale 34 A321neo supplémentaires, et mettre à la retraite une dizaine des 56 A320 encore utilisés.

La compagnie aérienne est comme les autres affectées par les problèmes de manque de personnel face à la reprise de la demande (sa filiale UK par exemple cesse d’opérer depuis Doncaster-Sheffield, supprimant huit routes ; l’aéroport reste desservi sous code W6 depuis huit autres villes d’Europe de l’est). Mais une autre solution a été proposée par son CEO Jozsef Varadi : s’adressant à tous les employés, même si ce sont les syndicats de pilotes qui ont été les plus outragés, il a déclaré que «  maintenant que tout le monde se remet au travail, je comprends que la fatigue est une conséquence potentielle des problèmes ».

Avant d’ajouter : « mais une fois que nous commencerons à stabiliser les listes, nous aurons aussi besoin de réduire le taux de fatigue. Je veux dire, nous ne pouvons pas gérer cette entreprise lorsqu’une personne sur cinq d’une base signale une maladie parce que la personne est fatiguée. Nous sommes tous fatigués mais parfois il faut faire un effort supplémentaire ». Et de conclure : « les dégâts sont énormes quand on annule les vols, c’est énorme. C’est une atteinte à la réputation de la marque et c’est un dommage financier de plus, un dommage transactionnel parce que nous devons payer une compensation pour cela ».

 

Les réactions n’ont pas tardé : pour le syndicat de pilotes European Cockpit Association (ECA), demander aux pilotes de voler lorsqu’ils sont fatigués est « comme remettre les clés de la voiture à un conducteur ivre ». L’association a donc demandé à l’EASA (Agence européenne de la sécurité aérienne) « d’intervenir et de garantir le maintien de la sécurité ». L’agence a répondu qu’elle « reconnaît que la fatigue peut constituer un grave danger pour la sécurité et doit être identifiée et correctement atténuée. Nous enquêtons actuellement sur les allégations pour déterminer si et quelles autres mesures de surveillance ad hoc sont nécessaires ». Martin Chalk, secrétaire général de la British Airline Pilots Association (BALPA) a déclaré de son côté que les compagnies aériennes « viennent de connaître les deux pires exercices financiers jamais enregistrés, mais la sécurité doit passer en premier quoi qu’il arrive. Personne ne veut de pilotes fatigués aux commandes : les conséquences possibles sont trop dévastatrices ».

L’ECA, qui représente quelque 40.000 pilotes sur le continent, surveille Wizz Air depuis longtemps en raison de la rapidité de son développement ; elle la considère comme l’une des compagnies les plus mal classées « socialement ». En 2020, alors que l’impact de la crise sanitaire commençait à se faire sentir, elle rappelait aussi la précarité des navigants, rappelant que certaines compagnies aériennes « ont bâti leur empire sur le dos d’équipages ‘indépendants’, d’auto-entrepreneurs ou de travailleurs intérimaires, évitant ainsi de payer des cotisations de sécurité sociale et transférant tous les risques financiers et l’incertitude sur les individus ». Et peuvent alors « profiter d’une productivité maximale de l’équipage, sans aucune responsabilité, et tous les risques sont encourus par le personnel navigant ».

 

Wizz Air : A321neo et polémique sur la fatigue des pilotes 1 Air Journal

©Wizz Air/Lénárt Gábor