Les autorités indonésiennes devraient publier le 28 ou 29 novembre un rapport préliminaire sur l’accident du vol JT610 de la compagnie aérienne low cost Lion Air, qui a fait 189 morts fin octobre.

Le directeur de l’agence indonésienne de sécurité des transports (KNKT) Soerjanto Tjahjono a précisé lors d’une conférence de presse le 12 novembre 2018 que le rapport préliminaire sur le crash du 29 octobre sera publié sur internet. Une première analyse de l’enregistreur des données de vol (FDR) fait état d’erreurs dans les informations fournies par les capteurs d’incidence (AOA, Angle of Attack), sans que l’on sache si le problème concerne les deux sondes ou l’avionique du Boeing 737 MAX 8 de Lion Air. Mais la deuxième boîte noire, l’enregistreur des conversations du cockpit (CVR) n’a toujours pas été retrouvée ; elle reste seule à même d’expliquer les réactions des pilotes face aux problèmes rencontrés, et si des erreurs ont été commises dans la gestion de l’accident.

La semaine dernière, Boeing avait émis un bulletin rappelant les procédures à suivre « pour gérer les cas dans lesquels l’information d’un capteur AOA est erronée ». La FAA américaine a émis dans la foulée une directive concernant les 246 Boeing 737 MAX en service, demandant aux opérateurs de mettre à jour le manuel de vol (AFM) d’ici trois jours pour fournir à l’équipage « les procédures de compensation du stabilisateur horizontal à suivre dans certaines conditions ».

Durant le weekend, American Airlines et Southwest Airlines (respectivement 16 et 26 737 MAX en service) ont envoyé à leurs pilotes un mémo détaillant le nouveau système unique au MAX appelé système d’augmentation des caractéristiques de manœuvre (MCAS), ajouté lors de la certification des monocouloirs remotorisés et qui doit améliorer les caractéristiques de pitch dans les virages serrés avec des facteurs de charge élevés et pendant le vol avec volets sortis à une vitesse proche du décrochage. Ce qui pose visiblement un problème au syndicat de pilotes chez AA, selon qui « c’est la première fois que les pilotes de 737 en entendent parler : cela ne figure pas dans le manuel de vol 737 et n’est pas décrit dans le FCOM de Boeing (manuel d’opérations de l’équipage de vol) ». Des données erronées pourraient forcer l’avion à piquer automatiquement et fortement pendant dix secondes pour éviter le décrochage, y compris en pilotage manuel, un scénario auquel les pilotes ne serait pas formés. Un instructeur de Lion Air a toutefois précisé qu’en cas de piqué « au mauvais moment », les pilotes étaient formés à couper les systèmes défaillants – ce qui aurait d’ailleurs été fait avec succès lors des précédents vols du MAX 8.   

Le président de Four Winds Aerospace Safety Corp. (syndicat de pilotes dédié à la sécurité des vols) John Gadzinski, interrogé par Seattle Pi, évoque « une énorme dissonance. Au mieux, nous sommes formés pour que, lorsque l’avion nous dit de faire quelque chose, nous le fassions. Une énorme partie de votre cerveau veut faire confiance à ce que l’avion vous dit, et tout d’un coup entend : « wow, dans ce cas on ne peut pas faire confiance à l’avion – la version la plus moderne de l’avion le plus sûr au monde. C’est un énorme problème ».

Le 737 MAX 8 de Lion Air immatriculé PK-LQP s’est écrasé en mer le 29 octobre 2018, 13 minutes après avoir commencé son vol entre Jakarta-Soekarno Hatta et l’aéroport de Pangkal Pinang. Ce crash n’est « que » le deuxième mortel dans l’histoire de la low cost (25 personnes avaient péri en 2004 quand son McDonnell Douglas MD-82 s’était écrasé à Surakarta), mais elle a connu plusieurs accidents sérieux, dont celui de 2013 à Bali qui n’avait fait aucune victime alors qu’un 737-800 s’était posé en mer lors d’un atterrissage raté. Lion Air figurait alors sur la liste noire des compagnies aériennes interdites de vol en Europe, mais en était sortie en juin 2016 – en même temps que sa filiale Batik Air et Citilink, la low cost de Garuda Indonesia. En juin dernier, la Commission européenne retirait tous les transporteurs aériens indonésiens de sa liste noire, « compte tenu des nouveaux progrès en matière de sécurité aérienne qui ont été constatés dans ce pays ». Au total, Lion Air a perdu cinq avions dans des incidents divers depuis 2002, cinq autres étant sérieusement endommagés.

L’accident du vol JT610 est le plus grave en Indonésie depuis 2015, quand un Airbus A320 de la low cost AirAsia Indonesia s’était écrasé en mer lors du vol QZ8501 entre Surabaya et Singapour. Le pire dans l’histoire du pays reste celui de Garuda Indonesia en septembre 1997, quand son A300 s’était écrasé sur une colline lors de son approche de l’aéroport de Medan (234 mort).

Crash de Lion Air : un rapport préliminaire fin novembre 1 Air Journal

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